La metteuse en scène Irina Brook considère Don Pasquale comme un opéra féministe, sans pour autant chercher à maltraiter Don Pasquale, un barbon qui avoue modestement ses 70 ans et qui a sans doute la coquetterie de se rajeunir. Pas de sarcasme, mais une bonhomie amusée et de l'humanité dans la présentation de cet homme âgé qui rêve d'une compagne bien plus jeune que lui. Don Pasquale, un peu radin, est propriétaire d'un night club qui a des allures de grand café viennois, et dont il n'a pas modifié la décoration ni l'aménagement intérieurs depuis plus de quarante ans. Et cela se voit ! La scénographe Noëlle Ginefri-Corbel a mis la laideur du décor au service de la production, en accord avec Irina Brook, qui ne considère pas qu'un décor doive constituer un objet en soi. Une fois prétendument mariée à Don Pasquale, la malicieuse Norina prend les choses en main et fait rénover le grand café de son mari à grands frais, avec un résultat très tape-à-l'oeil. Norina aime la couleur rose dans toutes ses nuances et le malheureux Don Pasquale est aussi choqué du mauvais goût de sa nouvelle épouse que le public, consterné au vu de cette bonbonnière. Le dernier acte, qui se déroule au jardin, pousse le mauvais goût ostentatoire à son sommet, avec ses petits palmiers illuminés parsemés de flamants roses. Ainsi Irina Brook a-t-elle donné une touche contemporaine à cet opéra qui avait été monté pour la première fois au Théâtre italien de Paris en 1843.
Ruth Inestia (Norina) et Ambrogio Maestri (Don Pasquale) |
Irina Brook libère la boîte de Pandore de l'humour qu'elle déverse à gros traits de bouffonnerie. C'est particulièrement le cas pour Don Pasquale : Ambrogio Maestri, un baryton connu pour son Falstaff, utilise les rondeurs imposantes de sa circonférence pour amuser le public et va jusqu'à dénuder son large poitrail aux fins du spectacle. Ses habits, ses changements de costumes et le toupet grotesque qui couvre sa calvitie font partie des procédés connus de l'humour, dont la mise en scène fait grand usage. Le chanteur fait preuve d'une agilité vocale peu commune lorsque, de concert avec Sergey Kaydalov, le second baryton du spectacle qui interprète le rôle du docteur Malatesta, il se lance dans un sillabato diabolique qui fait la joie du public.
La direction d'Evelino Pidò privilégie la ligne mélodique, mais sans éclat, de manière un peu éteinte. Evelino Pidò conduit l'orchestre avec grand sérieux, sans relâcher la bride, et, dans la fosse, l'émotion n'est pas au rendez-vous. C'est le malicieux couple de jeunes premiers qui nous offre les meilleurs moments de la soirée. Le ténor français Cyrille Dubois prête son corps svelte, sa démarche souple et une élégance naturelle au jeune Ernesto, le neveu déshérité de Don Pasquale, qu'il interprète avec de belles lignes de chant, une grande clarté lyrique et de la noblesse dans les aigus. La soprano espagnole Ruth Iniesta, dotée d'une solide technique, joue avec un jeu de scène très réussi les fausses dominatrices, avec des notes de pointe d'une richesse précieuse et un colorature fluide et de bonne tenue. Spécialisée dans le répertoire italien et la zarzuela, son parcours prochain la conduira à Madrid où elle interprétera Gilda. De leur relation coquine et enjouée, plusieurs points d'orgue retiennent particulièrement l'attention, ainsi lorsqu'Ernesto pousse la chansonnette à l'attention de sa bien-aimée sous la forme d'un coq en costume blanc, assisté de deux guitaristes mexicains, ou dans le fameux duo d'amour final où les voix s'entrecroisent si joliment. Une soirée d'opéra légère et somme toute bien agréable.
Crédit photographique © Wiener Staatsoper / Michael Pöhn
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