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samedi 30 septembre 2017

1869- Le roi Louis II de Bavière offre un monument à Goethe à la ville de Munich

Détail d'une photo de la Bildarchiv Marburg
De droite à gauche: la Lenbachplatz avec le Grand Hotel, la Künstlerhaus 
(maison des artistes),  la Grande Synagogue et la statue de Goethe 
par Max von Widnmann . Carte postale photographique vers 1910.





Historique

Ce monument fut la seule commande que le Roi Louis II de Bavière passa au sculpteur Max von Widnmann. On sait, grâce aux Mémoires (Erinnerungen)* qu'a laissées Widnmann que la commande dut être exécutée en fort peu de temps, -la statue devait être de manière à pouvoir être inaugurée le 29 août, date du 120ème anniveraire de la naissance de Goethe-, et que la somme allouée était par trop modique (1500 florins de 1869). Louis II avait exigé que Goethe soit représenté jeune en toge antique et porteur d'une lyre. Le modèle de la tête devait être le buste réalisé par Alexander Trippel **pendant le séjour romain de Goethe. (Ci-contre: détail d'une carte postale ancienne représentant le monument.)

Ces  remarques du sculpteur sont importantes parce qu'elles constituent  un nouveau témoignage du soin et de la précision extrêmes que le roi Louis II apportait à ses commandes artistiques.

La statue fut détruite pendant la seconde guerre mondiale. 


Le monument dans la presse française de l'époque, une publication du Monde illustré

Gravure selon un croquis de A. Mouillard
La gravure parue en première page du Monde illustré du 18 septembre 1869 est accompagnée d'un article (en page 6), que voici:

LA STATUE DE GŒTHE, A MUNICH 

      La munificence du roi Louis II, de Bavière, vient d'offrir à la ville de Munich une statue de Gœthe.
      Au milieu des grands hommes qui décorent les places de la ville, l'illustre poëte manquait, et cependant il n'est guère de ville importante de l'Allemagne qui n'ait tenu à honneur d'élever un monument de reconnaissance à l'homme qui, avec Schiller et Lessing, a plus fait pour l'unité allemande que bien des ministres aidés du fusil à aiguille.
      Le 29 août, sur la place Carl, on a fait tomber le voile qui recouvrait le monument érigé à la mémoire de l'auteur de Faust. Entourée d'arbustes; sur un piédestal orné de guirlandes de feuillage, se dresse l'image de Gœthe, drapé à l'antique. Sa tête est couronnée de lauriers, sa main gauche tient la lyre. Le poëte, dans tout l'éclat de sa jeunesse, a la noblesse d'Apollon. Du reste, si jamais il fut permis à un sculpteur de s'éloigner de la vraisemblance historique, en revêtant un poëte du dix-huitième siècle du manteau des Grecs, c'est surtout quand il s'agit de Gœthe. dont la beauté régulière est bien connue, que pareille licence est pardonnable.
    Les ministres de Hormann, de Pfretzschener, de Sehln, une députation des professeurs de l'université et du conseil municipal de Munich, se tenaient au pied de la statue, qu'entourait la foule. Le premier chambellan du roi, comte de Pocci, prononça une courte allocution, et au nom de S. M. le roi de Bavière, offrit le monument à la ville de Munich: Le bourgmestre, remercia au nom de la ville.
       La société des chanteurs de Munich fit entendre un choeur composé pour cette circonstance par le maître de chapelle Rheinbeger.

Telle fut, dans sa simplicité, l'inauguration du monument d'un des plus grands esprits des temps modernes.

M. v.


Source de l'image et du texte: Gallica (BNF)


_________________

*Maximilian von Widnmanns ERINNERUNGEN, Hrsg. Anneliese Senger Stiftung, München 2014, ISBN 9 783 73 5718211
Des extraits du texte original en allemand concernant la commande de la statue par Louis II ont été mis en ligne par la fondation Anneliese Senger. Cliquer ici.

**Buste de Goethe par Alexander Trippel





Louis II de Bavière représenté dans les mémoires de la Comtesse Larisch



in My past, by the countess Marie Larisch (née baroness von Wallersee, niece of the late empress Elizabeth of Austria and daughter of Duke Ludwig of Bavaria, London, Eveleigh Nash, 1912, 2d impression. (Chapter 7)

Les Nibelungen dans les chromos Palmin (Série 94-7): le songe de Krimhield

Le songe de Krimhield, chromo Palmin (Série 94-7)

La Chanson des Nibelungen (Nibelungenlied en allemand) est une épopée médiévale en moyen haut-allemand composée au xiiie siècle. La Chanson des Nibelungen est la version originale germanique d'une légende également attestée en Scandinavie par des contes danois ou islandais. Redécouverte en Allemagne au XIXème siècle, elle y a été considérée durant deux siècles comme une épopée nationale décrivant la construction du pays.

Elle raconte les exploits de Siegfried, prince détenteur du trésor des Nibelungen, pour aider le roi burgonde Gunther à conquérir la main de Brunehilde, puis son mariage avec Kriemhild, la sœur de Gunther. Son assassinat par Hagen initie une longue vengeance menée par Kriemhild et dont l'issue est le massacre des Burgondes sur les rives du Danube.

Les chromos Palmin

PALMIN est une margarine végétale allemande à base de noix de coco. Série de 6 chromos publicitaires distribués vers 1910.

Le songe de Krimhield (source Wikipedia, entrée Chanson des Nibelungen)

La première partie du récit se concentre sur la gloire de Siegfried qu'évoquent ses exploits et son magnifique mariage.

Dans le pays des Burgondes, à Worms, vit la princesse Kriemhild, sœur des rois Gunther, Gernot et Giselher. Tous les membres de sa cour sont des guerriers de grande valeur. Kriemhild fait un jour un songe dans lequel elle voit un faucon tué par deux aigles. C'est, selon sa mère, l'homme qu'elle épousera, et qu'elle perdra très vite. Kriemhild affirme qu'elle renonce à l'amour et au mariage, mais elle ne tiendra pas sa promesse.

Le texte donne fréquemment des annonces de ce qui va arriver : dès le début de l'aventure, le lecteur sait que Kriemhild se mariera et que son époux sera tué.

La réception chez les Wittelsbacher et Wagner

Durant tous les XIXème et XXème  siècles, le Nibelungenlied connaîtra surtout en Allemagne un succès lié à sa perception comme produit national. C'est à cette époque que sera écrite la pièce de théâtre de Friedrich Hebel.

C'est ensuite, sans doute.la tétralogie Der Ring des Nibelungen de Richard Wagner, qui fera connaître à un large public, sinon le chant, au moins la légende des Nibelungen. La Tétralogie jouera par la suite un grand rôle dans la perception de la Chanson des Nibelungen comme mythe national.

