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mardi 5 juillet 2011

Opéra pour tous! Live screaming ou écran géant: Fidelio avec Anja Kampe et Jonas Kaufmann dans la mise en scène de Calixto Bieito.

 
Fidelio. Anja Kampe, Jonas Kaufmann
Anja Kampe (Léonore) et Jonas Kaufmann (Florestan)

L'opération Opéra pour tous organisée par le Bayerische Staatsoper et sponsorisée par BMW se répète cette année et, outre la possibilité de venir assister à la diffusion de l'opéra en live sur écran géant sur la place Max-Joseph, l'Opéra natioal de Bavière propose une innovation: le live streaming. Ainsi, les aficionados du monde entier  pourront-ils suivre la représentation du Fidelio de Beethoven ce vendredi 8 juillet soit sur internet soit en se rendant sur la vaste place de l'opéra. Avec Jonas Kaufmann, l'un des très rares ténors contemporains à pouvoir tenir le rôle extrêmement exigeant de Florestan.

Distribution

Direction musicale Adam Fischer
Mise en scène  Calixto Bieito
Décors Rebecca Ringst
Costumes Ingo Krügler
Lumières Reinhard Traub
Choeurs Sören Eckhoff

Don Fernando Steven Humes
Don Pizarro Wolfgang Koch
Florestan Jonas Kaufmann
Leonore Anja Kampe
Rocco Franz-Josef Selig
Marzelline Laura Tatulescu
Jaquino Jussi Myllys
1er prisonnier Dean Power
2ème prisonnier  Tareq Nazmi

Première possibilité: Fidelio en live streaming 

Anja Kampe et Joans Kaufmann
Les amateurs du monde entier auront la possibilité de suivre l'opéra de Beethoven en temps réel sur le site http://www.staatsoper.de/.
Dans les rôles principaux,  Anja Kampe chantera Leonore et Jonas Kaufmann  Florestan.  Adam Fischer dirigera l'Orchestre national bavarois. La présentation est confiée au célèbre présentateur de télévision allemand Thomas Gottschalk. Il s'agit de la reprise de la mise en scène de Calixto Bieito dont la première avait eu lieu en décembre 2010 au théâtre national.
L'opéra commencera ce vendredi 8 juin à 20 heures. La diffusion en direct débute à 19H45 (Central European Time) avec une introduction par Thomas Gottschalk et le directeur de l'opéra  Nikolaus Bachler.
Ludwig van Beethoven
Fidelio
Ce vendredi 8 juillet à 19H45.
www.staatsoper.de





Seconde possibilité: Fidelio de Beethoven sur écran géant sur la place du Théâtre National le vendredi 8 juillet à 20 heures

Laura Tatulescu (Marzelline) et Anja Kampe (leonore)



Retransmission en direct sur écran géant du Fidelio de Beethoven dans l'extraordinaire mise en scène de Calixto BIETO, avec deux voix extraordinaires Anja KAMPE et Jonas KAUFMANN (photo) . Max-Joseph-Platz, à 20 heures, gratuit. Il est recommandé de venir tôt et d'apporter de quoi s'asseoir, coussins, couvertures ou sièges pliables.  Certains amènent pique-nique et boissons...









Sur la mise en scène de Calixto Bieito




Les spectateurs qui s'attendent à trouver dans la mise en scène de Calixto Bieito du sang, du sans-gêne et du sexe ne seront pas déçus: Jaquino viole Marceline, Rocco vide de force de l'alcool dans la gorge de Florestan, Don Fernando travesti en Joker batmanesque flingue Florestan...Mais ce serait dommage de poser sur ce magnifique travail du metteur en scène catalan un regard aussi réducteur.

