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mercredi 5 mai 2021

La visite de l'empereur François-Joseph en France au temps de l'exposition de 1867 (Première partie)

 Le Mémorial diplomatique donnait à l'automne 1867, en deux articles, un compte-rendu très complet et détaillé de la visite officielle en France de l'Empereur François-Joseph, de ses frères et de sa suite dans la capitale française. C'est P. Boutet, le secrétaire de rédaction du journal, qui signe ces longs articles. Le premier article est daté du 31 octobre 1867. L'illustration provient du Monde illustré du 2 novembre.


L'arrivée à la gare de l'Est

SÉJOUR DE L'EMPEREUR D'AUTRICHE EN FRANCE

Rien ne caractérise mieux la cordialité qui préside désormais aux rapports réciproques entre la cour des Tuileries et celle de Vienne que l'exquise courtoisie avec laquelle S. M. l'Impératrice, dérogeant aux règles sévères de l'étiquette, s'est empressée, le 23 courant, de se rendre au palais de l'Elysée pour souhaiter la bienvenue à l'Empereur François-Joseph immédiatement après s'en arrivée dans la capitale de la France.

Lorsque, dans le cours de l'été dernier, l'Empereur de Russie et le Sultan acceptant l'invitation de l'Empereur des Français, sont venus visiter Paris à l'occasion de l'Exposition universelle, ces deux souverains, avant de s'installer au palais de l'Elysée mis à leur disposition, se rendirent d'abord aux Tuileries pour présenter leurs hommages à l'Impératrice des Français, qui, suivant l'étiquette, vint au-devant d'eux au haut de l'escalier d'honneur.

Dérogeant, comme nous venons de le faire observer, à ce cérémonial, l'Impératrice Eugénie et le Prince Impérial, entourés des autres membres de la famille impériale ayant rang à la cour, attendaient Sa Majesté Apostolique au palais de l'Elysée. L'Impératrice poussa la courtoisie jusqu'à venir au devant de l'hôte auguste de la France, jusqu'au perron devant lequel descendait de voiture l'Empereur François-Joseph, en entrant dans la grande cour d'honneur du palais.

Nous n'avons pas besoin de dire combien le chevaleresque Empereur a été touché d'un tel procédé. Descendant lestement du carrosse, il baisa avec une émotion visible la main de l'Impératrice, et, après lui avoir offert le bras, il la conduisit au grand salon, où étaient réunis les autres membres de la famille impériale, et où eurent lieu les présentations d'usage.

L'archiduc Charles-Louis qui, à cause du deuil qu'il porte par suite du décès de sa belle-mère, la Reine douairière de Naples, n'avait pu assister à l'entrevue de Salzbourg, fut présenté le premier à l'Impératrice, qui parut très frappée de la ressemblance du jeune archiduc avec son infortuné frère feu l'Empereur Maximilien.

A peine LL. MM. 1'Empereur et  l'Impératrice des Français et le Prince impérial eurent quitté le palais de l'Elysée pour retourner à Saint-Cloud, l'Empereur François-Joseph, accompagné de ses frères, se hâta de se porter aussi à Saint-Cloud pour exprimer à LL. MM. combien lui et ses frères étaient sensibles aux sympathies dont ils étaient l'objet depuis qu'ils avaient touché le sol français, sympathies auxquelles l'Impératrice Eugénie venait de mettre le comble.

De retour à l'Elysée, l'Empereur d'Autriche et ses frères dînèrent en petit comité avec leur suite. Dans la soirée l'Empereur François-Joseph et l'archiduc Victor-Louis honorèrent de leur présence la représentation du Grand-Opéra, composée d'un acte du Trouvère et du ballet du Corsaire. Toute la ligne des boulevards était brillamment éclairée. La façade de l'Opéra et celle de l'Opéra-Comique étaient illuminées comme les soirs des fêtes publiques.

Aussitôt que S. M. François-Joseph parut dans la loge impériale, l'assistance, aussi nombreuse que choisie, se leva par un élan spontané et le salua des plus vives acclamations. C'était pour ainsi dire la continuation de l'ovation faite quelques heures auparavant au jeune monarque depuis la gare de Strasbourg jusqu'au palais de l'Elysée.

24 octobre. — L'Empereur François-Joseph qui est très-matinal, accompagné de ses frères et de toutes les personnes de sa suite, arrivait à 9 heures au Palais du Champ de Mars. Reçu à son arrivée à la perte d'Iéna par le conseiller d'Etat Le Play, commissaire général de l'Exposition, par les membres de la commission autrichienne et hongroise, l'Empereur suivit d'abord la plateforme circulaire de la galerie des machines jusqu'à la section autrichienne, qu'il a entièrement parcourue. Sa Majesté a exprimé à diverses reprises sa vive satisfaction de voir son pays occuper une place si distinguée dans ce grand concours des nations. Appréciant les sacrifices que les industriels et les fabricants autrichiens ont dû s'imposer, surtout après la guerre désastreuse de 1866, pour assurer un si éclatant succès, l'Empereur a promis de les récompenser d'une manière spéciale à son retour à Vienne. Émerveillée de la grandeur imposante de l'Exposition universelle, Sa Majesté, se tournant vers le comte Edouard Zichy, vice-président de la commission impériale autrichienne, dit en souriant : « Je doute beaucoup que, quelques efforts que nous fassions pour réaliser le projet d'une prochaine Exposition universelle à Vienne, nous puissions nous flatter jamais de seulement approcher de celle qui se déroule sous mes yeux éblouis. »