Le Roi Louis Ier de Bavière fera décorer des salles la Résidence munichoise de scènes des Nibelungen par le peintre Schnorr von Carosfeld. Plus tard dans le siècle, Louis II commandera pour la même Résidence, qu'il fit en partie transformer, la décoration du couloir dit des Nibelungen au peintre Michael Echter.  Le thème des fresques était directement inspiré par l´Anneau des Niebelungen de Richard Wagner. Le couloir et les fresques furent malheureusement anéantis dans les bombardements de 1944. (Voir notre post précédent sur la fresque des filles du Rhin).



vendredi 29 septembre 2017

Wagner chez Louis-Guillaume duc en Bavière, le récit de la comtesse Marie de Wallersée-Larisch dans 'My past'.

Louis-Guillaume, duc en Bavière (en allemand Ludwig Wilhelm Herzog in Bayern / Munich 1831-1920), fils aîné de Maximilien en Bavière, duc en Bavière et de Ludovica de Bavière, était le frère aîné de l'impératrice Élisabeth d'Autriche, la célèbre Sissi, et de Sophie-Charlotte, la fiancée du Roi Louis II.

Passionné de théâtre, Louis-Guillaume en Bavière fit la connaissance de la comédienne Henriette Mendel (1833-1891), dont il eut deux enfants illégitimes, Marie-Louise étant l'aînée. Bravant les conventions de son milieu, le duc épousa en union morganatique la mère de ses enfants en 1859. Leurs enfants furent reconnus légitimes mais non dynastes. Marie-Louise de Wallersée devint la confidente de Sissi qui lui fit épouser le Comte Larisch, un riche aristocrate de Bohême. 

Après l'assassinat de l'impératrice en 1898, Marie écrivit ses mémoires (dont le titre original est My Past) avec l'aide d'un journaliste anglais , -des mémoires qui seront contestées quant à leur véracité-,  pour se justifier notamment de son rôle d'entremetteuse dans l'affaire de Meyerling. La Cour de Vienne lui demande de renoncer à les publier contre contribution d'une pension à vie, mais elle trahira ses engagements et ses Mémoires paraîtront en 1913. On les trouve en français sous le titre Le drame de Meyerling.

L'épisode qui nous intéresse ici concerne la rencontre secrète de Sophie-Charlotte, la fiancée de Louis II de Bavière, avec le compositeur Richard Wagner, dans la maison de Louis-Guillaume, auquel le Roi avait demandé assistance et complicité. Louis-Guillaume avait accepté de prêter sa maison. Dans ses mémoires (My Past, pp. 32 à 34), la Comtesse Larisch raconte l'épisode plutôt comique de l'arrivée de Wagner dans la maison de son père, où elle l'accueille. Nous en retranscrivons le texte dans l'original anglais:

   One of my most interesting experiences as a young girl was my first meeting with Richard Wagner, who, as is well known, owed his ultimate recognition as a genius to the kindness and patronage of Ludwig II. The King, who was very fond of papa, one day asked him whether his fiancde, my aunt Princess Sophie of Bavaria, could meet Wagner at our house. Papa, of course, assented, and a meeting was arranged, but owing to some contretemps everybody excepting myself was out when the great man arrived. I had devoted my solitude to ransacking my mother’s wardrobe to “ dress up,” so when I had tried on her largest crinoline, her silk dress, and her hat and jacket, I seized a small green silk-fringed umbrella, and pirouetted complacently in front of the long mirror.            Suddenly the bell rang, and conjecturing the arrival was my governess, I made for the door, opened it, and came face to face with Wagner, although I did not then know who he was. I remember him so well as a little man with a big nose who said politely, in a broad Saxon accent, “Is it here that the Duke of Bavaria lives? ” I bowed, and said gravely, " Please to come in.” 
         Wagner seemed rather nervous, and no wonder, for I looked extraordinary in my huge crinoline, and clothes which were far too large for me ; but perhaps he reflected, that as our family was famed for its eccentricities, he had chanced to meet one of the “odd” members, so he followed me meekly into the drawing-room where I left him. 
        An hour passed, and when my governess re- turned I informed her that Papa’s tailor was sitting in the salon, but she merely replied, “ Let him wait,” and directed her energies to scolding me for dressing up and telling me to “ get on with my lessons.” 
        There was no sound from where Wagner sat possessing his soul in patience, but when my mother came back and I imparted the interesting news to her that “ Papa's tailor was in the salon.” she straightway went to see for herself and nearly expired when she recognised Richard Wagner. Mamma was really distressed to think that he had been treated in such an offhand manner, and was profusely apologetic. Wagner, however, was highly amused, and remarked, “ Some one told me to wait, and I have waited, you see.” 
      Soon afterwards my aunt arrived with her lady- in-waiting, and I believe a very pleasant interview took place. I was not allowed to renew my acquaintance with Wagner, and in the outer darkness of my schoolroom I writhed under the maternal anger, but I have a shrewd suspicion that it was the fact of my “ dressing up ” which annoyed my mother most, and that Wagner’s long wait was as nothing compared to her creased gown and roughly handled crinoline. 


jeudi 28 septembre 2017

L'interview du Roi Louis II de Bavière par Lew Vanderpoole est-elle un faux écrit par un escroc?

Les études historiques consacrées au Roi Louis II de Bavière mentionnent fréquemment  une interview que le roi Louis II de Bavière aurait accordée au journaliste américain Lew Vanderpoole et dans lequel le Roi exprimait son enthousiasme pour l'oeuvre d'Edgar Allan Poe et établissait des parallèles entre sa personnalité et celle de l'auteur américain. Certains auteurs mentionnent même une date: la rencontre aurait eu lieu en février 1882. Lew Vanderpoole n'avait cependant  publié le compte-rendu de cet entretien qu'au plus tôt en juillet 1886, soit juste après la mort du Roi dans le Lippincott's monthly magazine, un mensuel édité à Philadelphie (1).

Une analyse du document par les moyens de la critique tant interne qu'externe nous a conduit à mettre en cause son authenticité et à faire des recherches de manière à recouper tant que faire se pouvait l'information. La découverte de documents concernant un faux littéraire avéré de Vanderpoole  postérieur d'une année à peine à l'interview qui nous occupe ici donne à penser que faussaire n'en était pas à son coup d'essai et que le compte-rendu de son entretien avec Louis II n'est peut-être qu'un faux tissé de mensonges.

