Le Figaro du 9 janvier 1879 (p.2) , reprenant un article du Journal des Débats, rapporte les anecdotes suivantes:
Les singularités du roi de Bavière sont légendaires. Mais en voici que raconte le Journal des Débats, et qui dépassent la mesure.
On s'est beaucoup diverti tout récemment, dans le monde diplomatique, de la dernière excentricité du roi Louis II de Bavière. Sa Majesté a donné un dîner de cérémonie de quatorze couverts dans son château de Hohenschwangau en l'honneur du roi Louis XIV et de sa cour.
Un couvert était destiné au roi de Bavière, les treize autres à Louis XIV et à douze personnages de son entourage renommés pour leur esprit. Le repas, dans ces circonstances, fut assez mélancolique: les invités silencieux ne donnaient par leur présence imaginaire aucuns animation à la fête, et les domestiques inactifs n'exécutaient pas d'ordres absents. Après le repas, le roi se rendit au manège.
Il avait soigneusement calculé le temps qu'il lui faudrait pour se rendre à cheval d'Hohenschwangau à Innsbruck, et il se mit à faire à cheval autant de tours de manège qu'il en fallait pour égaler la distance qui sépare Hohenschwangau de la ville tyrolienne, afin de pouvoir se vanter d'avoir fait à cheval tout le trajet. Sur la piste, le roi s'arrêta pour déjeuner et dîner, comme il l'aurait fait si réellement il eût accompli le voyage.
Karl von Perfall, un dessin du Gartenlaube |
La Revue britannique de mai 1879 (pp. 259-260) évoque également les singularités de Louis II:
Le roi de Bavière aura certainement un jour sa légende dans les souvenirs du peuple. On a rarement vu un pareil original couronné. Je vous ai déjà parlé des représentations qu'il se fait donner par ses acteurs à lui tout seul. Jusqu'à présent, il ne s'agissait que d'opéras; maintenant, il en est de même pour des pièces de pure littérature dramatique. Quand il a commandé une pareille représentation, personne au monde ne doit se montrer dans la salle. Une fois que le directeur, le baron de Perfall, avait été aperçu par le roi au fond d'une loge, il fut vertement semoncé. Quand le directeur veut assister à une pièce, il doit se cacher de son mieux dans les coulisses, se perdre au milieu des acteurs. Au grand regret du roi, la Pucelle d'Orléans, de Schiller, n'a pas encore figuré au nombre des œuvres sans public dont se délecte Sa Majesté. Cela tient à ce que l'actrice qui remplit le rôle de Jeanne d'Arc ne plaît pas au solitaire dilettante. Il regrette d'autant plus de ne pas voir cette pièce interprétée à son goût, qu'il est enthousiaste de cette œuvre dramatique, une des moins réussies pourtant du grand poète allemand, et qu'il a fait des frais considérables de décors, pour qu'elle fût dignement représentée devant lui seul. Ces décors ne devaient même servir à aucune représentation publique ; ils étaient exclusivement réservés à l'usage personnel du roi. La cathédrale de Reims, un décor qu'il avait fait exécuter avec un luxe et une exactitude sans précédents, et la mise en scène du couronnement surpassent tout ce qu 'on peut imaginer de mieux réussi dans le genre. On se rappelle qu 'il y a quelques années, le roi, sans prévenir personne, fit tout d'un coup une fugue à Reims. A son retour, il fit repeindre entièrement le décor de la cathédrale et, cette fois, d'après nature. Le roi, qui est, comme on le sait, d'une amabilité toute particulière pour les artistes, se montre néanmoins très sérieux sous un certain rapport. Il ne souffre pas, dans les pièces, que le plus petit changement, un «ou» pour un « et» soit apporté au texte. Quand la plus légère infraction de ce genre a été commise, il charge le laquais galonné qui se tient extérieurement à la porte de sa loge de porter à l'artiste délinquant l'expression du mécontentement du souverain. D'autres fois aussi, lorsque l'exécution d'une scène lui a plu, le même laquais est envoyé pour porter aux acteurs dont il est satisfait quelques magnifiques présents. Sous ce rapport, il est d une générosité inouïe. Il arrive parfois qu'après une représentation dont il a été particulièrement satisfait, le principal artiste, acteur ou actrice, soit réveillé au milieu de la nuit par un serviteur qui apporte, de la part du roi, soit un bracelet, soit une croix précieuse, une épingle, une bague, etc., toujours d un grand prix.
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