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jeudi 30 août 2018

L'éloge funèbre de Maurice Kufferath au roi Louis II de Bavière

Maurice Kufferath
Maurice Kufferath est un critique musical, librettiste, violoncelliste et chef d'orchestre belge, né en  janvier 1852 à Bruxelles (Saint-Josse-ten-Noode) et mort le 8 décembre 1919 à Uccle. Il dirigea le Théâtre de la Monnaie de Bruxelles de 1900 à 1919, il  fut  de son vivant une des plus intéressantes figures belges de la scène musicale belge.

Pianiste, son père était professeur au Conservatoire. Il est ainsi élevé dans un environnement musical; avec ses frères et son père, il formera un quatuor. Après des études à Bruxelles, il étudie le droit à Leipzig où il rencontre Franz Liszt et Richard Wagner. Il créera la section belge du Wagner Verein (Association Richard Wagner).

Maurice Kufferath fut pendant une vingtaine d'années rédacvteur du bulletin de politique étrangère de l'Indépendance belge. A cette époque, déjà, il s'était acquis une grande réputation par de remarquables travaux sur la littérature musicale. Ses études critiques sur les grandes œuvres de Beethoven et de Wagner, auxquelles il a consacré plusieurs volumes (Fidelio, la Tétralogie, les Maîtres chanteurs, Parsifal, Tristan, Lohengrin) font autorité. On lui doit aussi sur la philosophie de l'art un volume de discussion, très serrée contre Tolstoï et sur les idées esthétiques de Schopenhauer et Wagner. Il collabora également à la revue belge Le Guide musical.

Nommé directeur du théâtre de la Monnaie en 1899 avec M. Guillaume Guidé, Kufferath put réaliser sur la grande scène lyrique de Bruxelles ses meilleures entreprises artistiques, il y a servi avec une rare intelligence. Il fit monter la première belge de Parsifal à la Monnaie en 1914.

Pendant la guerre, Maurice Kufferath résida en Suisse, et il fit, avec un autre critique belge disparu presque en même temps que lui, Octave Maus, une ardente campagne contre l'Allemagne tentaculaire. On lui doit, notamment, une vigoureuse et pertinente réfutation des théories d'Houston Stewart Chamberlain.  Ce fut une belle fin de carrière pour ce publiciste éminent, qui ne sépara jamais l'amour de l'art de la plus sérieuse action.

Ouvrages de Maurice Kufferath consacrés, en tout ou en partie, à Richard Wagner et à son oeuvre:
  • L'art de diriger l'orchestre: Richard Wagner & Hans Richter, Paris: Fischbacher (1890)
  • Le théâtre de Richard Wagner: de Tannhäuser à Parsifal. Essais de critique littéraire, esthétique et musicale, Paris/Bruxelles/Leipzig: Fischbacher/Schott/Junne (plusieurs volumes, 1891-1899).
  • Musiciens et philosophes: Tolstoï, Schopenhauer, Nietzsche, Richard Wagner, Paris, Alcan (1899).
L'éloge funèbre au Roi de Bavière

Maurice Kufferath publie un éloge funèbre informé et sensible au roi  de Bavière dans la revue belge Le Guide musical des 17 et 24 juin 1886, soient quelques jours après la mort de Louis II. Il centre naturellement son propos sur les relations entre le roi et le musicien. Il règle aussi des comptes avec Catulle Mendès qui avait publié une Lettre au roi de Thuringe après que Louis II ait signé l'interdiction de publication de la traduction allemande de son roman à clé Le Roi Vierge, qui mettait en scène sous des pseudonymes tant le roi que son compositeur favori. (Voir notre post consacré à cette lettre).




"LOUIS II 

La mort navrante et tragique de Louis II de Bavière, qui dans un accès de folie s'est volontairement noyé dans le lac de Starnberg, ne saurait laisser indifférent le monde des arts. 

On ne peut oublier ce que ce prince, qui ressemblait si peu aux autres, a fait pour l'art musical et en particulier pour Richard Wagner, dont il fut l'ami autant que le protecteur. 