Les faussaires peuvent produire des oeuvres remarquables, et c'est ici le cas avec ce texte qui depuis plus de cent ans a été lu et apprécié, et reste un document troublant tant Vanderpoole est parvenu à y approcher la psychologie profonde de Louis II de Bavière. Nous reproduisons ici le texte de Lew Vanderpoole pour en proposer ensuite une analyse, et enfin évoquer l'affaire de la publication d'un traduction d'un roman  posthume prétendûment attribué à George Sand, pour lequel des éditeurs américains traînèrent Vanderpoole en justice.


Le document de Lew Vanderpool

LUDWIG OF BAVARIA:
A personal reminiscence



THE adjustment of the estates of three of my French ancestors, who died in Rouen about eight years ago, necessitated my going to Bavaria. As the three deaths, being almost simultaneous, resulted in unprecedented complications, it was manifest, from the very first, that audience must be had with the Bavarian king. So, in leaving France, I bore with me, to Ludwig, a letter of introduction from M. Gambetta, which fully explained my mission and requested the king to facilitate my endeavors as far as possible. Arriving in Munich, I sent my letter to his royal highness, expecting of course, to be turned over to the tender mercies of some deputy, after his usual custom. To my surprise, Gambetta's letter resulted in my being requested to wait upon the king at the royal palace the next morning at six o'clock. Punctual to the second, I was shown into a beautifully-decorated sitting-room, where the monarch joined me after a brief delay.

To others he may have always been brusque, morose, and taciturn, but no one could have been more affable and gracious than he was that morning. He examined my papers with the most courteous interest, and weighed the whole matter with as much thoughtful consideration as if it had been something of vital concern to him. Waiving several Bavarian customs, for my convenience, and setting me straight in every possible direction, he was about ending the interview, when be suddenly caught sight of something which prolonged my audience with him, for two of the most delightful hours whic were ever owed to royal clemency. Leaving France, as I did, a day earlier than I had intended, in my haste I accidentally packed with my legal documents the proof-sheets of a paper which I had been writing for Figaro on Edgar Allan Poe. The proofs were left unnoticed with the other papers until the whole package was opened and spread out on the king's table. Until then his manner had been quite and gentle, almost to effeminacy ; but the moment he saw Poe's name be became all eagerness and animation. His magnificent eyes lit up, his lips quivered, his cheeks glowed, and his whole face was beaming and radiant.

" Is it a personal account of him ?" he asked;. "Did you know Poe? Of course you did not, though: you are too young. I cannot tell you how disappointed I am. For a moment I thought I was in the presence of someone who had actually known that most wonderful of all writers, and who could, accordingly tell me something definite and authentic about his inner life. To me he was the greatest ever born,-greatest in every particular. But, like many rare gems, he was fated to have his brilliancy tarnished and marred by constant clashings and chafings against common stone. How he must have suffered under the coarse, mean indignities which the world heaped on him ! And what harsh, heartless things were said of him when death had dulled the sharpness of his trenchant pen! You will better understand my enthusiasm when I tell you that I would sacrify my right to my royal crown to have him on earth for a single hour, if in that hour he would unbosom to me those rare and exquisite thoughts and feelings which so manifestly were the major part of his life."

His voice softened into a low monotone-almost a wail-as he approached the end of his sentence, and his head kept settling forward until his chin rested upon his breast. He kept this attitude, in dead silence, for several minutes, his face wearing an expression of the most intense sorrow. Suddenly arousing himself, he glanced at me in startled surprise, as if he had for the moment forgotten my presence. Then his eyes beamed pleasantly, and he laughed-clear, merry, ringing laugh-at being caught in a day-dream.

"Will you be good enough to let me read, what you have written?" he asked. "I see that it is in French, the only language I know except my own." 

I handed him the proofs, and watched him as be read them. As the paper was chatty and gossipy, rather than critical, he seemed to enjoy it. 

"I see by this that you, also, are fond of Poe," he said, handing the proofs back to me; "and so I will tell you of a little fancy which I have cherished ever since I first began reading the works of your great fellow-American. At first, because of my respect for his genius and greatness, the lightest thought of what I am going to tell you would make my cheeks bum with shame at my presumption. After a time, I would occasionally write out my fancy, only to burn it, always, as soon as finished. Eventually I confided it to two trusted and valued friends; and now, in some unaccountably strange way, moved, perhaps, by the sympathy born of our common interest in Poe, I am going to take you into my confidence in this particular, stranger though you are. What I have to say is this : I believe, for reasons which I will give you, that there is a distinct parallel between Poe's nature and mine. Do not be misled by assuming that I mean more than I have said. I but compared our natures: beyond that the parallel does not hold. Poe had both genius and greatness. I have neither. He had, also, force and strength, so much of both that he could defy the world, sensitive and shrinking as be was. That I never can do. Not that I am a coward, as the word is generally understood, because pain and death can neither shake nor terrify me. Yet any contact with the world hurts me. The same as Poe's, my nature is abnormally sensitive. Injuries wound me so deeply that I cannot resent them : they crush me, and I have no doubt that in time they will destroy me. Even the laceration my heart received from indignities which I suffered as a child are still uneffaceable. A sharp or prying glance from the eyes of a stranger, even though he be only same coarse peasant, will annoy me for hours; and a newspaper criticism occasions me endless torture and misery. The impressionable part of me seems to be as sensitive as a photographer's plate : everything with which I come in contact stamps me indelibly with its proportions. My impulses, it can be no egotism to say, are generous and kindly; yet I never, in my whole life, have done an act of charity that the recipient did not in some way make me regret it. People disappoint me; life disappoints me. I meet some man with a fine face and fine manner, and believe in the sincerity of his smile. Just as I begin to feel certain of his lasting love and fidelity, I detect him in some act of treachery, or overhear him calling me a fool, or worse."

Arising, he began to walk slowly up and down the room.

