L'oeuvre et la vie de Johannes Simon MAYR (1763-1845) sont généralement ignorées du grand public, et, quand on découvre l'immensité de la production du compositeur et le rôle clé qu'il a pu jouer dans l'histoire de l'opéra, - il a notamment découvert et lancé Donizetti-, on ne peut qu'être étonné d'un si grand oubli.
Hans Simon Mayr est davantage considéré comme un compositeur italien que comme un compositeur allemand, l'histoire de la musique le désigne d'ailleurs par son prénom italianisé Giovanni Simone. Il est né en Bavière: son père, qui est maître d'école et organiste, lui enseigne très tôt la musique. A neuf ans, Hans Simon est déjà un pianiste confirmé. Parallèlement à ses études musicales, il est un brillant élève: boursier chez les Jésuites d'Ingolstadt, il est remarqué par un baron qui va sponsoriser ses études universitaires très éclectiques: de la rhétorique à la médecine en passant par le droit.
Il est dû à la plume d'un des plus grands librettistes du début du XIXème siècle, Felice Romani. Romani s'est basé sur le mythe grec de Médée et sur les oeuvres qu'Euripide et de Corneille en ont écrites. Le titre délimite précisément un épisode du mythe: il s'agit de l'épisode final de l'épopée mythique. Dans une Grèce où les villes sont en perpétuel conflit d'influence, Jason et Médée, et leurs deux enfants, ont trouvé asile à la cour du roi de Corinthe, Créonte, qui, vieilli et affaibli, décide de donner la main de sa fille à Jason, un héros prestigieux qui pourra ainsi présider aux destinées de la cité et la défendre.
Médée
Lâche, ton désespoir encore en délibère ?
Lève les yeux, perfide, et reconnais ce bras
Qui t’a déjà vengé de ces petits ingrats ;
Ce poignard que tu vois vient de chasser leurs âmes,
Et noyer dans leur sang les restes de nos flammes.
Heureux père et mari, ma fuite et leur tombeau
Laissent la place vide à ton hymen nouveau.
Rejouis-t’en, Jason, va posséder Créuse:
Tu n’auras plus ici personne qui t’accuse ;
Ces gages de nos feux ne feront plus pour moi
De reproches secrets à ton manque de foi.
Medea in Corinto au Bayerische Staatsoper
Le metteur en scène Hans Neuenfels est une des maîtres allemands de la mise en scène d'opéra, un art qu'il pratique depuis 1974. Pour Medea, il a opté pour une mise en scène qui souligne la misère et les horreurs de la vie des gens en temps de guerre et de dictature. Il comprend bien ansi le rôle prépondérant des choeurs dans l'écriture de l'opéra. Les choeurs, c'est le peuple, c'est la soldatesque, ce sont les esclaves , autant de gens qui sont de la chair à canon, des personnes taillables et corvéables à merci, qui n'ont pas le statut d'humains. Les puissants ne s'inquiètent ni de leurs souffrances ni de leurs morts, parfois ils s'en amusent et les provoquent, ils jouent avec ces corps qu'il leur arrive d'assassiner de manière aléatoire, ces cadavres qu'ils font enlever d'un claquement des doigts après les avoir enjambés.
C'est particulièrement évident dans la mise en scène de Neuenfels qui campe le personnage de la fille du roi, Créuse, sensible à sa seule beauté et à ses attiffements (elle mourra de son goût pour la parure en acceptant le vêtement d'apparat que lui envoie Médée), inquiète seulement de savoir si Jason l'aime. Elle ne voit pas le peuple que l'on torture et assassine sous ses yeux, elle le toise du haut de sa supériorité. Elena Tsallagova interprète remarquablement le personnage avec toute la froideur qui convient au monstrueux égocentrisme d'une personne inquiète d'elle seule. Créonte, vieillard agonisant, puissant, calculateur et amer, est incarné par un coutumier du rôle, Alaistair Miles. Iano Tamar, que l'on pourra entendre en Tosca en avril à l'Opéra Bastille, a toute la maturité de voix nécessaire pour porter le rôle de Medea, un rôle qu'elle interprète avec de grandes qualités d'actrice, elle incarne la femme trompée, le passage à la folie et au meurtre de la chair de sa chair avec brio. Seul bémol à mon sens: le ténor Ramon Vargas, malgré sa virtuosité et sa maîtrise technique, son timbre équilibré et la sobriété de son expression musicale, ne parvient pas à habiter la complexité du personnage de Jason, héros finissant qui est partagé entre des considérations politiques et guerrières et les restes de sa passion pour Médée, qu'il entend protéger malgré sa trahison. Le Jason de Vargas m'a paru sussurant et mondain, un bellâtre trop souriant invraisemblable face aux jeux théâtraux admirables de Tsallogava, de Tamar et de Miles.
Prochaine représentation le mardi 19 octobre à 19H au Bayerische Staatsoper
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