L'Empereur a reçu partout. le plus chaleureux accueil; et s'apercevant que quelques sergents de ville s'appliquaient à écarter la foule, S. M. s'y est opposée en disant : « Laissez, laissez, je me trouve trop bien au milieu des Français polit ne pas être heureux de leur sympathie. »

Dans le cours de sa visite à l'Exposition, l'Empereur François-Joseph s'est rencontré avec S. M. l'Impératrice Eugénie, et après s'être entretenu quelques instants avec elle, il a très courtoisement pris congé de S. M., attendu que l'Impératrice devait se rendre à la section française ; de son côté, l'Empereur d'Autriche est allé avec ses frères et sa suite déjeuner au pavillon tyrolien : le menu était fourni par la brasserie viennoise.

L'Empereur, après avoir visité le jardin réservé, les aquariums et la grande serre des palmiers et s'être arrêté un moment au pavillon de l'Empereur, s'est retiré vers midi.

Rentrée au palais de l'Elysée, Sa Majesté a reçu M. le préfet de la Seine, son secrétaire général, une députation de là commission municipale, et le conseil de préfecture, qui étaient venus dans des voitures de gala présenter à Sa Majesté une invitation au grand banquet que la ville de Paris désirait lui offrir le lundi suivant 28 octobre. L'Empereur témoigna tout le plaisir qu'il éprouverait à être l'hôte de cette grande capitale, qui lui faisait un accueil si affectueux.

Aussitôt après les dames de la Halle furent admises devant S. M., à qui, suivant l'usage, elles offrirent un magnifique bouquet pour sa bienvenue. Elles se retirèrent enchantées de sa réception gracieuse ainsi que des marques de sa munificence.

Dans l'après-midi, l'Empereur et ses frères sont allés rendre visite à LL. AA. II. le prince Napoléon, la princesse Clotilde et la princesse Mathilde, et à tous les membres de la famille de l'Empereur Napoléon. Sa Majesté et ses frères ont également rendu visite à la Reine des Pays-Bas, qui occupe l'hôtel de Madame la comtesse de Montijo, à côté du palais de l'Elysée.

Enfin l'Empereur et les archiducs ont honoré de leur visite Madame la princesse de Metternich à l'hôtel de l'ambassade d'Autriche, rue de Grenelle-Saint-Germain.

Dans la soirée, un dîner de famille a eu lieu au château de Saint-Cloud. La Reine des Pays-Bas, les princes et les princesses de la famille impériale, le prince et la princesse de Metternich, tout le personnel de l'ambassade d'Autriche et la suite militaire et civile de Sa Majesté Apostolique assistaient à ce dîner.

La soirée s'est terminée par un spectacle de salon. Les comédiens ordinaires de l'Empereur ont joué la comédie de Léon Gozlan, la pluie et le beau temps. L'Empereur d'Autriche, qui est bon juge (car il entretient aux frais de sa liste civile un théâtre qui réunit l'ensemble le plus complet d'artistes allemands, et qu'il fréquente presque tous les soirs), a souvent applaudi la perfection du jeu des acteurs français.

La soirée s'est prolongée jusqu'après minuit en conversations intimes, de sorte que l'Empereur François-Joseph n'est rentré au palais de l'Elysée que vers une heure du matin.

25 octobre. — L'Empereur d'Autriche qui, comme il est aisé de le comprendre, tient à tout ce qui se rattache aux souvenirs de la Reine martyre Marie-Antoinette, sa grande-tante, a voulu voir le cachot de l'infortunée Reine de France. Dans ce but, Sa Majesté, accompagnée des archiducs, du baron de Beust, de l'aide de camp comte de Bellegarde, du général baron de Hornstein et du prince de la Moskowa, est allée de bon matin visiter la Conciergerie, puis la salle des Girondins, par laquelle Elle est remontée au palais de Justice. Les honneurs de la Sainte-Chapelle lui ont été faits par Mgr l'archevêque de Paris.

De là l'Empereur s'est rendu au musée de Cluny, qu'il a parcouru avec le plus vif intérêt.

Enfin Sa Majesté a visité la magnifique cathédrale de Notre-Dame, dont elle a examiné l'architecture avec d'autant plus d'attention qu'en ce moment à Vienne, avec le produit d'offrandes volontaires de tout l'Empire, on construit dans un style gothique analogue un monument religieux destiné à perpétuer le souvenir de l'heureuse préservation de Sa Majesté, lors de l'attentat commis sur son auguste personne il y a plusieurs années, 

L'Empereur a été obligé d'abréger cette visite pour se rendre à la revue donnée en son honneur, à deux heures après-midi, au champ de course du bois de Boulogne.