"Apparently," he continued, after a brief silence, "there is no place in the economy of life except for one kind of man. If one would be respected, he must be coarse, harsh, and phlegmatic. Let him be anything else, and friends and foes alike unite in declaring him eccentric. Much as I despise the gross, sensual creatures who wear the form and receive the appellation of man, I sometimes regret that I am not more like them, and, so, more at ease. They plunge into excesses with no more concern than a duck feels in plunging into a lake. With me the thought, or rather the dread, that I may some day so far forget myself as to debase and degrade myself, according to the common custom of man, is in itself sufficient cause for the most excruciating torture. When I look upon men as they average and see the perfect nonchalance with which they commit this, that, or the other abuse from which I would recoil with utter repugnance, I wonder if, after all, they are not really to be envied. My condition is as much of a puzzle to me as it possibly can be to you. Logically, there is no reason for it. My father and mother were neither abnormally sensitive nor excessively moral. So far as I am able to ascertain, they regarded things in life very much as every one else does. It was the same, I believe, with the parents of Poe. Things he has written prove to me that he felt the same disgust for whatever demoralizes that I have always felt, only he saw how the world would behave towards him if he did not seem in sanction and approve of its rottenness. I do not blame him. His way was wisest. Deceit is best in such a case, if it can only be assumed. With his sensitiveness were associated force and defiance,-two traits which I seriously lack. Perhaps, though, he could endure the world more easily than I can, because his childhood was less dreadful than mine. All through my infancy things were done which stung and wounded me. Not that I was treated more harshly than children commonly are, but because my nature was so unlike that of children in general that the things which never disturbed them were offensive to me. I soon learned that companionship meant pain, and that I could never know or feel anything like content unless I held myself aloof from every one. This, for a man, is hard enough to do; for a child it is next to impossible. I was forced to subject myself to the will of harsh, unfeeling teachers, and to the society of those who, scarcely more than animals themselves, accredited me with no instincts finer than their own. Most of the studies thrust upon me seemed dull, stupid, and worthless : because they so jarred upon me that my understanding faculties were dulled and blunted with pain, I was declared half-witted. For hours I would sit and dream beautiful day-dreams; and that won for me similar epithets. It is a misfortune to be organized as I am; yet I am what I am because a stronger will and power than mine made me so. In that lie my sole solace and comfort for having lived at all. If my reading and observation have not been in the wrong direction, much of the phenomenon which is called insanity is really over-sensitiveness. It is often hinted, and sometimes openly declared, that I am a madman. Perhaps I am; but I doubt it. Insanity may be self-hiding. An insane man may be the only person on earth who is not aware of his insanity. Of course I, for such reasons, may not be able to comprehend my own mental condition, except in an exaggerated and unnatural way. But I believe myself a rational being. That, though, may be proof of my insanity. Yet I doubt if any insane person could study and analyze himself as I have done and still do. I am simply out of tune with the majority of my race. I do not enter into man's common pleasures, because they disgust me and would destroy me. Society hurts me, and I keep out of it. Women court me, and for my safety I avoid them. Were I a poet, I should be praised for saying these things in verse; but the gift of utterance is not mine, and so I am sneered at; scorned, and called a madman. Will God, when he summons me, adjudge me the same?" 

With tearful eyes, he pressed my hand, smiled, and left the room. The learned doctors have already declared Ludwig of Bavaria insane, and kindlier judgment from those who loved him would very likely be counted wasted sympathy by the world.

Louis II connaissait-il cette traduction
par Charles Baudelaire?
Analyse du texte de Vanderpoole

L'analyse interne du texte nous fournit des indications sur le moment présumé de la rencontre supposée du Roi et du journaliste-écrivain américain. La  date de la publication de l'article dans le Lippincott's monthly magazine se situe entre juillet et décembre 1886, soit peu de temps après la mort tragique du Roi,  ce qui nous  nous fournit le "terminus a quo".

Lew Vanderpoole date son voyage en Europe d'au plus tôt huit ans avant cette publication ("terminus ad quem"): des questions d'héritage, dit-il, l'amenèrent à voyager en France puis en Bavière. La supposée rencontre entre le journaliste et le roi aurait donc eu lieu entre 1878 et 1886. 

La mort du Roi le 13 juin 1886 précède en tout cas la publication de l'article de Vanderpool, ce qui est à souligner car si cet article est un faux inventé de toutes pièces, le Roi n'était plus là pour en infirmer la véracité. D'autre part, si le document date de 1882, pourquoi alors ne pas l'avoir publié tout aussitôt? Une interview du Roi de Bavière dont tout le monde savait qu'il s'isolait et ne voulait recevoir personne relevait de l'exploit journalistique et aurait constitué un événement médiatique exceptionnel, sur lequel aucun journaliste ne ferait l'impasse

Dans son texte, Vanderpoole souligne qu'il a reçu une lettre d'introduction de Gambetta, qui lui servit de sésame pour être reçu en audience royale. La mort de Léon Gambetta le 31 décembre 1882 nous fournit un autre élément d'analyse, il a nécessairement dû rédiger la prétendue lettre de recommandation avant cette date. En novembre 1881, Gambetta devint président du Conseil et reçoit le portefeuille des affaires étrangères. Si la lettre de recommandation de l'homme politique français a existé, elle a probablement dû être rédigée avant le 30 janvier 1882, date de la chute du gouvernement  français qui tombe suite au projet de réforme constitutionnelle introduit par Gambetta. Ce dernier se retire alors de la vie politique et, malade, asthmatique et diabétique, il se retire dans sa maison de Sèvres. 

Vanderpoole, qui prétend avoir  obtenu une audience royale sur base d'une lettre de recommandation de Gambetta qu'il a fait remettre au Souverain, donne là une affirmation bien singulière pour qui connaît les idées politiques antinomiques de Gambetta et celles du Roi Louis II. Le Roi, très ancien Régime, a pour idéal la monarchie absolue du Roi-Soleil et se sent fort à l'étroit dans ses habits de monarque constitutionnel. Gambetta, franc-maçon anti-clérical, républicain, démocrate farouche, l'homme qui de toutes ses forces s'était opposé au second Empire (il en avait provoqué la chute) et aux monarchistes, a de plus toujours paru aux yeux des Allemands comme la personnification de l'idée de guerre de revanche, que Gambetta prônait suite à la guerre franco-allemande de 1870-1871. La question à se poser est aussi de savoir comment un journaliste tout à fait inconnu en Europe est parvenu à faire parvenir une lettre de recommandation au Roi et à éveiller son intérêt au point qu'il lui accorde un entretien.

L'idée même que le Roi ait pu recevoir un journaliste paraît incongrue. Les journalistes allemands eux-mêmes n'avaient pas bonne presse auprès du Souverain, notamment après les campagnes de presse de 1865 contre Richard Wagner, le compositeur ami du Roi. La presse avait alors dénoncé les dépenses somptuaires émargeant de la cassette royale, et le projet de construire un théâtre wagnérien sur les bords de l'Isar avait soulevé un tollé. En dehors de Vanderpool, Louis II n'a jamais accordé d'interview. A une époque où Louis II fuyait le monde et particulièrement ses propres ministres, aurait-il soudain changé d'attitude et ouvert son coeur au premier quidam venu, qui de plus ne se présentait pas comme journaliste ou auteur, mais comme une personne cherchant le royal appui pour résoudre des problèmes de succession? 

L'apparition soudaine sur la table du Roi des épreuves d'articles consacrés à Edgar Allan Poe, que Vanderpoole destinait au Figaro et qu'il avait de manière fort insouciante mêlé à ses documents de créance ou aux documents des prétendues successions à régler sur la table du roi, laisse songeur. Elle fait penser au deus ex machina d'une pièce de théâtre populaire. Et si cela même était, on ne trouve aucune trace de ces articles dans le Figaro, et ce quotidien ne fait jamais mention du nom de Lew Vanderpool (2).

Publicité dans la presse
munichoise de 1882 (4)
Le Roi, aux dires de Vanderpool, était un grand admirateur d'Edgar Allan Poe. Cela relève du possible, sinon  même du probable. D'abord parce que certains textes d'edgar Poe avaient été traduits en allemand et publiés. Ainsi August Scheibe avait-il traduit  Le Double assassinat dans la rue Morgue, et on trouve une traduction des Histoires extraordinaires par A. von Witenfeld (Des Unheimliche Geschichten in deutscher Bearbeitung nach A.B. Edwards und Edgar Allan Poe von A. von Winterfeld). D'autre part Louis II  pratiquait fort bien la langue française et aurait pu lire les Histoires extraordinaires dans la traduction française de Charles Baudelaire parue en 1857.

Les parallèles en forme de confession établis par le Roi entre sa propre personnalité et celle de Poe ne manquent pas d'étonner, spécialement les commentaires que le souverain émet sur sa propre folie. Si les propos sont très proches de ce qu'on sait de la personnalité de Louis II , le Roi aurait-il pu tenir des propos aussi directs et aussi intimes lors d'une première rencontre avec un parfait étranger muni de si curieuses lettres de recommandation?

Enfin, le nom de Vanderpool n'apparaît jamais dans la presse munichoise de l'époque sous rubrique, qui est aujourd'hui aisément consultable en ligne grâce au site de la Bayerische Staatsbibliothek.(3)

La question de témoins de l'entrevue doit bien sûr être abordée.

Le faux avéré de Vanderpool: sa traduction de la
Princesse Nourmahal de George Sand, un roman
que Sand n'a jamais écrit

Vanderpool, un faussaire avéré

Jusqu'ici, nous n'avons avancé qu'un faisceau de présomptions. Mais le coup de grâce qui disqualifie l'interview de Vanderpoole vient de la presse française et américaine de 1887. Cette année-là, un an après la publication du supposé entretien accordé par le Roi Louis II, Lew Vanderpoole est attaqué en justice pour escroquerie littéraire par le Cosmopolitan Magazine de New York. Voici l'article qu'y consacre le quotidien parisien Le Temps dans son édition du 9 octobre 1887, un article qui commente longuement l'arrestation de Lew Vanderpoole à Oyster Bay (Long-Island, Etats-Unis) suite à la plainte de l'éditeur du Cosmopolitan Magazine qui l'accusait d'escroquerie. En voici l'extrait :


BULLETIN DE L'ETRANGER

(Dépêches Havas et renseignements particuliers)

[...] Etats-Unis

On vient d'arrêter à Oyster-Bay (Long-Island) un nommé Vanderpoole, accusé d'avoir vendu à M. Smith, éditeur du Cosmopolitan Magazine, revue qui se publie à New-York, un prétendu manuscrit de George Sand.
Voici comment M. Smith raconte les incidents qui ont motivé cette arrestation:

Il y a un mois environ, Vanderpoole, dont j'avais accepté des manuscrits à diverses occasions et qui s'était présenté à moi comme étant, avec un M. L'Amercaux, du Figaro de Paris, l'exécuteur testamentaire de George Sand, m'a offert en vente un prétendu manuscrit d'une œuvre inédite de ce grand romancier français, intitulée la Princesse de Nourmahal. Vanderpoole, ayant immédiatement besoin de quelque argent, m'a supplié de lui prendre le manuscrit et de lui donner un premier acompte de 100 dollars. Je lui ai dit de me donner d'abord la preuve de l'authenticité du manuscrit, et, peu après, il m'apportait une lettre de M. Redpath, de la North-American Review, dans laquelle celui-ci déclarait que M. L'Amercaux, du Figaro, lui avait assuré que le manuscrit qui était en la possession de Vanderpoole était authentique. M. Redpath ajoutait qu'il avait la plus grande confiance en Vanderpoole.

J'achetai le manuscrit pour mille dollars, payables par acomptes, et le lendemain, Vanderpoole m'en ayant livré une partie traduite en anglais, je lui fis un premier versement de cent dollars. Je dois dire que la Princesse de Nourmahal est un des plus beaux romans que j'aie jamais lus et qu'il dénote, chez son auteur, un grand talent littéraire. Mais mes soupçons ont été éveillés par un article de l'Argus d'Albany dénonçant Vanderpoole comme se vantant d'être l'auteur d'un ouvrage qui avait été écrit en réalité par le révérend Hughes.

Vanderpoole m'ayant dit qu'il avait été le correspondant du Figaro pendant la guerre russo-turque, j'ai télégraphié à ce journal pour demander si c'était exact. On m'a répondu qu'on ne connaissait rien de M. Vanderpoole. J'allai trouver M. Redpath, et il m'avoua alors qu'il connaissait fort peu Vanderpoole et qu'il n'était pas.familier avec l'écriture de Mme Sand. Mais un de ses amis, M. Thorndyke, qui connaissait l'écriture du grand romancier français, lui avait dit que le manuscrit montré par Vanderpoole était authentique. D'autre part, Vanderpoole étant venu me voir sur ces entrefaites je l'ai confondu avec les preuves de son imposture et, comme il cherchait à se dérober, je l'ai fait arrêter.

La même information se retrouve en France sous la forme d'un court entrefilet dans L'Intransigeant du 10 octobre 1887, ainsi que, aux Etats-Unis, dans de nombreux quotidiens datés de la fin du mois de septembre ou du début du mois d'octobre. Ainsi de cette coupure de presse du Daily Alta California du 22 September 1887:


ou dans cet article du Chicago Tribune du 9 octobre 1887:

The examination of Lew Vanderpoole was held today at Oyster Bay on the charge of having obtained money by false representations from the publishers of the Cosmopolitan. Mr. Vanderpoole has represented himself as the literary executor of George Sand, and has offered manuscripts of alleged translations of what he claimed to be her posthumous works to various magazines. For the one in question, the translation of "Princess Nourmahal," he had been given 120 dollars on accounts when it was discovered work . It was held at the examination that, as Vanderpoole was not a resideut of New York City, where the translation occurred, he could not be held by the proceedings at Oyster Bay, and he was discharged. (5)

Comme on peut le lire, les autorités de Oyster Bay ne purent cependant pas maintenir Vanderpoole en détention en raison d'un problème de prodécure, Vanderpoole n'étant pas un résident de New York City, le lieu où la transaction avait eu lieu. […]

Un an après, The Indianapolis journal du 19 novembre 1888 revient en page 2 sur l'affaire, en évoquant la fraude littéraire, mais visiblement le livre de Vanderpool est alors proposé à la vente:



Il est piquant de constater que Vanderpoole recourt au même procédé d'un prétendu héritage : dans l'interview de Louis II, il prétend se trouver en France et en Bavière suite aux décès de trois de ses ancêtres français; ici il se pose en exécuteur testamentaire de George Sand. Dans un cas comme dans l'autre, il se présente également comme collaborateur du Figaro. Mais voilà, l'éditeur du Cosmopolitan a télégraphié à la rédaction du Figaro, qui a répondu qu'il ne connaît pas de Vanderpoole, ce que la technique contemporaine confirme aujourd'hui. D'autre part, on ne trouve évidemment  pas trace de cette Princesse Nourmahal dans la liste des oeuvres de George Sand.