La lecture que donne Bieito de Fidelio est sans doute plus complexe que ce que proposait le livret original, mais ne le dénature pas. Elle l'enrichit. On connaît l'histoire: Florestan, un espagnol injustement condamné par un tyran est incarcéré et va être mis à mort. Son épouse, Léonore, se travestit en homme pour infiltrer la prison et essayer de libérer son mari. L'opéra de Beethoven dénonce l'arbitraire et magnifie l'amour conjugal. L'histoire est inspirée d'un fait divers qui a eu lieu à Tours pendant la Terreur. Beethoven est épris des idéaux de justice, de liberté et de fraternité. Un bon Ministre, Don Fernando, finira par libérer Florestan. En intrigue secondaire, la fille du geôlier, Marzelline, dont est épris le gardien Jaquino, tombe amoureuse de Léonore déguisée en Fidelio. A l'origine, il s'agit donc d'un drame de l'enfermement qui se conclut de manière morale exemplaire: la justice finit par être rendue aux bons et les méchants sont condamnés, à la noirceur morale du tyran s'oppose le courage d'une femme qui n'hésite pas à risquer sa vie pour sauver son amour, un triomphe de la pureté et une parfaite dichotomie morale.

Bieito a relu le drame en dynamisant la thématique de l'enfermement: à l'incarcération inique il ajoute l'enfermement psychique que les humains s'imposent à eux-mêmes. Nous sommes tous des enfermés, notre égoïsme, nos désirs de possession, que nous appelons de l'amour, et de pouvoir, créent les parois de nos prisons, et nous finissons enfermés sans qu'aucune communication soit possible. Les humains se heurtent aux parois de verre d'un gigantesque labyrinthe, et lorsqu'ils se croisent, c'est pour exercer leur violence. La prison de Bieito devient tout à la fois un château à la Kafka ou un labyrinthe à la Escher que rendent magistralement les décors de Rebecca Ringst et le magnifique travail des lumières de Reinhard Traub. Un labyrinthe dans lequel viennent se perdre les figurants-acrobates qui partent à l'assaut d'une Bastille qui semble imprenable. Toutes les dimensions de l'espace scénique sont occupées: les acrobates deviennent des poupées désarticulées par une machine qui les broie net et se contorsionnent dans les airs, des musiciens encagés descendent du cintre, le décor-labyrinthe vertical d'acier, de verre et de lumière finit par être abattu sur la scène pour figurer le labyrinthe horizontal d'un palais des glaces où l'on ne peut faire rien d'autre que se heurter à des parois sans jamais trouver la sortie.
Le pouvoir, qui chez Beethoven finissait par faire triompher la justice, est à l'image de certains de nos chefs d'état contemporains travestis en des clowns soi-disant démocrates dont il faut être aveugle pour être dupe. Don Fernando devient le Joker du film Batmann, un clown fantasque et cynique qui rend une justice de pacotille et use des lumières de la scène, ou des medias, pour attirer l'attention sur sa dangereuse personne. Bieito stigmatise aussi l'arbitraire de ces dirigeants qui créent des lois qui les protègent ou parviennent à incarcérer des opposants au mépris de toute justice. L'actualité récente en fourmille, hélas.
Ainsi Bieito nous met-il à nu en nous offrant le miroir sinistre du labyrinthe de nos folies et de nos enfermements. Le refus du miroir se traduit par les huées. Un instant significatif de la mise en scène a d'ailleurs créé la consternation: à la fin de l'opéra, Fidelio se dévoile comme Léonore et l'innocence de Florestan va être proclamée. Bieito fait se déshabiller les chanteurs qui vont quitter leurs vêtements: Léonore se dépouille sur scène de ses vêtements d'homme et Florestan de son costume de prisonnier. Un moment, ces héros apparaissent dans leur plus grande fragilité, en petites culottes, avant de revêtir des habits bourgeois. C'est précisément ces aspects de nous-mêmes que nous ne voulons jamai s montrer. Nouvelles huées du public qui a lui aussi ce soir revêtu ses habits de fête. Il y avait bien sûr du Bunuel dans ce petit morceau de choix, on ne peut s'empêcher de repenser à la scène de la défécation en commun des protagonistes des Charmes discrets de la bourgeoisie. Mais Bieito comme Borgès et Bunuel sont des provocateurs, ce n'est sans doute pas par goût du scandale, ce sont des provocations qui nous interrogent et, à l'instar du Fidelio de Beethoven, nous purifient et nous invitent à l'élévation morale.
Lors de la première en décembre 2010; un quidam a cru bon d'interrompre la musique pour crier Mais arrêtez donc votre théâtre! Mais l'opéra, c'est justement cela, un spectacle total aux effets cathartiques certains.

Crédit photographique: Wilfried Hösl

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