La garde impériale était représentée à cette revue par le régiment de la gendarmerie de la garde, le 1er, le 2°et le 3° régiment des grenadiers, les 4 régiments des voltigeurs de la garde, les zouaves de la garde impériale, un bataillon de chasseurs à pied et un bataillon des chasseurs algériens. La troupe de ligne était représentée par le 4°, le 9°, le 24°, le 43°, le 51°, le 62°, le 64°, le 81°, le 93°, le 94°, le 95° et le 99° régiment d'infanterie, et par le 86, le 18e et le 20e bataillon de chasseurs à pied. La gardé de Paris, l'escadron de gendarmerie de la Seine et le régiment des sapeurs pompiers de la ville de Paris complétaient le contingent de l'infanterie.

Derrière les régiments et les bataillons stationnait la cavalerie, composée des carabiniers, des cuirassiers, des lanciers, des chasseurs, des guides, du train des équipages de la garde impériale et des dragons de l'Impératrice ; puis venaient les cuirassiers et les dragons de la ligne ; enfin l'artillerie de la garde et de la ligne.

Les troupes réunies présentaient un effectif de 57 bataillons, 57 escadrons et 16 batteries attelées ; elles venaient en partie de Compiègne, de Beauvais, de Fontainebleau, de Melun, de Meaux, de Versailles et de toutes les garnisons de la banlieue de Paris.

Elles étaient placées sous le commandement en chef de S. Exc. le maréchal Canrobert, commandant le 1er corps d'armée. S. Exc. le maréchal comte Regnault de Saint-Jean-d'Angely commandait les troupes de la garde impériale.

Les divers corps, arrivés sur le terrain à onze heures et demie, ont commencé à prendre les positions qui leur étaient assignées ; ils étaient complètement établis à une heure. Vers le même temps, l'Empereur Napoléon est allé prendre à l'Elysée l'Empereur d'Autriche. Le prince Napoléon s'y était rendu quelques minutes auparavant. A une heure et demie les Empereurs et leur suite ont quitté l'Elysée pour se rendre à la revue dans une calèche découverte attelée à la Daumont, dans laquelle étaient également les deux archiducs. L'Empereur François-Joseph et ses frères portaient l'uniforme blanc et le chapeau orné de plumes vertes, l'Empereur d'Autriche et l'archiduc Charles-Louis avaient le grand cordon de la Légion d'honneur; l'Empereur Napoléon portait le grand cordon de Saint-Etienne.

Dans d'autres voitures suivaient le prince Napoléon, le baron de Beust, le comte Andrassy, le général de division prince de la Moskowa ; le comte de Bellegarde, aide de camp général de l'Empereur d'Autriche; le colonel chevalier de Beck, chef de la chancellerie militaire d'Autriche ; le baron de Hornstein, grand-maître de la cour d'Autriche ; le duc de Gramont ; les aides de camp de l'Empereur François-Joseph, le colonel comte Szapary, le lieutenant colonel prince de Liechtenstein et le major baron Fejervary ; M. Davilliers Regnault de Saint-Jean-d'Angely, premier écuyer de l'Empereur Napoléon ; le major prince Paar, aide de camp ; le capitaine d'état major comte Uxhüll, le capitaine César Walzel, le capitaine vicomte de Lauriston, le lieutenant baron de Kotz ; et les capitaines de Crény et de Lasalle, officiers d'ordonnance détachés auprès des archiducs.

Le cortège était précédé d'un peloton des cent gardes, et la marche était fermée par un détachement de la garde municipale.

Arrivés à la porte de l'Hippodrome, boulevard de Boulogne, les souverains et les princes sont montés sur les chevaux richement sellés qui les attendaient, et sont entrés à deux heures sur le terrain où devait avoir lieu la revue.

L'Empereur François-Joseph était à droite de l'Empereur des Français, les archiducs et le prince Napoléon à sa gauche.

Napoléon III était accompagné par le prince Napoléon, le prince Joachim Murat et les autres princes français ayant rang à la cour, le ministre de la guerre, le maréchal comte Handon, le maréchal Vaillant ; le général Fleury, grand écuyer ; le général Castelnau, aide de camp de service ; le général Rotin, adjudant général des palais impériaux ; le général comte Lepic, aide de camp ; l'écuyer et les officiers d'ordonnance de service. Le général baron Renault. commandant la division de Bauen, le général de Franconnière et d'autres généraux en activité, les aides de camp et les officiers d'ordonnance non de service s'étaient joints à l'état-major.

Les deux maréchaux commandant en chef se sont portés au devant des Empereurs et des princes avec leurs états-majors.

A l'apparition des souverains, les troupes ont présenté les armes, les drapeaux se sont inclinés, les tambours ont battu aux champs, les clairons ont sonné la marche et toutes les musiques ont joué l'hymne national autrichien.

Un peu avant deux heures, l'Impératrice et Son Altesse Impériale le Prince Impérial étaient venus de Saint-Cloud, en calèche attelée à quatre chevaux, occuper la tribune impériale, où se trouvaient déjà S. M. la Reine des Pays-Bas, son plus jeune fils en costume de hussard hollandais, LL. AA. II. les princesses Clotilde et Mathilde, la duchesse de Cambridge, LL. AA. le prince et la princesse de Metternich. Les dames de la cour, les membres du corps diplomatique et les femmes des grands officiers de la couronne occupaient les tribunes voisines ; les autres tribunes avaient été ouvertes au public.

