Il y a quelques années, le Deutsches Theater de Munich organisait chaque été un festival d'opérettes, une tradition que les amateurs d'opérettes aimeraient certainement voir renaître. Cette année, il accueille deux productions du célèbre Théâtre d'Opérette de Budapest, la Princesse Csárdás et le Pays du sourire d' Emmerich Kálmán est devenu l'un des compositeurs les plus importants du genre au monde. Nombre de ses œuvres comptent parmi les classiques intemporels de l'opérette. La production de la Princesse Csárdás, qui fut créée à Budapest en 2019 est présentée pour la première fois en Allemagne.
Le titre de l'oeuvre renvoie à la csárdás, une danse de couple hongroise à deux ou quatre temps dont le pas de base est apparenté aux anciens branles. Son nom renvoie au mot « csárda », qui signifie «auberge» en hongrois. L'opérette, aussi appelée La Princesse tzigane, a été créée en novembre 1915 au Théâtre Johann Strauss de Vienne et fut ensuite jouée à Budapest à partir de 1916. À Vienne, l'opérette connut plus de 800 représentations.
Le prince officier et ses deux fiancées
Une opérette sur le thème de la passion amoureuse entre deux amants que les préjugés de classe séparent : la célèbre chanteuse de music-hall Sylva Varescu est aimée par le prince Edwin, mais la famille de ce dernier ne pourrait jamais consentir à leur mariage. Les parents du prince ont d'ailleurs déjà arrangé son mariage avec la comtesse Stasi. L'opérette utilise les ficelles de la comédie avec sa série de travestissements et de quiproquos et se termine comme il se doit par la consécration de l'amour.
Le prince Edwin Ronald, un bel officier viennois descendant d'une famille richissime de haute noblesse tombe amoureux de Sylva Varescu, une chansonnette (<un mot aujourd'hui vieilli qui désifnait une chanteuse de variétés >) surnommée la princesse Csárdás. Sylva se produit à l'Orpheum Somossy de Budapest ,un bâtiment construit en 1894 selon les plans de Fellner et Helmer, qui accueillait initialement des spectacles de variétés et autres spectacles de divertissement. En 1922, il fut transformé en théâtre et abrita plus tard le Théâtre d'Opérette de la Capitale (en hongrois : Fővárosi Operettszínház), un autre théâtre de divertissement situé à côté du Vígszínház , où furent notamment créées plusieurs opérettes d'Emerich Kálmán.
Cet amour pose de sérieux problèmes à Edwin : il doit obéissance non seulement à son supérieur, mais aussi à ses parents. Issu d'une famille royale, il ne peut choisir librement son amour. Mais cela est-il possible ? Que peuvent faire deux cœurs amoureux qui ne peuvent s'oublier ? Qu'arrive-t-il à la comtesse Stasi, censée épouser Edwin ? Et pourquoi Sylva devient-elle l'épouse du comte Boni von Kaujiano ?
L'opérette nous invite à venir nous plonger dans l'atmosphère enivrante des nuits de la capitale hongroise à la fin de l'empire. La production du Théâtre d'Opérette de Budapest a été élaborée en 2019 par un des meilleurs metteurs en scène hongrois, Attila Vidnyánszky, qui a cherché à recréer la Csárdásfürstin dans l'esprit de l'époque de sa création. Le metteur en scène hongrois a créé un monument de légèreté et a rendu à merveille les soirées de ces nobles bohèmes qui venaient se divertir et s'éclater avec les chanteuses et les danseuses de l'Orpheum de Budapest en versant des flots de Champagne tout en dilapidant leur fortune, alors que loin, fort loin de la salle de spectacle se profilaient les sombres nuages annonçant la dissolution de la vieille Hongrie et de la monarchie austro-hongroise.
La production est somptueuse. Toute la troupe de chanteurs et de danseurs du théâtre de Budapest, ainsi que son orchestre et ses choeurs, a débarqué à Munich emmenant dans ses bagages les décors époustouflants de Balázs Cziegler et les somptueux costumes de Krisztina Berzesenyi pour nous faire revivre l'esprit de la première version hongroise créée en 1916 par Andor Gábor.
