Orphée aux Enfers de Jacques Offenbach est à l'affiche du Theater am Gärtnerplatz de Munich depuis un an déjà dans une mise en scène endiablée de Johanna Schall, qui a également participé à l'adaptation de l'opérette en allemand.
L'opérette d'Offenbach convient parfaitement à ce grand théâtre d'art populaire qu'est le Gärtnerplatztheater, dont c'est la vocation de divertir son public très participatif avec des soirées truculentes. Et l'adaptation de la metteure en scène Johanna Schall est parfaitement convaincante, gouailleuse à souhait. L'Olympe (photo ci-dessus) descend au parterre avec ses dieux et ses déesses qui prennent place de manière tonitruante dans les rangs d'un public étonné et ravi. La lutte entre Jupiter et Pluton se colore du folklore chrétien et devient aussi un combat entre Dieu et Satan, un antagonisme que soulignent les costumes de Jenny Schall qui opposent les blancheurs dorées des stars du Panthéon aux rouges et noirs sulfurisés de la cour infernale.
Tout cela n'est qu'une question d'étage: Schall a imaginé un monte-charge industriel pour transporter les comédiens d'un étage à l'autre. Les Enfers, la terre et le Panthéon olympien ne sont nullement cloisonnés: il suffit de prendre l'ascenseur pour que les univers s'entremêlent de manière bon enfant, des univers qui se déploient dans les décors ingénieux et très réussis d'Horst Vogelgesang qui mêlent les cages de treillis aux colonnades gréco-romaines. La comédie humaine s'entrelace à la comédie divine dans une cosmogonie qui n'est au fond que le miroir du monde de la grande bourgeoisie, un milieu dont on se dit qu'il n'a pas tellement changé depuis le temps des Balzac et d'Offenbach. Le ménage bancal d'Orphée et d'Euridyce qui décident un moment de se séparer d'un commun accord, juste avant le soudain revirement d'Orphée qui prend conscience de ce que la publicité de leur séparation pourrait nuire à son image, les intrigues et les sournoiseries des dieux et des déesses, l'infidélité de Jupiter et la jalousie chronique de Junon, la labilité d'Euridyce (photo en pute infernale) qui passe des bras d'un mari trop occupé de sa carrière artistique à ceux du berger Aristée qui n'est autre que Pluton travesti, un Pluton qui la délaissera une fois Euridyce conquise, tout cela n'est que le reflet de la société bourgeoise opulente du Paris de la deuxième moitié du 19ème siècle. Et sans doute une certaine société munichoise pourrait-elle bien se reconnaître dans cette abondance et dans les anicroches de ces couples de nantis BCBG.
Offenbach comme Balzac soulignaient le pouvoir grandissant de la presse. Chez Offenbach elle s'incarne dans le personnage de l'Opinion publique. Johanna Schall elle aussi le met en exergue qui munit les choristes des pages déployées d'un Bild Zeitung dont on connaît les énormes titres, quasi lisibles jusqu'au pigeonnier. L'Opinion publique est incarnée par l'excellente comédienne et chanteuse Marianne Larsen (photo ci-contre), dont la présence sur scène crève le rideau!
Le plateau est époustouflant: il faut pas moins de 17 comédiens chanteurs pour remplir la multitude des rôles de l'opérette. Les talents de comédiens de la troupe sont indubitables, tous magnifiquement rôdés aux emphases de la commedia dell'arte. Relevons la bonhomie paternaliste du Jupiter de Dirk Lohr, les expressions mijaurées de La Junon d'Ann-Katrin Naidu, campée dans le somptueux costume d'une déesse hindoue égarée au temps dans le Paris du 19ème siècle, le caractère lunatique du John Styx de Gunter Sonneson éperdu d'amour pour Euridyce, une Euridyce parfaitement ingénue en desperate housewive au bord de la crise de nerfs, chantée par Sibylla Duffe qui caricature parfaitement les trilles. Particulièrement séduisants le personnage et la voix convaincante de Mario Podrecnik en Aristée-Pluton ou encore la Diane passionnée et éplorée de Christina Gerstberger.
Le public francophone regrettera bien sûr que l'opérette soit chantée en allemand, un parti-pris de traduction auquel le Gärtnerplatztheater semble cependant vouloir renoncer ces derniers temps pour privilégier l'original avec sur-titres en allemand. Question d'école et de point de vue. Un goût de trop peu aussi dans le trop bref french cancan, quasi inexistant. La metteure en scène et les chorégraphes ont préféré des allusions rythmées à la fameuse danse, certes réussies, mais qui laisseront sur leur faim les amateurs de froufrous et de jambes levées.
A nouveau une excellent soirée dans un des derniers temples de l'opérette qui existe en Europe, sinon dans le monde, dans la parfaite tradition 'gärtnerplacienne'.
Prochaines représentations cette saison:
24. Février 2011, 19.30
18. Mars 2011, 19.30
4. Avril 2011, 19.30
17. Avril 2011, 19.00
13. Mai 2011, 19.30
25. Mai 2011, 19.30
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Crédit des photos: Ida Zenna
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