Après avoir parcouru successivement le front des lignes d'infanterie, d'artillerie et de cavalerie, LL. MM. et LL. AA. impériales et royales sont venues se placer vis à vis de la tribune impériale, et le défilé à commencé.

L'infanterie a défilé par bataillon en masse; l'artillerie par batterie, au trot; la cavalerie par régiment, en colonne serrée, au trot.

En passant devant les souverains, les troupes faisaient retentir l'air de vivat chaleureusement répétés pour les Empereurs, l'Impératrice et le Prince impérial, auxquels répondaient les acclamations de la foule des spectateurs.

Chaque régiment de cavalerie, après être arrivé presque à fond de train, a fait tête de colonne à droite, et pris le trot pour serrer sur le régiment de la tête ; puis la colonne s'est prolongée sur l'emplacement qu'occupait primitivement la ligne de cavalerie de la garde ; et lorsque la colonne serrée s'est trouvée tout entière entrée dans la nouvelle direction, elle a, par un mouvement rapide de pelotons à droite dans chaque escadron, présenté le front aux tribunes, et s'est portée en avant, au galop, jusqu'à soixante mètres de Leurs Majestés, qui avaient fait face en arrière.

Aussitôt après, 1 Empereur d'Autriche s'est approché de LL. Exc. les maréchaux Canrobert et Regnault de Saint-Jean d'Angely, et les a félicités sur la bonne tenue des troupes et la précision de leurs mouvements.

Il était près de quatre heures lorsque la revue a été terminée. L'Empereur Napoléon et l'Impératrice n'ont quitté les tribunes qu'après le départ en calèche découverte de l'Empereur d'Autriche, des archiducs et de la Reine des Pays-Bas.

L'Empereur François-Joseph, les archiducs et leur suite sont rentrés à l'Elysée vers les cinq heures.

Sur tout le trajet que Sa Majesté Apostolique avait parcouru pour se rendre au bois de Boulogne et en revenir, la foule s'était portée avec empressement au-devant d'Elle, lui témoignant sa sympathie par les démonstrations les plus vives, par les applaudissements et les acclamations les plus enthousiastes.

A sept heures du soir, l'Empereur François-Joseph a réuni à sa table, au palais de l'Elysée, les maréchaux et les généraux, ainsi que la députation de la commission municipale, qui était venue la veille inviter Sa Majesté à la soirée de l'Hôtel de Ville.

Après le dîner il y a eu cercle dans le grand salon de réception.

L'Empereur a profité du reste de la soirée pour aller assister, dans la loge impériale, à la représentation du Duc Job au Théâtre Français. Comme l'avant-veille au Grand-Opéra, S. M. a été de la part de toute l'assistance l'objet d'une véritable ovation.

26 octobre. — A neuf heures et demie du matin, l'Empereur d'Autriche est parti en poste de l'Elysée pour aller rejoindre Napoléon III à l'avenue de Neuilly près du pont de Courbevoie et de là gagner ensemble Saint-Germain, où les attendaient S. A. R, le prince Alexandre des Pays-Bas et le duc de Leuchtenberg.

Les personnages qui accompagnaient LL. MM. étaient MM. le baron de Beust, le comte Andrassy, le prince de Metternich, le comte Apponyi, le comte de Bellegarde, les généraux Fleury et Castelnau, le prince de la Moskowa, le marquis de Toulongeon et tous les aides de camp de l'Empereur d'Autriche.

Les régiments de la garde en garnison à Saint-Germain étaient rangés en ligne de bataille sur la terrasse de Henri IV. Les maisons de la ville étaient pavoisées aux couleurs de France et d'Autriche. Les deux Empereurs ont d'abord visité le musée gallo-romain, installé dans le château de Charles V et de François 1er ; puis la magnifique terrasse construite du côté de la Seine par Henri IV et achevée par Louis XIV.

Ensuite a eu lieu une chasse à tir dans la forêt, qui, on le sait, est à juste titre considérée comme une des plus belles de France et une des plus riches en bêtes fauves et en gibier de toute espèce. L'Empereur d'Autriche, chasseur aussi passionné qu'intrépide a eu les honneurs de la chasse, qui était favorisée par un temps superbe ; environ 1.900 pièces de gibier ont été abattues.

En général on a remarqué que le ciel, qui dans la journée du 23 était couvert et menaçait même de la pluie, s'était tout à coup éclairé au moment où le convoi impérial s'arrêta à la gare centrale de Strasbourg. Depuis lors le soleil n'a pas cessé de briller et d'adoucir la température, de sorte que, depuis l'arrivée de S. M. Apostolique parmi nous, nous jouissons d'une véritable température de printemps.

LL. AA. II. les archiducs Charles-Louis et Victor-Louis n'ont pas accompagné leur auguste frère à Saint-Germain. M. le baron James de Rothschild, consul général d'Autriche à Paris, s'était flatté que l'Empereur François-Joseph, à l'exemple du Roi des Belges et d'autres princes souverains, daignerait honorer de sa visite le château de Ferrières, cette résidence vraiment princière de l'opulent banquier; mais le temps restreint que Sa Majesté peut consacrer à son voyage en France ne lui permettant pas d'accepter l'invitation du baron de Rotschild, Elle avait chargé ses deux frères de le remplacer. Il y a donc eu en même temps au château de Ferrières, en l'honneur des deux archiducs, une partie de chasse, à laquelle avait été invité un nombre limité de personnes, parmi lesquelles figuraient la princesse de Metternich, qui passe pour une chasseresse des plus habiles, et le personnel de l'ambassade d'Autriche.