Les décors de Balázs Cziegler rappellent l'architecture fin de siècle et Jugendstil de l'Orpheum de Budapest. L'élément central est l'installation sur le plateau tournant d'un gigantesque pavillon de gramophone. La corolle du pavillon du gramophone reçoit la scène où viennent se produire les artistes. Lorsque le plateau de scène se met à tourner on voit le cornet du pavillon le long duquel s'élèvent des escaliers courbés dont les rampes en ferronnerie reprennent les motifs végétaux en coups de fouets typiques de l'art nouveau. Le pavillon est surplombé par une coupole de verre et de métal comportant des vitraux reproduisant les armes de la royauté hongroise. Tout autour du pavillon se trouve une série de portes et de baies vitrées en arcades, inspirées du rez-de-chaussée de la façade originale de l'Orpheum, qui figureront le palais du Prince Leopold Maria von und zu Lippert-Weylersheim. Au troisième acte, les couleurs de ce magnifique ensemble se ternissent, sans doute pour marquer, alors que les couples amoureux ont fini par se constituer, que loin des capitales de la double monarchie, des salons mondains ou des nuits divertissantes, la première guerre mondiale gronde avec son cortège d'horreurs et de souffrances. Les costumes d'une éclatante élégance sont dus au talent exquis de Krisztina Berzsenyi qui s'est inspirée des costumes traditionnels hongrois, artistes ou militaires, et des parures de l'aristocratie avec les tenues de soirée, fracs et robes longues, scintillement des parures. La mise en scène spectaculaire est complétée par la chorégraphie d'Yvette Bozsik qui fait de la scène un défilé coloré, mêlant danse, prestance et raffinement.
Gyula Pfeiffer, le directeur musical du théâtre d'opérettes de Budapest, a fait le déplacement pour venir charmer les oreilles munichoises avec son splendide orchestre. Il maîtrise à merveille la légèreté divertissante, les rythmes entraînants et les mélodies captivantes typiques des opérettes de Kallmann. Comme tout cela est festif, joyeux, émouvant et charmant ! La qualité des interprètes, qui doivent aussi se montrer excellent acteurs et danseurs, participe du même principe. Le chant rencontre les dialogues parlés, tout cela est exécuté avec une vivacité et une apparence de spontanéité qui sont pourtant minutieusement millimétrées. L'ingénierie électroacoustique rend bien des services aux solistes dont le chant est sonorisé. Les deux couples de jeunes gens sont particulièrement applaudis : Enikő Lévai en Syla et Gábor Bakos Kiss en Edwin jouent davantage la corde du romantisme et de l'émotion, alors que Luca Bojtos en Stasi et Péter Laki en Boni sont plus espiègles et mutins, ce dernier se permettant même une pirouette acrobatique. Gábor Dézsy Szabó et Agota Siménfalvy apportent leur expérience des planches à Léopold Maria et Anhilte. Mais plus encore que l'excellence individuelle c'est surtout le travail d'équipe qui est mis à l'honneur. L'ensemble est d'une qualité et d'une homogénéité remarquables. Et, une fois n'est pas coutume, le fait que l'opérette chez plusieurs des interprètes soit légèrement ou fortement colorée de l'accent hongrois donne un parfum d'exotisme vacancier à la soirée.
Quelle incroyable chance a le public munichois d'avoir l'occasion de venir applaudir cette extraordinaire production du Théâtre d'opérette de Budapest. Il reste des places, À bon entendeur, salut !
L'Orpheum Somossy, gravure d'époque |
Conception et distribution le 16 juillet 2025
Mise en scène Attila Vidnyánszky
Mise en scène Attila Vidnyánszky
Direction d'orchestre Gyula Pfeiffer
Chorégraphie Yvette Bozsik
Scénographie Balázs CzieglerCostumes Berzesenyi Krisztina
Lumières József Dreiszker
Sylva Vereczki, la princesse Csárdás Enikő Lévai
Edwin Ronald, le fils du Prince, Gábor Bakos Kiss
Comtesse Stasi, nièce du prince Luca Bojtos
Comte Boni Kaucsiano Péter Laki
Prince Leopold Maria von und zu Lippert-Weylersheim Gábor Dézsy Szabó
Edwin Ronald, le fils du Prince, Gábor Bakos Kiss
Comtesse Stasi, nièce du prince Luca Bojtos
Comte Boni Kaucsiano Péter Laki
Prince Leopold Maria von und zu Lippert-Weylersheim Gábor Dézsy Szabó
Anhilte, sa femme Agota Siménfalvy
Feri von Kerekes, aussi appelé Feri Bácsi Attila Bardóczy
Miska, maître d'hôtel Patrik Görög
Eugen von Rohnsdorff Soma Langer
Le notaire Kiss Gergely Altsach
Miska, maître d'hôtel Patrik Görög
Eugen von Rohnsdorff Soma Langer
Le notaire Kiss Gergely Altsach
Orchestre, choeur et ballet du théâtre d'opérettes de Budapest
Crédit photographique © Gordon Neszter pour Art&Lens Photography
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire