PETITS PRINCES
Le Prince Joseph Clément de Bavière en costume tyrolien. |
Ce petit prince, en costume tyrolien, est le fils d’une française : la princesse Louise d’Orléans, fille du duc d’Alençon qui épousa, le 13 avril 1891, le prince Alphonse de Bavière. La photographie a été faite au château de Mentelberge, près Innsbruck, pendant une villégiature en Tyrol chez son onde le duc de Vendôme.
En 1912, il vint avec ses parents, pour la première fois, à Paris, berceau de sa famille maternelle. Sa mère lui fit visiter les monuments qui rappellent les gloires de ses ancêtres les rois de France, et marquent les pieux souvenirs.
Chapelle Notre-Dame de Consolation © Guilhelm Vellut, Paris |
De ce nombre fut la chapelle de Notre-Dame de Consolation, située rue Jean Goujon, sur l’emplacement où brûla, le 4 mai 1897, le Bazar de la charité. La grand’mère du petit prince, la duchesse d'Alençon, y périt dans les flammes, victime de son dévouement et saintement héroïque, refusant de se laisser sauver avant que tous ceux qui l’entouraient aient échappé à l’affreux péril. Tout le monde se rappelle ce terrible drame qui fui un deuil national.
Il est permis de croire que l’âme libérée de la martyre veilla du haut du ciel sur ses enfants et obtint, pour sa fille Louise, le grand bonheur auquel, depuis onze ans, elle aspirait : la naissance d’un fils.
Château de Nymphenbourg © Marco Pohle |
Le petit Josef-Clément vint au monde au château de Nymphenburg, près Munich, en 1903. Son grand-père, le duc d’Alençon, tout joyeux vint tenir sur les fonts baptismaux son premier petit-fils. L’année suivante, il put se réjouir de la naissance du second : le duc de Nemours, enfant du prince Emmanuel, duc de Vendôme.
Le prince et la princesse Alphonse de Bavière, fixés à Munich pendant les premières années de leur mariage, vinrent ensuite habiter au château de Nymphenburg qui en est peu distant. Le pays est peuplé de résidences royales, la princesse Louise s’y plaît beaucoup, mais les retours en sa patrie de naissance lui sont toujours très chers. Elle revoit avec bonheur sa famille, ses anciens amis, des contemporaines élevées avec elle au Sacré-Cœur de Bourges et, enfin, quelques privilégiés serviteurs dévoués des siens qui lui sont présentés, et qu'elle accueille avec une infinie bonne grâce. De loin, elle suit tout ce qui parait d’intéressant chez nous et principalement ce qui a trait à son illustre lignée. Elle accepte livres et journaux français qui lui sont adressés, et enseigne à son fils notre belle langue.
Le foyer où grandit le petit prince est doux et intime; son père, fils du prince Adalbert de Bavière et de l’infante Amélie d’Espagne, grand-maître de l’ordre de Calatrava, est le plus populaire des princes de Bavière, par sa bonté, sa piété éclairée, son entrain gai: il est aimé de tous ceux qui l’approchent.
L’enfant joue au bord du grand lac où nagent des cygnes. Il respire le parfum des roses qui, par milliers, décorent de leur infinie variété les parterres et s’enroulent autour du tronc des vieux arbres, dont l’ombre protectrice abrita le front altier de Napoléon, lorsqu’il vint assister au mariage du prince Eugène de Beauharnais avec la princesse Amélie-Augusta, fille du roi Maximilien de Bavière. L’Empereur Alexandre de Russie y séjourna aussi et, si les choses gardent les traditions du passé, elles peuvent impressionner la pensée naïve du petit prince en y jetant le rêve des gloires militaires.
Mais les centenaires aux vertes frondaisons ont abrité des songes plus doux que ceux des conquérants. Le château fut bâti pour Adélaïde-Henriette de Savoie, épouse de l’Electeur Ferdinand-Marie. Ce prince qui adorait sa jeune femme et redoutait pour elle le triste climat de la plaine de Munich, voulut lui créer une habitation riante qui ne lui fit pas trop regretter l’Italie. Il imagina une espèce de casino entouré de grands et beaux jardins emplis de bosquets, de fontaines avec jets d’eau, de pavillons de repos. Il y établit des jeux variés, y donna des fêtes pastorales, où les bergères avec la houlette conduisaient des moutons blancs au collier de rubans bleus; où les invités, en costumes de bergers, faisaient la cour aux pastourelles. Un théâtre aussi, permettait de donner la comédie, des concerts, des spectacles variés.
Plus tard, le château devint la propriété de l’archiduchesse Amélie, fille de l'empereur Josef 1er. On y offrit alors de grandes chasses à courre avec des équipages dressés pour le cerf, le daim, le lièvre.
Le jour de la Saint-Hubert, on célébrait une messe solennelle dans la chapelle. Chasseurs et chasseresses assistaient avec, au corsage et au chapeau, le bouquet de houx grainé de rouge. Les chiens couplés, sagement assis à la grande porte ouverte sur la nef, scandaient de leurs abois les sonneries du cor qui répondaient aux diverses phases du Saint-Office. A l’issue de la messe, le prêtre venait sur le seuil et bénissait la meute.
Le soir, on donnait un grand bal, où selon l’usage de cette époque, les dames choisissaient leurs cavaliers. Quand venait l'hiver, avec son cortège de neiges et de frimas, on faisait des courses en traîneau et on allait danser chez les grands seigneurs du voisinage.
Magdalenenklause (Chapelle Sainte-Madeleine) © Marco Pohle
La chapelle Sainte-Madeleine, érigée dans le pare et figurant une ruine enguirlandée de lierres, fut témoin du mariage du prince Alphonse et de la princesse Louise. La jeune fiancée, conduite à l’autel par son père le duc d’Alençon, était accompagnée par sa mère, ses oncles et tantes : Le comte d’Eu, le prince Max-Emmanuel de Bavière, la reine Isabelle d’Espagne, le roi de Naples, François II, et un grand nombre de princes et princesses de France et de Bavière. Là fut baptisé le petit prince, là il fit aussi sa première communion. Et là encore se plaisent à venir les touristes français qui saluent en passant la fille de leurs rois.
Gouraud d’ABLANCOURT.
Source de l'article et de la photo du petit prince : La Mode illustrée du 7 septembre 1913
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