L'Empereur d'Autriche, qui, comme nous l'avons déjà fait observer, aime passionnément le spectacle, a assisté dans la soirée à la représentation de Mignon à 1'Opéra-Comique. Sa Majesté était seulement accompagnée des archiducs ses frères et du marquis de Laferrière, chambellan de l'Empereur Napoléon, attaché à sa personne. Là, comme partout ailleurs, l'Empereur François-Joseph a été l'objet des plus vives acclamations.

27 octobre. — C'est par erreur que presque tous les journaux ont annoncé que l'Empereur d'Autriche devait, à cause de la solennité du dimanche, se rendre à la chapelle de la nonciature du Saint-Siège pour y assister à la messe que devait célébrer Mgr Chigi.

Comme dans l'intérieur du palais de l'Elysée il y a une chapelle, restaurée récemment avec un art admirable, c'est là que l'aumônier en chef de l'armée française a, dimanche dernier, à neuf heures du matin, dit la messe, à laquelle ont assisté l'Empereur d'Autriche, les archiducs et leur suite. Le prélat célébrant a eu l'honneur d'être ensuite invité à déjeuner avec Sa Majesté Apostolique.

À 11 heures, quatre berlines à deux chevaux ont conduit l'Empereur et sa suite à l'hôtel des Invalides. S. M. a été reçue par le gouverneur-général, marquis de Lawœstine, entouré de son état-major. Les invalides étaient rangés en ligne de bataille par sections, dans la cour d'honneur. L'Empereur François-Joseph a visité l'établissement dans tous ses détails avec un soin minutieux et s'est fait rendre un compte exact de toutes les mesures prises pour adoucir la vieillesse et les souffrances des glorieux débris de l'armée.

Descendus dans la crypte où sont déposées les cendres de Napoléon Ier, qui par son alliance avec Marie-Louise était devenu l'oncle de S. M. Apostolique, le jeune souverain et ses frères ont paru se recueillir et s'approcher avec une émotion manifeste du tombeau du grand capitaine.

L'Empereur, les Archiducs et leur suite avaient revêtu, pour cette visite, l'uniforme militaire, dans le but de rendre hommage à l'armée française.

A une heure de l'après-midi, l'Empereur François-Joseph a reçu à l'Elysée les membres du corps diplomatique, qui, par l'organe du Nonce apostolique leur doyen, avaient réclamé l'honneur d'offrir leurs hommages et leurs félicitations à S. M. au sujet de son heureux voyage en France.

M. le prince de Metternich a présenté d'abord Mgr le Nonce, et ensuite les ambassadeurs et les chefs de légation dans l'ordre qu'ils occupent auprès de la cour des Tuileries.

Sa Majesté Apostolique a ouvertement exprimé l'espoir que les relations amicales désormais établies entre l'Autriche et la France, et que son voyage ne peut que resserrer, contribueront à la consolidation de la paix, dont tous les gouvernements ont besoin. L'Empereur s'est ensuite entretenu avec chaque représentant des puissances étrangères, en ayant soin de demander des nouvelles de leurs souverains respectifs.

Après la réception du corps diplomatique, l'Empereur Napoléon est venu chercher son hôte auguste pour le conduire aux courses de Vincennes. Les archiducs et le prince de la Moskowa accompagnaient Sa Majesté. Sur le parcours des boulevards, et surtout en entrant dans le quartier Saint-Antoine, l'Empereur d'Autriche a été acclamé plus vivement encore que le jour de son arrivée ; car sa popularité augmente en raison de la prolongation de son séjour parmi nous. Nous avons même entendu plusieurs fois se mêler aux vivat adressés à Sa Majesté le cri de Vive le Pape !

Arrivé à l'entrée de la piste, l'Empereur a été reçu par le prince Murat, président de la société des steeple chases de Vincennes, et par son service d'honneur, et conduit à la tribune impériale que Sa Majesté n'a quittée qu'à la fin des courses. A sa rentrée dans Paris, la foule n'a pas cessé de se presser sur son passage et de lui donner des marques de la plus sincère sympathie.

A 6 heures, des chaises de poste ont emmené Sa Majesté et les archiducs à Saint-Cloud, où un grand dîner d'apparat leur a été offert. Le prince et la princesse de Metternich s'y rendaient en même temps, aussi en poste, en compagnie du comte de Mulinen, conseiller, et du comte Kuefstein, premier secrétaire de l'ambassade d'Autriche.

Le vieux roi de Bavière Louis Ier assistait à ce dîner, auquel avaient été invités les ministres, les membres du conseil privé, les grands dignitaires de la cour, les maréchaux, les généraux, les amiraux et leurs femmes, Après le dîner Leurs Majestés françaises ont tenu cercle et présenté de nouveau les ministres à l'Empereur d'Autriche et au Roi de Bavière.