Ce seul fait du mensonge sur la collaboration avec le  Figaro permet de mettre en doute l'authenticité de l'ensemble de l'interview du Roi Louis II.  Vanderpoole , faussaire avéré dans l'affaire George Sand, n'a probablement jamais rencontré Louis II et a sans douté inventé son interview de part en part.


(1) Lew Vanderpool, Ludwig of Bavaria, a personal reminiscence in LIPPINCOTT'S MONTHLY MAGAZINE, A popular journal of general literature, science and politics. Volume XXXVIII-July to december 1886, Philadelphia, J.B. LIPPINCOTT COMPANY- 1886.

(2) La Bibliothèque nationale de France dispose de tous les exemplaires du Figaro. Le moteur de recherche de son site en ligne Gallica ne livre aucune page du Figaro contenant le nom de Lew Vanderpoole.

(3) Cet élément a été vérifié grâce au moteur de recherche en ligne  digiPress de la Bayerische Staatsbibliothek.

(4) Publicité pour une édition des Histoires extraordinaires dans l'Allgemeine Zeitung  du 18 septembre 1882  (p.8)

(5) De nombreux autres journaux américains ont rendu compte de l'affaire Vanderpoole. Charles Johanningsmeier (State University College at Cortland) les mentionne dans un article bien documenté , intitulé Expanding the Scope of "Periodical History" for Literary Studies: Irving Bacheller and His Newspaper Fiction Syndicate, que l'on peut lire en ligne (voir le 13ème paragraphe de la troisième partie de cette étude). Dans la  note de bas de page n°23 de son étude, Charles Johanningsmeier répertorie les articles de la presse américaine qui ont répercuté l'information de l'arrestation du faussaire: le Syracuse Herald du 25.09.1887, le Journalist du 24.09.1887 et du 22 octobre 1887, le Publishers Weekly du 24.09.1887. La réponse de Vanderpoole fut publiée dans le Journalist du 5 novembre 1887.  La liste n'est sans doute pas exhaustive.

mardi 26 septembre 2017

Wagner fait son entrée à Vienne / Wagner's Einzug in Wien. Une caricature du journal Der Floh (1872)

in Der Floh, 12 mai 1872

La joyeuse entrée de Wagner à Vienne. Wagner, monté sur un cygne, distribue des certificats pour la fondation de Bayreuth.

Maison Wittelsbach: Sisi dans la collection Félix Potin



Les collections Félix Potin, réunies sous le titre Célébrités contemporaines, sont des séries d'images publicitaires offertes avec les tablettes de chocolat Félix Potin entre 1898 et 1922 (et probablement au-delà), constituant trois albums photographiques.

Les photos sont collées sur le support cartonné des albums.

Les albums comptent entre 500 et 510 portraits chacun, disposés sur 40 pages, et classés en une quinzaine de catégories thématiques et géographiques: France, Souverains étrangers et leur famille, Présidents de la République, Hommes politiques, Clergé, Armée & marine, Magistrature-barreau, Sciences-ingénieurs, Explorateurs, Médecine, Hommes de lettres, Musique, Peinture, Sculpture-architecture, Artistes lyriques & dramatiques, Sports (Escrime, Vélocipède).

lundi 25 septembre 2017

Fritz Vogelstrom en Lohengrin (Höchstes Vertrauen")



Fritz Vogelstrom (Herford 1882- Dresden 1963)  fut un ténor qui chanta en 1909 le rôle de Lohengrin à Bayreuth. Le voici dans "Höchstes Vertrauen":

Vu de France: les singularités du Roi Louis II de Bavière

Le Figaro du 9 janvier 1879 (p.2) , reprenant un article du Journal des Débats, rapporte les anecdotes suivantes:

Les singularités du roi de Bavière sont légendaires. Mais en voici que raconte le Journal des Débats, et qui dépassent la mesure.

On s'est beaucoup diverti tout récemment, dans le monde diplomatique, de la dernière excentricité du roi Louis II de Bavière. Sa Majesté a donné un dîner de cérémonie de quatorze couverts dans son château de Hohenschwangau en l'honneur du roi Louis XIV et de sa cour.

Un couvert était destiné au roi de Bavière, les treize autres à Louis XIV et à douze personnages de son entourage renommés pour leur esprit. Le repas, dans ces circonstances, fut assez mélancolique: les invités silencieux ne donnaient par leur présence imaginaire aucuns animation à la fête, et les domestiques inactifs n'exécutaient pas d'ordres absents. Après le repas, le roi se rendit au manège.

Il avait soigneusement calculé le temps qu'il lui faudrait pour se rendre à cheval d'Hohenschwangau à Innsbruck, et il se mit à faire à cheval autant de tours de manège qu'il en fallait pour égaler la distance qui sépare Hohenschwangau de la ville tyrolienne, afin de pouvoir se vanter d'avoir fait à cheval tout le trajet. Sur la piste, le roi s'arrêta pour déjeuner et dîner, comme il l'aurait fait si réellement il eût accompli le voyage.

