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vendredi 19 décembre 2014

Kevin John Edusei dirige un Elias de Mendelssohn de toute beauté à Munich

Avec l' Elias de Félix Mendelssohn Bartholdy dans sa version allemande, le Münchner Symphoniker, le Kammerchor München, quatre solistes d'exceptions et des petits chanteurs solistes du choeur d'enfants de Bad Tölz viennent de donner pendant deux soirées un des meilleurs concerts lyriques que Munich ait connu au cours de l'année 2014. A la perfection de l'exécution musicale, du chant et de la direction d'orchestre, tous ces artistes ont su dans leur effort conjoint communiquer l'intense émotion de cet  oratorio aux puissantes tonalités dramatiques, que tant de choristes placent au faîte du chant choral.

Kevin John Edusei a su réussir l'unisson de ce grand ensemble d'orchestre choral d'une centaine d'artistes (le choeur par quarante avec par moments quelques parties solo, la cinquantaine de musiciens et 7 solistes dont trois enfants) et communiquer sa passion pour ce grand oratorio de Mendelssohn, qui n'est pas tellement éloigné d'un scénario opéra avec son développement d'une grande théâtralité. Le charisme du chef s'est communiqué à l'ensemble des acteurs, pour rendre compte du zèle religieux de cette figure biblique d'exception dont la Bible, dans  les Livres des Rois, souligne le caractère tranché d'un homme entièrement soumis à son Dieu et qui ne fait aucune concession, dût-il offrir sa vie pour porter la cause de son Seigneur. On vit par la musique et par le chant des moments d'une exquise beauté dramatique et musicale, comme au premier acte, le dialogue entre Elias et la veuve dont il guérit le fils ou l'épreuve du sacrifice sur le Mont Carmel. Le Choeur de chambre munichois a rendu de manière admirable la versalité du peuple qui passe sans vergogne de la louange au Dieu d'Israël à la condamnation au martyre de son Prophète, pour retourner encore sa veste quelque temps plus tard. Sous la psalmodie des mains de son chef qui semblent s'envoler comme des oiseaux et sous son expressivité attentive à chaque instant de la partition, l'orchestre a su rendre les variations de l'expression musicale, qui va d'une solennité majestueuse à des moments plus doux et plus légers, avec des moments d'humour et de sourire comme lorsque, au début du premier acte, Elias est confronté aux prophètes de Baal dont il demande à voir les miracles de leur dieu (Rufet lauter! Er hört euch nicht!). On perçoit déjà l'alchimie positive entre les musiciens et leur directeur musical, qui n' a pris ses nouvelles fonctions que récemment à Munich.

Les solistes sont de la plus belle eau, avec l'Elias souverain d'Alejandro Marco-Buhrmester, avec son baryton puissant et les belles modulations de son timbre chaleureux, avec de beaux graves, et une conviction concentrée dans l'incarnation du Prophète, ou avec le soprano vibrant et passionné de Sophia Brommer, une chanteuse extraordinaire qu'on avait découverte à Munich au Concours international de musique ARD 2012. Son début du deuxième acte nous fait assister à une théophanie musicale, lorsqu'après avoir entonné son Höre, Israël, höre des Herrn Stimme, elle devient Dieu lui-même, avec son Ich bin euer Tröster, chanté avec l'intensité de sa voix claire et lumineuse, et une expressivité dans l'attitude et l'intensité du regard. Comme pour le choeur, la diction parfaite de ces deux grands chanteurs et la force de leur expression  permet de suivre au détail près le déroulement du récit. Deux excellents artistes, rompus eux aussi au chant lyrique religieux, occupent l'ensemble des rôles secondaires: la mezzo Ursul Thurmair qui passe sans anicroche d'un rôle angélique au diabolisme de Jézabel, et le ténor léger et raffiné d'Attilio Glaser.

Un moment de grâce très émouvant vient du chant des enfants, trois jeunes sopranos du Choeur d'enfants de Bad Tölz, Jakob Göpfert, Elias Mädler, au prénom prédestiné pour notre oratorio, et Valentin Kuchler. Le chef les a placés dans une des loges supérieures du Prinzregententheater, de là ils dominent le public qui se retourne dès l'entame de leur chant angélique, de même que le chef, qui s'est retourné lui aussi, et dont on peut alors observer l'extraordinaire expressivité du visage dans le soutien du chant enfantin. De loin, on aperçoit les modulations faciales de ces enfants au soprano aigu, qui rappellent par la totalité de leur engagement vocal l'expressivité des anges musiciens de l'Agneau mystique de Jean Van Eyck. Des moments de pur bonheur!

Après son Requiem de Verdi du mois de novembre, Kevin John Edusei a donné avec son Elias une nouvelle preuve éclatante de son savoir-faire dans le domaine lyrique. On rêve de pouvoir le voir un jour diriger un opéra sur une scène munichoise. Son travail avec le Münchner symphoniquer débute sous les meilleurs auspices.

Pour découvrir le programme du Münchner Symponiker, cliquer ici.
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