28 octobre. — L'Empereur François-Joseph, qui lors de sa première visite à l'Exposition n'avait pu parcourir que la section autrichienne, a consacré la matinée de lundi à examiner les autres sections et plus particulièrement la section française, qui, par la perfection et le goût du travail, a excité au plus haut degré son admiration, que Sa Majesté a daigné exprimer hautement.

Le reste de la journée a été consacré à la visite de plusieurs établissements publics. Dans l'après-midi, notamment, l'Empereur, accompagné par M. le baron de Beust, M. le comte Andrassy et l'aide de camp général le comte de Bellegarde, a visité le palais du Louvre et les musées. Il a été reçu par le ministre de la maison de l'Empereur et des beaux-arts et par le surintendant, M. le comte de Niewerkerke.

Sa Majesté s'est ensuite rendue avec son cortège aux écuries impériales, où l'attendait le grand écuyer général Fleury, avec tous les officiers attachés à ce service. Elle a parcouru les écuries avec un intérêt manifeste et a recueilli différentes observations qui lui ont été exprimées en réponse à ses questions sur le régime et les règlements de ce service, un des plus étendus de la maison impériale.

Le soir a eu lieu à l'Hôtel-de-Ville le somptueux banquet que la ville de Paris offrait à l'hôte ajuste de Napoléon III.

Avant que l'Empereur François-Joseph arrivât à Paris, M. le préfet de la Seine, par l'intermédiaire de l'ambassade d'Autriche, avait soumis au choix de Sa Majesté Apostolique l'invitation à un banquet avec concert ou un grand bal. L'Empereur répondit par le télégraphe qu'il en laissait la décision à S. M. l'Impératrice Eugénie, parce qu'étant l'hôte de la cour des Tuileries, il entendait entièrement se conformer, durant son séjour en France , aux convenances de LL. MM. françaises.

Comme la saison n'est pas favorable à un bal, par la raison que la majeure partie des dames les plus élégantes du monde parisien sont encore à la campagne, on s'arrêta au banquet, en le combinant de manière que le concert, au lieu de suivre le dîner, s'exécutât pendant le repas; l'orchestre et les artistes seraient placés dans la salle des Cariatides, où le banquet devait être servi.

La façade de l'Hôtel de Ville et celles des édifices municipaux qui lui font face offraient un aspect féerique. Des milliers de becs de gaz y traçaient des dessins architectoniques, au milieu desquels se détachaient les initiales de l'Empereur et de l'Impératrice des Français et celles de Sa Majesté Apostolique. Des trophées de drapeaux aux armes de France et d'Autriche, habilement ménagés, interrompaient les lignes lumineuses.

La décoration de la cour de l'Hôtel, de l'escalier d'honneur et des appartements intérieurs, quoiqu'elle fût au fond la même que celle qui avait été adoptée pour les fêtes données en l'honneur de l'Empereur de Russie, des Rois de Prusse et de Portugal, avait été rehaussée par des ornements d'un genre tout particulier, dus au talent inépuisable de M. Alphand, le célèbre ingénieur de la ville, qui avait réellement improvisé pour cette fête les merveilles des Mille et une Nuits. On n'entendait qu'un cri d'admiration à la vue du spectacle magique que présentait surtout le grand escalier à deux embranchements suspendus, étincelant de lumières qui y répandaient la clarté d'un jour radieux.

La liste des invitations avait été, selon l'étiquette, soumise à l'agrément de l'Empereur d'Autriche. Elle comprenait les ambassadeurs et les ambassadrices des grandes puissances ; les deux ministres plénipotentiaires de Bavière et des Pays-Bas, dont les souverains étaient présents au banquet ; les cardinaux, les ministres, les membres du conseil privé, les présidents des grands corps de l'Etat, les maréchaux, les grands dignitaires de la cour, les personnes composant la suite de LL. MM. Françaises, de l'Empereur d'Autriche et des archiducs ; le personnel de l'ambassade d'Autriche ; les membres de la Commission impériale autrichienne à l'Exposition; les Autrichiens et les Hongrois de distinction présents à Paris ; les membres de la Commission municipale ; les maires et les adjoints de Paris.

Quoique le banquet fût fixé pour huit heures du soir, l'Empereur et l'Impératrice des Français arrivèrent à l'Hôtel de Ville une demi-heure auparavant. A leur descente de voiture, LL. MM. furent reçues par M. le préfet de la Seine, accompagné du secrétaire général et du président du Conseil de préfecture; par M. le préfet de police, accompagné de son secrétaire général ; par le président et le secrétaire de la Commission municipale.

S. M. l'Impératrice, le front ceint d'un diadème de brillants surmonté du célèbre solitaire connu sous le nom de Régent, portait une robe de satin blanc, sur laquelle retombait une tunique de tulle, relevée par des agrafes en diamants de la plus belle eau, et dont le corsage était bordé de pierreries pareilles; à l'épaule gauche,-Sa Majesté portait le bijou aux armes de la ville, qui lui a été offert par le préfet au nom du corps municipal ; sur son cou ruisselait une quintuple rivière de brillants. L'Empereur Napoléon portait l'uniforme de lieutenant-général avec le grand cordon de l'ordre de Saint-Etienne de Hongrie.

