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mercredi 3 novembre 2010

Dance 2010: Rachid Ouramdane nous emmène Loin...au coeur de nous-mêmes

Munich a profité l'espace de deux soirées trop courtes de la présence dense de Rachid OURAMDANE qui a emmené le public dans l'Univers de ses origines. Un Univers interpellant qui devient vite dérangeant parce qu'il fonctionne comme un miroir, nous décompose, nous morcelle et finit par questionner qui nous sommes au point de la perte des repères. On sort de son spectacle Loin...en se demandant qui l'on est vraiment, et peut-être plus loin encore si l'on est, si ce que nous croyons être le Moi n'est pas qu'un agrégat momentané et fugitif où le vide domine.
Quatre néons délimitent l'espace de représentation. J'allais écrire l'espace chorégraphique, mais le spectacle d'Ouramdame n'est pas classable Bien sûr il est danseur, mais il est aussi un poète remarquable à la langue à la fois pure et innovante, il est comédien, présente un spectacle qui mêle l'audio-visuel à l'expression corporelle, à la danse, à la sculpture de lumière supportée par le corp-écran, un spectacle complet.
Au début était la Mère, l'image surdimensionnée de la mère qui parle et raconte le passé déchiré de la famille. Une Mère qui s'exprime dans un français d'Algérie, fortement coloré de ses origines. La danse qui accompagne le dit de la Mère est déchiquetée, folle, cassée, rapide, comme l'est le récit qui évoque l'Algérie, la domination française, le service de la France en Indochine, une France qui ne reconnaît pas les services rendus et use et abuse des Algériens qui pourtant en rêvent comme d'un paradis lointain et parfois inaccessible.

A voir le spectacle de Rachid Ouramdane, on se rend vite compte que nous ne vivons pas tous la même réalité, que nous sommes souvent bourrés de préjugés quant à la réalité de l'autre, surtout si cet Autre est pauvre, minoritaire, mitié étranger et d'emblée rejeté. Ouramdame nous fait pénétrer dans la complexité kaléidoscopique de l'autre. On devrait sortir du spectacle moins raciste qu'on y est rentré, plus humain, avec moins de certitudes et davantage de questionnements.
Traversant la musique tonitruante de hauts-parleurs d'une mauvaise qualité voulue, s'élève la voix du poète qui nous livre le flux non contrôlé de ses pensées sous une forme de discours indirect libre. Le poète raconte.
L'histoire de la famille est une histoire cruelle, si cruelle qu'il y a des choses dont on ne parle pas dans la famille: la torture, les cruautés infames de la guerre, la fragmentation des personnes, leur déracinement constant, l'ignorance du destin de ceux qe l'on aime. A trop être on ne peut plus exister, on n'en peut plus d'exister.
Ouramdane met en scène l'exil et la déportation, l'histoire de gens forcés de quitter leur maisons et de s'installer dans un ailleurs non accueillant. Ces arrachages mènent au questionnement identitaire, et le provoquent chez le spectateur. Ouramdane nous confronte à l'impossibilité de connaître jamais l'autre, puis, par reflet, nous renvoie à nos propres amalgames et à notre fragmentation. En fait il nous explose la tête. On atteint avec lui à l'art véritable, un art qui présente une réalité inscrite dans l'histoire, celle de sa famille, pour la transcender et atteindre le public, qui par là devient acteur du spectacle et ne peut échapper ni à la confrontation ni à l'interrogation sur l'Etre, ou le si peu d'être que nous sommes.

Photo sous copyright de Patrick Imbert
Le festival Dance 2010 continue jusqu'au 6 novembre: infos et conditions sur le site du festival






























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