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jeudi 5 septembre 2019

Duo de violoncelle et piano. Pablo Ferrández et Luis del Valle au Festival de Lucerne.


Dans la série des concerts de midi que le Festival de Lucerne présente sous le titre Début, on a pu entendre ce midi un concert d'une qualité exceptionnelle par le violoncelliste  Pablo Ferrández et le pianiste Luis del Valle

Lorsque  Pablo Ferrández, né en 1991,  débuta au Bamberger Symphoniker, Christoph Eschenbach ne tarissait pas d'éloges à son propos. Il en parlait comme d'un jeune violoncelliste de haut niveau qui dispose de tous les atouts : une brillante technique, une profonde musicalité et un énorme charisme. Anne-Sophie Mutter louait de son côté sa beauté sonore, son vibrato sophistiqué et son doigté irréprochable. Il fut désigné comme jeune artiste de l'année lors de l'International Music Award de 2016. Luis del Valle, de huit ans son aîné et qui le toise de deux têtes, est un pianiste réputé qui dès 2005 remportait avec son frère Victor le Concours international ARD ainsi que le prix du public dans la catégorie duo de piano. Il fait aujourd'hui ses débuts au Festival de Lucerne.

Pablo Ferrández et Luis del Valle ont présenté un programme passionnant, d'une beauté d'exécution à couper le souffle. Le Kol Nidrei de Max Bruch (1880-1881), un adagio selon des mélodies hébraïques basé sur le Kol Nidre ashkénaze que chantait le Kantor de ces communautés la veille du Jour du Grand Pardon (Yom Kippour). Cet adagio fut suivi d'une sonate pour violoncelle de Dmitri Choskatovitch datant de 1934  (Op.40), l'époque où le compositeur connaît le succès avec som opéra Lady Macbeth du district de Mtsensk. Sa sonate marqua un retour vers la tradition et est généralement considérée comme annonciatrice de sa cinquième symphonie. Last but not least, les deux musiciens donnèrent en apothéose la fameuse sonate de César Franck pour violon et piano dans l'adaptation pour violoncelle qu'en donna Jules Dessart

Pablo Ferrández et Luis del Valle semblent habités, possédés par l'esprit de la musique dont ils sont les démiurges, transportés par l'inspiration. Leur dialogue instrumental est extrêmement physique. Le violoncelliste joue la plupart du temps les yeux fermés, en extase. 

Dans le premier allegro de la sonate de Chostakovitch, les deux hommes semblent se jeter dans un combat corps à corps avec leurs instruments, un  combat que viennent ensuite calmer les charmes subtils du largo. La sonate de Franck fut tout entière d'une exécution qui fait monter des larmes de joie et qui n'est pas sans rappeler ce qu'éprouvait le personnage proustien de Swann à l'audition de la sonate fictive de Vinteuil que la sonate de Franck, entre autres, pourrait avoir inspirée à l'auteur de la Recherche du temps perdu. "D'un rythme lent elle le dirigeait ici d'abord, puis là, puis ailleurs, vers un bonheur noble, intelligible et précis. Et tout d'un coup, au point où elle était arrivée et d'où il se préparait à la suivre, après une pause d'un instant, brusquement elle changeait de direction, et d'un mouvement nouveau, plus rapide, menu, mélancolique, incessant et doux, elle l'entraînait avec elle vers des perspectives inconnues." Et c'est vers cet ailleurs plus noble que nous ont transporté ces musiciens d'exception. Un pur bonheur !



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