Descendant d'une famille souveraine qui de tout temps manifesta une noble prédilection pour les arts et les lettres, il fut toute sa vie bien plus un artiste qu'un monarque, et son nom, à ce titre, brillera dans l'histoire de ce siècle d'un éclat tout particulier. Sans lui nous n'aurions pas cette admirable épopée musicale qui sera la gloire du XIXe siècle, la Tétralogie des Nibelungen ; sans lui Parsifal n'aurait pas vu le jour probablement, ni les Maîtres chanteurs, qui resteront les oeuvres maîtresses de la scène allemande. 

Avec le goût si sûr et le tact parfait qui la distingue, une partie de la presse musicale de France s'est amusée à rééditer, à propos de cet événement tragique, d'ineptes railleries et des facéties banales sur les relations du roi avec le musicien-poète, oubliant ainsi qu'elle reproche tous les jours à Wagner ses plaisanteries aristophanesques d'Une Capitulation. Ce roi, qui meurt tué par la bêtise lourde d'une société qui n'avait rien compris de ses hautes aspirations, est aussi respectable dans sa détresse mentale qu'une nation qui succombe par les fautes de ses gouvernants et la corruption de ses classes dirigeantes. 

N'insistons pas. 

C'est de 1864 que datent les relations - qui devaient devenir toutes cordiales - entre Louis II et Richard Wagner. Le roi venait de monter sur le trône, succédant à son père Maximilien Ier. Son premier acte fut d'appeler à sa Cour le grand artiste persécuté qui, dans la préface de son poème des Nibelungen, publié en 1863, avait jeté un cri de détresse et se demandait avec angoisse s'il se trouverait jamais un prince allemand pour l'aider à réaliser ses gigantesques conceptions. 

Louis II voulut être ce prince. Très épris de tout ce qui touchait à l'art, lettré délicat et érudit, esprit rêveur et mélancolique, Louis II avait, à l'âge de seize ans, entendu Lohengrin au Théâtre de la Cour, et cette œuvre l'avait profondément remué. N'ignorant rien de ce qui se publiait à cette époque en Allemagne, il n'ignorait rien des vicissitudes qui avaient jusqu'alors bouleversé la carrière du grand musicien proscrit, cherchant à l'aventure, à travers l'Europe, de Londres à Saint-Pétersbourg en passant par Paris et par Vienne, le théâtre qui voulût jouer ses œuvres intégralement, telles qu'elles avaient été conçues et voulues. 

Sans doute aussi avait-il lu les écrits de cet homme extraordinaire et ce grand poème épique et dramatique où revivaient, dans une apothéose magnifique, les plus pures traditions de la race germanique. 

Il n'était pas proclamé roi depuis huit jours, qu'il envoyait un de ses chambellans à la recherche du poète-musicien. La presse venait précisément de s'occuper beaucoup de Wagner, non pas du musicien, — celui-là ne l'intéressait guère,— mais de l'homme privé. Revenant de Saint-Pétersbourg, où il avait dirigé une série de concerts,Wagner était arrivé à Vienne avec un bénéfice d'environ 35,000 roubles, ce qui représentait alors un peu plus de cent mille francs. Naïf comme un enfant, absolument incapable de gérer sa fortune, de veiller même à ses plus élémentaires intérêts, il s'était imaginé que ces cent mille francs représentaient une somme énorme, et tout de suite il s'était lancé dans des dépenses inconsidérées. On se racontait les histoires les plus fantastiques à ce sujet. Un canapé, tout tendu de soie richement brodée, avait été payé trois mille florins, plus de six mille francs. A la devanture d'un grand tapissier de Vienne on voyait exposées les tapisseries magnifiques que Wagner avait commandées pour sa villa en Suisse. On se doute de ce qui arriva. Les 35,000 roubles furent engloutis en quelques semaines, et Wagner dut fuir de Vienne pour échapper à ses créanciers. 

C'est à ce moment que l'envoyé du roi de Bavière vint le chercher. II trouva Wagner à Stuttgart, réfugié chez son ami Eckert (1), brisé, anéanti de cette chute si rapide et si profonde. On peut imaginer quelles impressions l'agitèrent lorsque l'envoyé du jeune roi se présenta à lui. Eckert racontait qu'après l'entrevue Wagner, se précipitant dans la chambre, se jeta à son cou, les yeux pleins de larmes, en s'écriant : " Je croyais tout perdu, voici que tout est gagné. Toutes mes espérances sont dépassées. Il met à ma disposition tous les moyens dont il dispose. „ 

Il, c'était le roi de Bavière. 