Karl von Perfall, un dessin du Gartenlaube
La Revue britannique de mai 1879 (pp. 259-260) évoque également les singularités de Louis II:

Le roi de Bavière aura certainement un jour sa légende dans les souvenirs du peuple. On a rarement vu un pareil original couronné. Je vous ai déjà parlé des représentations qu'il se fait donner par ses acteurs à lui tout seul. Jusqu'à présent, il ne s'agissait que d'opéras; maintenant, il en est de même pour des pièces de pure littérature dramatique. Quand il a commandé une pareille représentation, personne au monde ne doit se montrer dans la salle. Une fois que le directeur, le baron de Perfall, avait été aperçu par le roi au fond d'une loge, il fut vertement semoncé. Quand le directeur veut assister à une pièce, il doit se cacher de son mieux dans les coulisses, se perdre au milieu des acteurs. Au grand regret du roi, la Pucelle d'Orléans, de Schiller, n'a pas encore figuré au nombre des œuvres sans public dont se délecte Sa Majesté. Cela tient à ce que l'actrice qui remplit le rôle de Jeanne d'Arc ne plaît pas au solitaire dilettante. Il regrette d'autant plus de ne pas voir cette pièce interprétée à son goût, qu'il est enthousiaste de cette œuvre dramatique, une des moins réussies pourtant du grand poète allemand, et qu'il a fait des frais considérables de décors, pour qu'elle fût dignement représentée devant lui seul. Ces décors ne devaient même servir à aucune représentation publique ; ils étaient exclusivement réservés à l'usage personnel du roi. La cathédrale de Reims, un décor qu'il avait fait exécuter avec un luxe et une exactitude sans précédents, et la mise en scène du couronnement surpassent tout ce qu 'on peut imaginer de mieux réussi dans le genre. On se rappelle qu 'il y a quelques années, le roi, sans prévenir personne, fit tout d'un coup une fugue à Reims. A son retour, il fit repeindre entièrement le décor de la cathédrale et, cette fois, d'après nature. Le roi, qui est, comme on le sait, d'une amabilité toute particulière pour les artistes, se montre néanmoins très sérieux sous un certain rapport. Il ne souffre pas, dans les pièces, que le plus petit changement, un «ou» pour un « et» soit apporté au texte. Quand la plus légère infraction de ce genre a été commise, il charge le laquais galonné qui se tient extérieurement à la porte de sa loge de porter à l'artiste délinquant l'expression du mécontentement du souverain. D'autres fois aussi, lorsque l'exécution d'une scène lui a plu, le même laquais est envoyé pour porter aux acteurs dont il est satisfait quelques magnifiques présents. Sous ce rapport, il est d une générosité inouïe. Il arrive parfois qu'après une représentation dont il a été particulièrement satisfait, le principal artiste, acteur ou actrice, soit réveillé au milieu de la nuit par un serviteur qui apporte, de la part du roi, soit un bracelet, soit une croix précieuse, une épingle, une bague, etc., toujours d un grand prix.


dimanche 24 septembre 2017

Grandes expositions: les chefs-d'œuvre du Salon de Paris du Musée d'Orsay à la Hypo-Kunstalle de Munich

William Bouguereau (1825-1905), Dante et Virgile, 1850, Huile sur toile (280,5 x 225,3 cm)
Musée d’Orsay© bpk | RMN – Grand Palais | Patrice Schmidt

Au 19ème siècle, le Salon de Paris fut l'exposition annuelle  la plus importante dans le monde de l'art international.  Avec environ 120 peintures, sculptures, dessins et objets d'artisanat d'art présentés lors de divers Salons, l'exposition approche l'esprit du Salon français entre l'idéal antique et la vie moderne.

Au XIXe siècle, le «Salon de Paris» était  l'exposition annuelle d'art la plus importante au monde et un événement social par excellence. Des centaines de milliers de visiteurs venaient  admirer les différents travaux des principaux artistes de l'époque. Un jury admirant le seul idéal classique de la beauté décidait quels artistes pouvaient y participer. Leurs œuvres devaient exprimer le Bien, le vrai et le Beau. Pour la première fois en Allemagne, la Kunsthalle de Munich présente le phénomène que fut le "Salon". Avec environ 120  peintures, de sculptures, de dessins et d'objets des arts appliqués du musée d'Orsay à Paris, l'exposition montre comment la tradition classique en art rencontre la vie moderne. La plupart de ces travaux n'ont jamais été vus auparavant en Allemagne.

De l'idéal classique ...

Le Salon de Paris était une institution vénérable. Créé par Louis XIV (1638-1715), l'exposition était l'occasion pour les élèves de l'Académie royale d'art d'y présenter lerus œuvres. À partir de 1725, l'exposition se tint  au  "Salon Carré" du Louvre. Pourtant, malgré les grands changements sociaux et la nationalisation du salon après la Révolution française de 1789, un jury omnipotent détermina pendant toute la durée du  XIXe siècle quels étaient  les artistes qui pouvaient y participer. Les jurés étaient cabrés sur le point de vue académique traditionnel: les œuvres d'art étaient censées exprimer le bien et le vrai sous la forme d'une beauté idéale.

... à la vie moderne

Pendant longtemps, les artistes étaient tenus de prouver leur expertise technique, en particulier avec d'ambitieuses représentations grand format  de la mythologie antique, de scènes bibliques et d'événements historiques. Mais quelle importance les belles déesses et les héros nobles de cette soi-disant peinture historique avaient-ils encore pour l'individu moderne à l'ère industrielle? Le contraste entre la  vie idéale et moderne classique et la vie réelle devint source de conflit. La peinture d'histoire devait être renouvelée.

Jean-Léon Gérôme (1824-1904), Alexandre Cabanel (1823-1889), William Bouguereau (1825-1905), ont tous trois créé des œuvres certes célébrées à Paris, mais qui furent aussi le sujet de débats controversés. Ces artistes réussirent à relier l'ancienne tradition au Zeitgeist. Des collectionneurs du monde entier achetaient leurs oeuvres originales, tandis que  des reproductions plus abordables étaient acquises par les classes moyennes. Jamais auparavant les  oeuvres d'art n'avaient connu un tel succès.

Déesse ou pin-Up?

Les artistes qui exposaient au Salon ont donné de nouvelles impulsions à la peinture historique. Alors qu'ils continuaient d'utiliser de grands formats pour leurs peintures représentant, parmi d'autres sujets, des scènes de l'Antiquité, ils le firent en y apportant une nouvelle manière: ils ramenèrent l'opulence de la mise en scène des dieux et déesses à une dimension plus humaine et se mirent à représenter la vie quotidienne. Un exemple en est l'oeuvre de Gérôme de 1846 les Jeunes Grecs faisant battre des coqs (appelée aussi Un combat de coqs), une oeuvre dans le goût antique mais totalement dénuée de grands gestes héroïques. Néanmoins, même de cette manière, de nombreuses tentatives de renouvellement ont été vivement critiquées. Ainsi dans le  Dante et Virgile de Bouguereau (1850) la représentation de la violence physique a-t-elle dépassé les limites de l'acceptabilité. Sa Naissance de Vénus de 1879 a elle  aussi été taxée de vulgaire et de voyeuriste. Et les historiens de l'art ont perpétué cette vision en présentant la Vénus de Bouguereau non comme  la figure d'une déesse mais comme celle d'une pin-up.