Leurs Majestés se sont rendues d'abord dans le salon de réception, attenant à la salle du banquet, dans lequel étaient déjà réunis le plus grand nombre des invités en grand uniforme.

A huit heures moins un quart, la musique militaire de la garde de Paris, exécutant l'hymne national autrichien, annonça l'arrivée de l'Empereur François-Joseph. Sa Majesté Apostolique portait le pittoresque costume de général hongrois : veste et pantalon collant écarlates avec brandebourgs d'or, bottes hongroises, dolman de casimir blanc bordé de zibeline et orné d'agrafes d'or, kolbach en zibeline avec glands d'or et surmonté d'une aigrette blanche.

L'Empereur d'Autriche, s'approchant de l'Impératrice Eugénie et de la Reine des Pays-Bas , leur baisa respectueusement la main ; puis, parcourant le cercle des personnages invités, il se fit présenter ceux qui ne lui avaient pas encore été présentés.

En attendant, les autres invités étaient successivement conduits par des maîtres de cérémonie aux places qui leur avaient été assignées au banquet.

Au centre de la salle des Cariatides, s'élevait une estrade sur laquelle avait été dressée la table des Empereurs. Au milieu de cette table figurait le riche service en argent destiné aux banquets de la ville de Paris, sorti des ateliers de la maison Cristofle et Cie, et que l'on a tant admiré à l'ouverture de l'Exposition actuelle. Des deux côtés, vis-à-vis de la table impériale, se trouvait le buffet couvert de pièces d'argenterie d'un travail remarquable.

Les deux Empereurs étaient placés l'un en face de l'autre, au milieu de la table. Sa Majesté Apostolique avait à sa gauche l'Impératrice Eugénie, et à sa droite Mme la princesse Mathilde, à côté de qui étaient assis dans l'ordre suivant : l'archiduc Victor-Louis, Mme la princesse Christine Bonaparte, le duc de Leuchtenberg et le prince abbé Lucien Bonaparte. A gauche de l'Impératrice Eugénie venaient l'archiduc Charles-Louis, Mme la baronne de Budberg et le prince Joachim Murât.

S. M. l'Empereur des Français avait à sa droite la Reine des Pays-Bas, a côté de qui était assis le vieux Roi Louis de Bavière ; puis venaient, dans l'ordre suivant, le nonce du Saint-Siège, le prince de Metternich et l'ambassadeur d'Espagne. A gauche de l'Empereur Napoléon était placée la princesse de Metternich, et après elle suivaient les ambassadeurs de Prusse, de Russie et de Turquie.

Le dîner, servi par Chevet, était digne de la renommée culinaire de cette maison. Pendant toute la durée du banquet, l'orchestre et les chœurs du Conservatoire, dirigés par M. Pasdeloup, ont alternativement fait entendre des symphonies et des chœurs empruntés au répertoire classique.

Il était huit heures un quart environ quand l'Empereur des Français s'est levé pour porter le toast suivant:

«Je bois à la santé de l'Empereur d'Autriche et de l'Impératrice Elisabeth, dont » nous regrettons vivement l'absence. Je prie Votre Majesté d'agréer ce toast comme l'expression de nos profondes sympathies pour sa personne, pour sa famille  et pour son pays. »

Après ce toast, qui fut couvert de chaleureuses acclamations, l'orchestre de M. Pasdeloup a répété l'hymne national autrichien. Aussitôt que la musique eût cessé, l'Empereur d'Autriche s'est levé à son tour, et, avec un accent qui visiblement partait du cœur, a prononcé les paroles suivantes :

« Sire, je suis bien sensible au toast que Votre Majesté vient de me porter. Lorsqu'il y a peu de jours j'ai visité à  Nancy les tombeaux de mes ancêtres, je n'ai pu m'empêcher de former un vœu : Puissions-nous, me suis-je dit, ensevelir dans cette tombe confiée à la garde d'une généreuse nation toutes les discordes qui  ont séparé deux pays appelés à marcher ensemble dans les voies du progrès et de la civilisation. (Marques générales d'approbation. — Applaudissements répétés.) Puissions-nous, par notre union, offrir un nouveau gage de cette paix sans laquelle les nations ne sauraient prospérer ! (Bravo ! bravo ! — Vive l'Empereur !) Je remercie la ville de Paris de l'accueil » qu'elle m'a fait, car de nos jours les rapports d'amitié et de bon accord entre les souverains ont une double valeur, lorsqu'ils s'appuient sur les sympathies et les aspirations des peuples.
A l'Empereur !
A l'Impératrice !
Au Prince Impérial !
A la France!
A la Ville de Paris ! »

Il nous serait impossible de décrire l'enthousiasme suscité parmi les convives et les spectateurs admis dans les tribunes supérieures de la salle. Les applaudissements et les acclamations se continuèrent bien longtemps encore après que Sa Majesté Apostolique se fut rassise.