Deux jours après, Wagner était à Munich. Le roi lui avait fait louer une maison; il lui assurait unee pension annuelle de 1,200 florins. Peu après, il l'emmenait à ce château de Berg, près du lac de Starnberg, où vient de s'accomplir la tragédie que l'on sait. 

C'est là que se formèrent entre le monarque et le musicien les liens d'une amitié que bien des nuages troublèrent par la suite, mais qui ne devait cesser qu'avec la mort. Ce fut un spectacle assurément unique que celui de ce prince, s'exilant volontairement de sa Cour, rompant toutes relations avec ses ministres, pour vivre en poète et en artiste avec un artiste qu'il traitait d'égal, qu'il considérait comme un autre roi. Louis II et Wagner,dans l'intimité, se tutoyaient. Dans la pièce de vers, imprimée en tête de la partition de la Walkyrie, Wagner a exprimé les sentiments de profonde reconnaissance qu'il avait pour son royal ami. (2) 

O Roi ! noble protecteur de ma vie ! 
O toi! suprême refuge d'une bonté inépuisable, 
Arrivé maintenant au but de ma vie, je lutte 
Pour trouver le mot digne de tes bienfaits. 

Ce que tu fus pour moi, moi seul, je puis le mesurer
En voyant ce que j'étais sans toi. 
Pas une étoile ne m'apparaissait qu'elle ne pâlit aussitôt.
Les espérances suprêmes, je les ai perdues une à une; 

Et maintenant, je vais, fier et heureux, par de nouveaux sentiers 
Dans le royaume ensoleillé de ta Grâce ! 

Par l'ordre du roi, cette même année, Tristan et Isolde fut mis à l'étude, et le 3 mars 1865, moins d'une année après l'arrivée de Louis II au trône, la première représentation avait lieu au théâtre de la Cour, devant un public enthousiaste. 

On se rappelle le succès retentissant de cet ouvrage, interrompu peu après par la mort à jamais déplorable du ténor qui créa Tristan, l'inoubliable Schnorr de Carolsfeld. Celui-ci disait un jour à Wagner : " Je vois bien, maintenant, ce qui te donne une confiance si absolue. Entre ce roi divin et toi, il est impossible que je ne devienne pas, moi aussi, quelque chose de magnifique (Etwas Herrliches). " 

On pense bien que ces relations cordiales entre le souverain et le musicien, avaient fini par être mal vues de la Cour et par irriter le clan des musiciens de la Chapelle et de l'Académie, profondément hostiles à la musique nouvelle. A ces inimitiés sourdes vint bientôt se joindre le mécontentement des fonctionnaires de la maison du roi, qui, depuis le règne de Louis Ier, avaient accoutumé de s'attribuer les reliquats de la liste civile. Quand cette coterie de valets plus ou moins titrés entendit parler du projet d'un nouveau théâtre dont le plan d'après les idées de Wagner avait été dressé par l'architecte Semper (Semper qui fut lui aussi un artiste de génie), l'orage éclata. 

Les ennemis de Wagner ne surent qu'inventer pour l'éloigner. On ameuta contre lui la bêtise bourgeoise. Tous les jours on lisait dans les journaux de petites notes aigre-douces : A quoi bon un nouveau théâtre ? Munich n'avait-elle pas une scène magnifique, sur laquelle on avait joué avec succès Robert le Diable, le Trouvère, le Prophète et bien d'autres chefs-d'œuvre ? Ce théâtre ne suffisait donc plus à M. Wagner ? Ce n'était plus qu'une baraque bonne à démolir! Dépenser des millions pour élever une nouvelle salle où l'on n'entendrait que du Wagner ! Quelle plaisanterie ! 

Et cela suffit pour exaspérer le patriotisme local du bon peuple de Munich. 

On s'ingénia néanmoins à corser l'intrigue. Les deux partis qui se disputent la domination politique en Bavière se livraient, à ce moment, une lutte ardente. On imagina d'attribuer à l'influence de Wagner la tendance que manifestait le roi à favoriser plutôt le parti libéral-progressiste. 

Tant et si bien que, lorsque le roi, en décembre 1865, revint à Munich, de son château de Hohenschwangau, les esprits étaient montés à ce point qu'on .put craindre un instant des émeutes contre le roi et son favori. 

