Idoménée et Electre. Photo Wolfgang Silveri |
Le débat sur le théâtre de régie à l'allemande n'est pas neuf. Il a en Allemagne ses défenseurs enthousiastes comme ses détracteurs acharnés. Sans vouloir entrer ici au coeur de la discussion, on peut peut-être se contenter de constater le verdict du public pour telle ou telle production, et dans le cas de l'Idomeneo mis en scène par Benedikt von Peter en mai 2011 et qui en est aujourd'hui à sa dixième représentation, le public joue les abonnés absents. Qui plus est, si la salle n'est pas pleine, ses rangs se clairsèment encore davantage après l'entracte.
Benedikt von Peter ne se contente pas de prendre des libertés avec le livret comme c'est souvent l'habitude dans le théâtre de régie, il le chamboule par une mise en perspective temporelle , et, de plus, s'attaque aussi à la musique de Mozart à laquelle il ajoute des bruitages sonores évoquant les déchaînements d'une tempête marine. On se souvient du fameux reproche adressé par Joseph II à Mozart dans l'Amadeus de Milos Forman: Il y a trop de notes!, une fadaise à laquelle Mozart répond avec sa brillante impertinence: Lesquelles, Sire? Dans l'Idomeo de Benedikt von Peter, il y a trop de bruit et de fureur météorologiques, et il ne faut hélas pas être grand mélomane pour identifier ces sons superflus.
Le metteur en scène rhénan fait le choix de supprimer deux personnages secondaires, Arbaces et la Grand Prêtre, et de redistribuer leurs répliques qu'il place dans la bouche d'autres personnages. Un choix à l'esthétique discutable et discutée, auquel il ajoute la complexification d'une nouvelle perspective temporelle. Dans l'opéra de von Peter, au début de l'action, Idamante et Ilia sont mariés depuis quelques années et de leur union est né un garçon déjà en âge de jouer avec le modèle réduit d'un trois-mats qu'il s'amuse à faire naviguer sur une mare. Idoménée campe un grand-père hanté par son histoire et ressasse sans cesse sa tragique histoire qui se matérialise sous son regard hagard. Ainsi les couloirs mozartiens du temps passé s'entremêlent-ils au présent ajouté par le metteur en scène.
L'espace scénique est tout entier occupé par le plancher incurvé du pont d'un navire échoué, effondré en son centre. L'effondrement forme un trou d'eau, la mare sur laquelle l'enfant lance son bateau, et où viennent aussi patauger chanteurs et figurants, une mare dans laquelle Electre viendra se noyer et flotter comme une sombre Ophélie. Un grand miroir incliné pend du cintre au-dessus de la mare qu'il reflète pour le public, offrant une nouvelle perspective ingénieuse. Au début de l'opéra, le choeur est installé sur une soixantaine de chaises placées sur le plancher du pont du navire, miroir lui-même du public auquel il fait face. Ce jeu de perspective et de mise en abyme, ce double miroir, permet au public de s'identifier aisément au choeur et le rapproche du coeur du drame. Plus tard les chaises seront déplacées ou brandies par le choeur au gré des fureurs de Neptune, un dieu courroucé et vengeur indifférent à la souffrance d'une humanité soumise et terrifiée. L'art du metteur en scène est ici indéniable, les mouvements chorégraphés des figurants sont des plus réussis et ajoutent à l'intensité dramatique. On applaudit de même sa remarquable direction d'acteurs: sur le plan théâtral Erika Roos campe puissamment quoique sans nuances la folie d'Electre et Rainer Trost habite magnifiquement un Idoménée hanté par son passé.
Erika Roos fait davantage impression par ses talents de comédienne que de chanteuse, elle recueille le succès attendu décerné par la fidèle clientèle d'habitués typique du théâtre de répertoire joué par une troupe qui a ses inconditionnels, mais la chanteuse suédoise n'atteint jamais au soprano dramatique qu'exige le rôle. C'est Rainer Trost qui sauve en fait la soirée du naufrage programmé et sa performance d'excellent ténor mozartien nous ramène constamment à l'essentiel de la musique que s'acharne à vouloir nous faire oublier la mise en scène. Au pupitre, on imagine que Patrick Lange, un amoureux de la musique de Mozart, pourrait obtenir davantage de l'orchestre dans un autre contexte scénique.
Une soirée paradoxale, avec une mise en scène aux qualités indéniables qui pâtit d'un trop-plein d'idées, au point d'en étouffer la musique.
Prochaine représentation au Komische Oper de Berlin: le 1er juillet 2012
L'espace scénique est tout entier occupé par le plancher incurvé du pont d'un navire échoué, effondré en son centre. L'effondrement forme un trou d'eau, la mare sur laquelle l'enfant lance son bateau, et où viennent aussi patauger chanteurs et figurants, une mare dans laquelle Electre viendra se noyer et flotter comme une sombre Ophélie. Un grand miroir incliné pend du cintre au-dessus de la mare qu'il reflète pour le public, offrant une nouvelle perspective ingénieuse. Au début de l'opéra, le choeur est installé sur une soixantaine de chaises placées sur le plancher du pont du navire, miroir lui-même du public auquel il fait face. Ce jeu de perspective et de mise en abyme, ce double miroir, permet au public de s'identifier aisément au choeur et le rapproche du coeur du drame. Plus tard les chaises seront déplacées ou brandies par le choeur au gré des fureurs de Neptune, un dieu courroucé et vengeur indifférent à la souffrance d'une humanité soumise et terrifiée. L'art du metteur en scène est ici indéniable, les mouvements chorégraphés des figurants sont des plus réussis et ajoutent à l'intensité dramatique. On applaudit de même sa remarquable direction d'acteurs: sur le plan théâtral Erika Roos campe puissamment quoique sans nuances la folie d'Electre et Rainer Trost habite magnifiquement un Idoménée hanté par son passé.
Erika Roos fait davantage impression par ses talents de comédienne que de chanteuse, elle recueille le succès attendu décerné par la fidèle clientèle d'habitués typique du théâtre de répertoire joué par une troupe qui a ses inconditionnels, mais la chanteuse suédoise n'atteint jamais au soprano dramatique qu'exige le rôle. C'est Rainer Trost qui sauve en fait la soirée du naufrage programmé et sa performance d'excellent ténor mozartien nous ramène constamment à l'essentiel de la musique que s'acharne à vouloir nous faire oublier la mise en scène. Au pupitre, on imagine que Patrick Lange, un amoureux de la musique de Mozart, pourrait obtenir davantage de l'orchestre dans un autre contexte scénique.
Une soirée paradoxale, avec une mise en scène aux qualités indéniables qui pâtit d'un trop-plein d'idées, au point d'en étouffer la musique.
Prochaine représentation au Komische Oper de Berlin: le 1er juillet 2012
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