C'est le lecteur grec de l'impératrice Elisabeth d'Autriche qui nous rapporte dans les pages de son journal ces propos qu'elle lui confia à propos de la musique de Wagner :
" Nous parlions, aujourd'hui, des Nibelungen, de Richard Wagner. Je tiens Wagner pour un rédempteur, dit l'impératrice. Il n'est pas autre chose que l'incarnation musicale d'une connaissance de nos secrets intérieurs, venue, inconsciemment, en nous, à maturité. Le mot Tondichter (Poète de sons) n'exprime, à mon avis, que la forme extérieure et sensible de sa révélation, mais non ce qu'il était lui-même. Il était justement, et uniquement, les mystères mêmes de notre existence qui sont devenus science libératrice. Puis elle dit, (peut-être, sans s'en rendre compte et sans le vouloir, transformant harmonieusement en sons fluides les mouvements de sa pensée) :
- Nous devons accueillir en nous la musique de toute chose et la fondre en nous en une unité. Nous devons nous pencher sur le coeur de la terre, et prêter l'oreille à ses battements. Là, confluent, comme en une conque mystique, les grandes, harmonies : tous les rayons de soleil qui jamais ne s'éteignent, et les rêves qui ne sont pas encore nés, et les joies des fleurs, et les mélancolies des automnes, les langueurs des rivières,vers le lointain, et les silences des nuées. Nous devons, ajouta-t-elle, retourner là d'où nous sommes venus, au primordial bruissement du Rhin, d'où naquit le chant du Rheingold. De cette manière, vainqueurs, nous remporterons la victoire sur nous-mêmes. Ce que nous ne pouvons parfaire qu'avec l'aide de la mort, nous devrions l'accomplir seuls et encore vivants.
Ainsi elle créait elle-même, devant mes yeux, par les fugitifs gestes délicats et si magnifiques de son âme, l'image idéale et véritable de son être. Toujours je la vois devant moi, cherchant à mettre le chant de sa vie intérieure en unisson avec la grande mélopée du monde, qui résonne en un intérieur silence éternel ; je la vois prêter l'oreille aux vagues et aux vents, qui se taisent, sonores, aux constellations qui chantent silencieuses, aux douces fleurs qui exhalent leurs âmes en harmonies. Et quand sur la grève tragique et sans âge, elle voit les flots s'épanouir en toujours nouvelles blanches floraisons, les fleurs frissonner en vagues sur les collines assoupies, la clarté des étoiles et le souffle des vents autour de sa tête mollement fluctuer, alors aussi, de l'onde de sa tristesse, elle puise de virginales corolles inconnues, et s'en couronne comme Ophélie. "
in Constantin Christomanos, Elisabeth de Bavière, Impératrice d'Autriche, pages de journal, impressions, conversations, souvenirs, Mercure de France.
Constantin Christomanos (1867-1911)
Ce jeune lettré servit de professeur de
grec et de cicérone à l’impératrice Elisabeth d’Autriche dès le mois de mai 1891.
Il l’accompagna au cours des différents voyages qu’elle fit dès cette époque. Il
eut surtout l’occasion de la suivre à Corfou où elle s’était fait construire un vaste
palais, l’Achilleion.
Constantin. Comprenant toute la chance qu’il avait de fréquenter de manière
presque intime Elisabeth d’Autriche, il prit note jour après jour de toutes les
conversations qu’il put avoir avec l’impératrice. Ces notes devaient plus tard le
servir pour réaliser ce livre dont sont extraits ce passage consacré aux rapports de l'impératrice à l'oeuvre de Wagner.
In the movie WAGNER, he says much the same thing about our being deprived of our true relationships with life and each other, that we have been made to feel ashamed of what is great and natural in ourselves. DH Lawrence writes similar ideas.
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