Devant ce déchaînement de haines stupides, Richard Wagner préféra partir et retourner en Suisse. Il fut convenu entre lui et le roi que, pour rétablir la tranquillité, son départ serait annoncé officiellement, mais sans que cet incident dût avoir aucune influence sur leurs relations. Il parut, en effet, une proclamation où le roi annonçait que pour " prouver que l'amour et la confiance de son peuple bien-aimé, il les plaçait au-dessus de tout ", le compositeur Richard Wagner avait été éloigné du pays. 

Cette proclamation ne resta pas sans protestation. Les Münchener Tageblätter publièrent la pièce suivante aussitôt après le départ de Wagner. C'est un document curieux : 

" En déclarant qu'il mettait au-dessus de tout l'amour et la confiance de son peuple bien-aimé, le Roi vient d'ordonner l'éloignement du compositeur  Richard Wagner.  

Ces mots nous prouvent clairement que l'on a fait accroire au Roi que la présence de Wagner avait contribué à l'émotion du peuple et avait diminue son amour et sa confiance dans le souverain. Par ces allégations, le Roi a été grossièrement trompé sur les véritables sentiments du peuple. 

La présence de Wagner n'a diminué en rien la confiance et l'amour du pays pour son Roi et l'éloignement, de Wagner n'a pas plus amené la pacification des esprits qu'elle n'a satisfait les mécontents.

La personne de Wagner n'a aucun rapport avec les affaires du pays et les tendances du parti progressiste. " 

On ne peut s'empêcher de sourire en relisant aujourd'hui les détails de cet incident tragi-comique, où l'intelligence souveraine d'un roi se trouva mise en échec; par la bêtise jalouse et les calculs mesquins d'une aristocratie bourgeoise et intéressée. 

Malgré cet incident, les relations entre Wagner et le roi restèrent franchement cordiales, et la preuve en est dans la vaste correspondance que les deux amis échangèrent pendant leur séparation. Peut-être publiera-t-on un jour cette correspondance. Mme Wagner conserve à Bayreuth les lettres de Louis II à son mari. On y trouverait difficilement trace d'un dissentiment sérieux. Du reste, chaque année, le roi se rendit incognito à Genève, à Zurich ou à Vevey pour y passer quelques jours avec Wagner.

M.Catulle Mendès, dans sa Lettre au roi de Thuringe, pamphlet médiocrement spirituel, que l'auteur du Roi Vierge fit paraître dans le Gil Blas à propos de l'interdiction de son roman en Bavière, M. Catulle Mendès raconte un incident analogue à celui que nous venons de rapporter et qui se serait produit à propos de la première du Rheingold, à Munich. Wagner n'avait consenti qu'à regret à cette exécution d'un fragment de la Tétralogie, mais le roi avait tant insisté qu'il avait été impossible de refuser. Or, il arriva, suivant M. Catulle Mendès, qu'en l'absence de Wagner la chose fut déplorablement mal montée. Le Rheingold avait été transformé en une ferblanterie du plus mauvais goût. Le lumineux pont de l'arc-en-ciel par où les dieux montent dans le Walhalla était une planche de sapin sur laquelle on avait collé du papier tricolore. Mauvaise volonté des gens de théâtre et de l'intendance, évidemment. Quoi qu'il en soit, Wagner vint à Munich et refusa absolument de laisser jouer son œuvre dans de pareilles conditions. Hans Richter, qui avait dirigé les répétitions, donna sa démission la veille de l'exécution, et l'un des principaux chanteurs disparut une heure avant la représentation. Celle-ci ne put avoir lieu et le Rheingold fut renvoyé à l'année suivante. 

M. Catulle Mendès, en racontant cette histoire, se met en scène. A l'en croire, c'est lui qui organisa la résistance, qui donna à Richter le conseil de quitter Munich après la répétition générale et qui fit disparaître le principal interprète le jour même de la représentation. C'est pour se venger de cette cabale, que Louis II, dix ans après, aurait interdit le Roi Vierge en Bavière. 