Une redécouverte

L'exposition de la  Kunsthalle de Munich  permet aux  visiteurs de redécouvrir cet aspect essentiel de l'art français du XIXe siècle. 


Du 22 septembre 2017 au 28 janvier 2018
Kunsthalle der Hypo-Kulturstiftung
Theatinerstraße 8
(In den 5 Höfen)
80333 München
Ouvert tous les jours de 10 – 20 heures pendant les expositions

Catalogue (Photo ci-contre). La page de couverture représente la Naissance de Vénus de Bouguereau.

La maison de Minna Planer à Bad Lauchstädt

La maison de Minna Planer à Bad Lauchstädt. Photo Walter Möbius
(Deutsche Fotothek-SLSUD)

Bad Lauchstädt, Goethestraße 14, telle fut l'adresse de la maison qu'occupa l'actrice Minna Planer (1809-1866, future épouse de Richard Wagner) lors du festival d'été où se produisait la compagnie théâtrale d'Heinrich Bethmann. Une photo prise par Walter Möbius (1900-1959) et conservée par la Deutsche Fotothek de la Sächsischen Landesbibliothek – Staats- und Universitätsbibliothek Dresden.

C'est en 1834  à Bad Lauchstädt que Wagner fit la connaissance de Minna Planer, alors âgée de 25 ans. Six mois plus tard, il l'épousait.

Pour plus d'informations sur cette période de la vie de Wagner et sur cette rencontre, lire l'entrée Magdebourg du Musée virtuel Richard Wagner.

Belles randonnées: le Puittal au départ du Leutaschtal (Wetterstein autrichien)

Randonnée qui demande de l'endurance à cause de son fort dénivelé mais dont les magnifiques paysages de l'alpage sont la récompense.


















samedi 23 septembre 2017

Cosima Wagner avec le Kammersänger Alfred von Bary devant la Maison du Festival à Bayreuth



Détail de la seconde photographie^

Source: Landesbibliothek Mecklenburg-Vorpommern Günther Uecker, Schwerin


Le Dr Alfred Erwin Cajetan Maria von Bary (* 18. Janvier 1873 à Valletta, Malte; † 13. September 1926 à Munich) obtint un diplôme de neurologue et de psychiatre et fut un des ténors wagnériens les plus en vue au début du 20ème siècle. A Bayreuth, il interpréta entre 1904 et 1914 les rôles de lohengrin, de Parsifal, de Tristan, de Siegmund et de Siegfried. Cosima Wagner et l'emepreur Guillaume II l'appréciaient particulièrement. En 1927, le critique musical Albert von Puttkamer le désignait comme le meilleur Lohengrin d'avant-guerre dans son livre 50 Jahre Bayreuth.

Le voici dans la Walkyrie (Wintersturme):

Modell von Schloss Falkenstein in Pfronten von Max Schultze (1884)



Aufsberg, Lala: Modell von Schloss Falkenstein, 1955


Max Schultze (* 4. Mai 1845 in Partenkirchen; † 5. September 1926 ebenda) war ein deutscher Architekt, Maler, Fotograf und aktiver Naturschützer.

Ab Juni 1884 nahm der bayerische König Ludwig II. die Dienste Schultzes in Anspruch. Schultze sollte Burg Falkenstein bei Pfronten planen, die neu zu errichtende Anlage sollte seinen Vorgängerbau Schloss Neuschwanstein übertreffen. Mit drei Mitarbeitern schuf Max Schultze mehrere Pläne, ein Ölgemälde mit der Innenansicht des zukünftigen königlichen Schlafzimmers und ein Modell der im byzantinischen Stil erdachten Königsburg. Letzteres steht heute im Ludwig II.-Museum in Schloss Herrenchiemsee. Da chronischer Geldmangel des Königs den Baubeginn immer wieder verhinderte und außer einer Zufahrtsstraße und einer Wasserleitung hinauf auf den Falkenstein nichts gebaut werden konnte, nahm Max Schultze im September 1885 Abschied von dem Projekt. Er erhielt als Honorar 12.000 Mark. (Aus Wikipedia- Artikel Max Schultze)

Thronsaal und Schlafzimmer- Max Schultze 1884

Entwurf Christian Janks
Burg Falkenstein (Pfronten): das geplante Schloss Ludwigs II.

1883 von König Ludwig II. auf dem Falkenstein geplantes historistischesSchloss. Dieser erste Entwurf Christian Janks wäre weder architektonisch noch räumlich auf dem kleinen Gipfelplateau realisierbar gewesen

1883 erwarb schließlich König Ludwig II. von Bayern die Ruine, um an ihrer Stelle eine romantische Märchenburg in der Art Neuschwansteins zu errichten. Die Planung wurde anfangs dem Bühnenbildner Christian Jank übertragen, der auch die Entwürfe des Schlosses Neuschwanstein gefertigt hatte. Der erste Entwurf Janks wäre jedoch weder räumlich noch architektonisch realisierbar gewesen.

Wegen der chronischen finanziellen Probleme des Bayernkönigs reduzierte Janks Nachfolger Georg von Dollmann 1884 das Projekt drastisch und fertigte den Entwurf einer kleinen gotischen Burganlage mit einem hohen Hauptturm. Das Projekt erinnert in seiner relativ bescheidenen Konzeption an die zahlreichen schlossähnlichen Villen, die sich vor allem der neureiche Geldadel damals in den Vorstädten Europas errichten ließ. Der erboste König kündigte darauf hin den Vertrag mit Dollmann und gab den Auftrag an den Regensburger Architekten und Oberbaurat Max Schultze weiter.

1885 ließ Schultze eine Wasserleitung und einen neuen Burgweg anlegen. Sein Entwurf wäre wohl realisiert worden, da er Ludwigs Vorstellungen von einer „Raubritterburg“ am nächsten kam. Im Gegensatz zu Janks utopischer Phantasiearchitektur waren Schultzes Entwürfe technisch und räumlich auf dem Gipfel des Falkenstein umsetzbar, hätten den König aber in weitere finanzielle und politische Schwierigkeiten gebracht. Ein Ölgemälde des geplanten königlichen Schlafsaales und ein Modell des Schlosses befinden sich heute im König Ludwig II. Museum in Herrenchiemsee.

Das Schloss blieb jedoch ein Traum, da König Ludwig 1886 – zusammen mit seinem Leibarzt – im Starnberger See ertrank. Bis zu seinem Tod waren nur die Zufahrtsstraße und eine Wasserleitung fertiggestellt, dann wurden die Bauarbeiten eingestellt. (Aus Wikipedia- Burg Falkenstein)