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samedi 23 juillet 2016

A Louis II de Bavière, un poème symboliste élégiaque de Louis Le Cardonnel, daté de 1904

Der Schwanenkönig, in Der Floh

A LOUIS II DE BAVIÈRE

Vous, qui, devançant l'inéluctable Loi, 
Avez étreint la Mort au lit d'une eau profonde, 
Bien qu'ici-bas, Louis, vous ayez été roi, 
Votre royaume, à vous, n'était pas de ce monde.

Suprême Chevalier des légendes d'azur, 
Obstinément fidèle à leur splendeur pâlie, 
Vous tourniez vers les jours évanouis d'Arthur 
Des yeux couleur de mer et de mélancolie.

Et c'était comme un clair de lune intérieur 
Qui blanchissait votre âme, ô Ludwig, et les fées 
Vous appelaient tout bas leur candide Seigneur, 
Vous, seulement épris d'impossibles trophées.

Sur l'hippogriffe, aux reins vainement révoltés, 
Et qui frappe le soir de ses ailes de cuivre, 
Oh! partir vers des bois où dorment, enchantés, 
D'antiques rois chenus, que votre appel délivre!

Et revoir, sur le seuil des palais abolis,
Que l'incantation, par les minuits, relève,
Les Dames et leurs Preux, s'éveillant des oublis,
Pour vous suivre, ô leur Prince, à des festins de reve!

Un mâle Enchanteur vint, qui, par des sons, rendit 
A vos songes l'antique et glorieux domaine, 
Et le Magicien, que tous avaient maudit, 
Vous dédia son oeuvre, au mépris de la haine.

Vous étiez, à travers les somptueux accords, 
Tous les Chevaliers purs qu'il évoqude, et votre âme, 
Votre âme, qui cherchait, dans le Passé, son corps, 
Put frissonner d'orgueil, aux soirs fiévreux du Drame.

L'Advenu radieux, que l'innocente Elsa 
Suivit, quand il partit, d'un regard nostalgique, 
C'était Vous : celte enfant, votre coeur l'épousa; 
Puis la fuite du Cygne à l'horizon tragique...

Vous fûtes entraîné par le Sabbat vainqueur, 
Poussant votre cheval à travers les bois sombres: 
Les Mânes et la Nuit vous ont pris votre coeur, 
Car ce n'est pas en vain qu'on provoque les Ombres.

Vous qui les adoriez, elles vous ont dompté : 
Vous n'avez pas connu l'ardeur silencieuse 
De ceux dont l'âme étreint la chaste Vérité ; 
Vous avez écouté l'Ondine astucieuse.

Et maintenant, après tant de songes soufferts, 
Peut-etre, prisonnier d'un passé qui vous brûle, 
Vous revenez, quand vibre en vos châteaux déserts, 
Le cri walkyrien des paons, au crépuscule.

in  Poèmes / Louis Le Cardonnel (1862-1936)
Mercure de France, Paris, 1904


Notice biographique in G. Walch, Poètes d´hier et d´aujourd´hui, 1916

L'abbé Louis Le Cardonnel, en religion Frère Anselme, né le 22 février 1862 à Valence et mort le 28 mai 1936 à Avignon, est un poète français.

"M. Louis Le Cardonnel a collaboré à de nombreux journaux et revues catholiques et symbolistes.

M. l’abbé Louis Le Cardonnel, prêtre et poète, né à Valence en 1862, fut assez tôt préoccupé d’unir une vocation mystique à sa vocation poétique. Il ne devait cependant entrer dans les ordres que bien plus tard, après une jeunesse littéraire passée presque tout entière à Paris, où il fit partie, un des premiers avec Albert Samain, du groupe de poètes qui devait par la suite s’appeler « le groupe symboliste ». C’est dans les jeunes revues de l’époque qu’il publia ses premiers vers, où se révèle un sens musical profond, une aptitude rare à choisir l’image révélatrice du mystère intime des choses, une recherche de l’art pur, qui étaient d’un heureux présage. Vers 1894. le poète trouve son Montsalvat. Il entre au séminaire français de Rome. Ordonné prêtre en 1896,il eut un moment la tentation d’abandonner l’art et de se consacrer exclusivement à son ministère, mais il ne tarda pas à reconnaître que sa véritable mission était d’unir le poète et le prêtre en lui. Il fallut cependant toute l’insistance de ses amis pour le déterminer à publier un choix de ses vers, anciens et nouveaux. Ce recueil parut en 1904 sous le titre : Poèmes. On y trouve, entre autres, la belle pièce A Louis II de Bavière que nous reproduisons[...] et qui se trouve citée pour la première fois par M.Adolphe Retté dans Le Symbolisme, Anecdotes et Souvenirs

Un premier contact avec l’Italie avait laissé à M. Louis Le Cardonnel le désir d’y revenir. Il y revint, en effet, en 1905, et se fixa pour quelques années à Assise, dans l’espérance d’y nourrir de longues contemplations et d’y achever un second volume, Carmina Sacra, dont il voulut bien nous communiquer, dès 1908, quelques extraits anticipés qui le révélaient préoccupé d’une poésie sacerdotale où l’orphisme et le platonisme se fondaient avec le pur mysticisme chrétien. Le profond poète qu’est M. Louis Le Cardonnel consacra plusieurs années à la patiente élaboration de sa belle œuvre, parue enfin en 1912, et dont on a pu dire avec raison qu’elle était à la fois catholique et dignement humaine. En 1909, l’abbé Le Cardonnel a quitté Assise pour s’établir à Fribourg."

Luc Roger

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