C'est au milieu de l'émotion produite par ces toasts, qui exprimaient si fidèlement les sentiments des deux pays, que Leurs Majestés se levèrent de table pour passer dans les grands appartements de réception, où S. M. l'Impératrice Eugénie, avec la rare affabilité qui la distingue, fit comme par enchantement disparaître la gêne de l'étiquette pour donner à cette réunion solennelle tout l'attrait d'une fête de famille ; le charme en était si grand que la soirée se prolongea jusqu'à près de onze heures. L'Empereur François-Joseph, après les douloureuses épreuves qu'il a traversées coup sur coup, avait l'air radieux et ne cessait de répéter qu'il garderait un profond souvenir de cette admirable fête, qui à bon droit marquera une des pages les plus brillantes dans les fastes de l'Hôtel de Ville.

29 octobre. — Le Moniteur ayant, dans la matinée, publié le toast que Sa Majesté Apostolique avait porté la veille au banquet de l'Hôtel de Ville, toast qui devait avoir un écho si retentissant en France, une foule compacte se pressait aux abords du palais de l'Elysée au moment où, vers dix heures, l'Empereur François-Joseph sortait dans une voiture à la Daumont, accompagné de ses frères, pour se rendre au château de Saint-Cloud et de là à Versailles, en compagnie de l'Empereur et de l'Impératrice des Français.

M. le baron de Beust, le comte Andrassy, le prince et la princesse de Metternich ; le duc de Gramont, ambassadeur de France à Vienne, le prince Léon Sapieha, maréchal de la diète de Galicie ; le prince de la Moskowa et les officiers attachés à la personne de Sa Majesté Apostolique et à celles des deux archiducs suivaient dans des carrosses de la cour, attelés également à la Daumont.

L'Empereur et l'Impératrice des Français sont venus au-devant de leurs hôtes jusqu'à l'entrée de la grille d'honneur. Le régiment de la garde en garnison à Saint-Cloud faisait la haie dans l'avenue et dans la cour du château.

Après quelques instants de repos, les deux Empereurs et l'Impératrice sont montés dans une calèche attelée de quatre chevaux de poste pour se rendre à Versailles. Vingt voitures de poste étaient occupées par les archiducs et les personnages de la suite. La Reine des Pays-Bas, son fils le prince Alexandre, et le duc de Leuchtenberg de Russie étaient au nombre des invités.

La journée a été consacrée à la visite des appartements de Louis XIV, du cabinet de Louis XVI et du musée national, ainsi que du parc et des jardins, où jouaient les grandes eaux.

Le petit Trianon, si rempli de souvenirs de Marie-Antoinette, offrait un attrait d'autant plus grand à l'Empereur François-Joseph et à ses frères, que l'Impératrice Eugénie a, avec un soin pieux, réuni une collection d'objets ayant appartenu à la malheureuse Reine.

Un déjeuner de cent vingt-cinq couverts a été servi au grand Trianon.

Le cortège impérial est revenu en poste par le bois de Versailles, vers cinq heures de l'après-midi, à Saint-Cloud, où l'Empereur d'Autriche a pris congé de l'Empereur et de l'Impératrice des Français pour rentrer au palais de l'Elysée.

Nous nous voyons obligés de rectifier certains détails que nos confrères avaient publiés d'avance sur le grand dîner qui a eu lieu dans la soirée à l'ambassade d'Autriche, en l'honneur de Sa Majesté Apostolique, et pour lequel, d'après ces journaux, de nombreuses invitations auraient été adressées aux illustrations du monde politique, diplomatique ou officiel.

Le dîner dont il s'agit n'était que de trente-six couverts, et, à l'exception de M. le marquis de Moustier, ministre des affaires étrangères, il ne comprenait aucun autre invité français, l'Empereur François-Joseph ayant exprimé le désir de dîner pour ainsi dire en famille avec les Autrichiens de distinction qui se trouvent actuellement à Paris.

L'hôtel de l'ambassade avait, il est vrai, été magnifiquement décoré pour cette fête.

Dans la grotte artificielle construite au fond du jardin à l'occasion du dernier bal donné en l'honneur de l'Empereur et de l'Impératrice des Français et du Roi et de la Reine des Belges, les eaux jaillissantes d'une cascade reflétaient la lumière des girandoles et l'éclat de feux de Bengale qui éclairaient tout le jardin. Les appartements intérieurs avaient été transformés en de véritables corbeilles de fleurs.

S. M. l'Empereur et les archiducs ont quitté l'hôtel de l'ambassade on ne peut plus charmés de cette fête tout à fait intime.

30 octobre. — Sa Majesté a continué de visiter les monuments et les établissements publics de Paris , et Elle a exprimé hautement le regret que le temps lui manquât pour les examiner avec le soin et l'attention que méritent toutes les merveilles que renferme notre capitale.

A sept heures du soir, a eu lieu au palais de l'Elysée un grand dîner, auquel Sa Majesté Apostolique avait invité tous les ministres, les membres du conseil privé, M. le préfet de la Seine, le préfet de police, le président de la commission municipale de Paris, et les hauts dignitaires de la cour et de l'Etat, que l'Empereur tenait à réunir avant son départ, afin de pouvoir leur exprimer de vive voix les profondes et ineffaçables impressions qu'il emporte de son voyage en France.

L'Empereur François-Joseph, les archiducs et toute sa suite étaient en uniforme, et les invités portaient leur costume officiel.

L'heure à laquelle nous mettons sous presse ne nous permet pas d'entrer dans plus de détails.

P. BOUTET.

(À suivre)

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