La puérile vanité du boulevardier en quête de bruit et du romancier blessé dans ses intérêts, a entraîné M. Catulle Mendès à des exagérations qui donnent à toute cette affaire un caractère de haute fantaisie. Il dit, par exemple, que Wagner fut expulsé de Munich et il ajoute : " Ceci dérange un peu la légende du jeune roi mélomane, éperdu de son musicien ! " La première du Rheingold ayant eu lieu en septembre 1869, tout ceci aurait dû se passer en 1868. Or, voici ce que Wagner écrit à feu le professeur Nohl, à la date du 14 novembre 1868 : 

" Je suis en ce moment vis-à-vis du Roi dans une situation des plus difficiles, parce que je lui ai fait connaître mon inébranlable résolution de me tenir éloigné de Munich pendant plusieurs années pour achever mes travaux commencés. Pour expliquer cette résolution, je n'ai pu invoquer devant lui que mon état d'âme, car je sais bien que si je lui avais aussi fait connaître pourquoi je suis mécontent de l'état des choses artistiques à Munich et de l'esprit dans lequel on exécute mes projets, j'aurais été de nouveau entraîné dans cet engrenage d'impossibilités et de compétitions avec lesquelles, étant donnés nos caractères, on ne saurait aboutir qu'à des dissentiments et peut-être à la perte de ce qui a été si difficilement conquis. J'ai prié le Roi de m'accorder une entrevue personnelle, et j'espère pouvoir bientôt lui parler cordialement (im herrlichem Tone) de vous et de vos projets. "

Dans une autre lettre au même, en date du 11 janvier 1869, il revient sur les mêmes sentiments. Il se plaint amèrement des hostilités contre lesquelles il a à lutter à Munich, mais nulle part on ne trouve- rait un mot trahissant la moindre irritation contre le royal ami. 

Il n'ignorait pas et il dit nettement dans cette lettre qu'on faisait alors à Munich des efforts inouïs pour amener une rupture, mais ces efforts n'eurent aucun succès. On profita même de la publication, en seconde édition, de la célèbre brochure sur le Judaïsme dans la musique pour tenter de lui enlever la pension payée par le roi. Celui-ci refusa énergiquement. Lorsqu'enfin, en septembre 1869, la première du Rheingold eut lieu effectivement dans les conditions (3) que rappelle M. Catulle Mendès, Wagner partit de Munich dans un état d'irritation qui se conçoit ; mais il n'en conçut aucune inimitié contre le roi, parce qu'il se doutait bien que celui-ci devait ignorer toutes les intrigues et les petites cabales ourdies par son entourage contre le malheureux compositeur. 

Quoi qu'il en soit, et en dépit du bruit répandu alors que le roi et Wagner étaient brouillés, leurs relations restèrent aussi amicales que précédemment. Les événements politiques de 1870-71 amenèrent,cela va sans dire, un arrêt dans l'exécution de leurs projets communs. Mais, aussitôt après, ils les reprirent et  l'on sait la part personnelle que Louis II prit à l'érection du théâtre de Bayreuth, où la Rénovation théâtrale arriva à son apogée. 

On se rappelle, du reste, la pieuse démarche du roi après la mort de Wagner. Seul, il se rendit à Bayreuth le lendemain des funérailles et vint déposer des fleurs sur la tombe de celui qu'il avait placé si haut dans son affection. Ce trait dit tout ce qu'il y avait d'élevé et de profondément délicat dans cette amitié qui, pendant près de vingt ans, unit le plus grand compositeur du siècle et le souverain qui eut pu empêcher l'unité allemande s'il l'avait voulu et s'il n'avait compris en homme supérieur, en philosophe et en penseur ses devoirs de roi. 

Touchante et romanesque figure, d'autant plus séduisante que, sous l'apparence brillante d'une existence princière se cachèrent les tristesses d'un cœur épris de grandes choses, mais impuissant à réaliser son idéal au milieu des ennuis d'une charge offrant généralement plus de souci que d'agrément à ceux qui en sont revêtus. 

Le nom de Louis II vivra inséparable de celui de Wagner. 

Maurice Kufferath 

(1) Le chef d'orchestre bien connu qui, après avoir dirigé l'Opéra de Stuttgart, fut ensuite appelé à l'Opéra de Berlin. 
(2) La première édition contient seule cette pièce de vers, qui se trouve reproduite dans les Gesammelte Schriften, Wagner la fit disparaître dans l'édition définitive de la Tétralogie, qui porte une dédicace générale à Louis II.
(3) En l'absence de M. de Bulow, qui se dit malade, et de Richter qui refusa de diriger, ce fut M. Wüllner qui entreprit de conduire cette première.  "

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