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mardi 2 décembre 2025

Zampa ou la fiancée de marbre de Ferdinand Hérold au Prinzregententheater de Munich

Erik Nielsen

L'Orchestre de la Radio de Munich et le Chœur de la Radio bavaroise, en partenariat avec le Palazzetto Bru Zane,  ont fait résonner avec éclat les accents sonores de l'opéra Zampa ou la fiancée de marbre de Ferdinand Hérold au Théâtre munichois du Prince Régent, une salle réputée pour la beauté de son architecture en amphithéâtre et sa merveilleuse acoustique. L'opéra est chanté en version concert, ce qui présente pour le public le grand avantage de pouvoir se concentrer sur la musique et sur le livret et d'apprécier la composition qui combine l'art de l'harmonie française et celui de la mélodie italienne. C'est que Ferdinand Hérold (1791-1833) remporta à 21 ans, le prestigieux Prix de Rome, assorti d'une bourse d'études à la Villa Médicis. Hérold demeura en Italie plusieurs années, travailla à Naples comme pianiste de cour, ce qui lui donna l'occasion de fréquenter le bouillonnant milieu musical italien du début du 19ème siècle. Dans Zampa, créé en 1831, on entend notamment des passages d'inspiration bellinienne ou rossinienne. 

Hélène Carpentier (Camille)

Avec Zampa, le compositeur français Ferdinand Hérold a connu son plus grand succès lyrique. L'opéra fut joué plus de 700 fois à l'Opéra-Comique de Paris. Après sa première à Paris en 1831, l'œuvre est également devenue populaire en Allemagne et en Italie. Dès l'ouverture, Hérold déclenche un feu d'artifice musical qui se poursuit dans des solos contrastés et de grands ensembles. Les emprunts à l'intrigue du Don Giovanni de Mozart garantissent un plaisir malicieux : une statue de pierre précipite le pirate et séducteur sans scrupules Zampa dans l'abîme pour le punir. 

Julien Henric (Zampa)

Erik Nielsen impulse à l'orchestre une direction énergique et fougueuse, mais cultive à la fois un art des nuances qui transmet tout en souplesse les beautés de la partition, une exécution irréprochable et chaleureuse qui fit le ravissement du public installé dans une salle aussi musicale, où l'on se sent de toutes parts enveloppé du fluide harmonique, et où les sons éclataient et étincelaient comme les feux d'un bouquet d'artifice. La musique de Hérold atteint en plusieurs endroits le grand souffle et le style dramatique et réussit tout aussi bien dans les parties gracieuses et légères avec de jolies mélodies parsemées çà et là. On entend ici des formes d'accompagnement piquantes et là les dessins de violons pleins d'élégance ! Zampa est comme un pot-pourri musical avec diverses sources d'inspiration, dont même l'inspiration religieuse : la prière à trois voix de femmes qui ouvre le second acte, l'introduction instrumentale qui la précède, la ballade même du premier acte sont empreintes de couleur religieuse. Les qualités de la composition l'emportent de loin sur les vers du livret qui pèchent souvent par leur platitude. Hérold a réussi un opéra comico-sérieux : les personnages secondaires, Ritta, Daniel et Dandolo portent la partie comique qui s'intègre dans l'intrigue tragique principale. Les grandes émotions et les moments lyriques côtoient des bouffonneries pleines de verve. Et comme souvent dans les opéras comiques, le chant est interrompu par des scènes en dialogues.

Héloïse Mas (Ritta)

Le choeur apporte une contribution brillante à l'opéra, on a pu apprécier la qualité de sa diction française. Le rôle de Camille est tenu par Hélène Carpentier, qui lui confère beaucoup de charme et de douceur avec une belle agilité vocale. La soprano séduit par la joliesse et l'ampleur de son cantabile et par la richesse de ses coloratures ornementales. Dans le rôle de Ritta, qu'elle interprète avec beaucoup d'expressivité, Héloïse Mas combine une présence scénique intense, des talents de comédienne et le velouté voluptueux de son mezzo-soprano au timbre profond et à la générosité charismatique. “Révélation, artiste lyrique” des Victoires de la musique classique 2025, le ténor lyrique Julien Henric apporte sa large tessiture au personnage de Zampa, un rôle dont l'étendue va du sol grave baryton au contre-ré ténor. Son chant est tellement convaincant et sa prestance tellement avenante que l'on comprend aisément l'étendue des succès amoureux de son personnage dont on ne perçoit pas la nature fondamentalement pernicieuse. Ce forban à un charisme à damner une nonne.  Le ténor Cyrille Dubois fournit un Alphonse de Monza intense, fougueux et palpitant comme un Grand Prix, un être décidé à aller au combat sinon même au martyre pour défendre son amour. Dans la barcarolle que prélude la clarinette, où il prend les traits d'un gondolier, son chant accompagné de la harpe est à faire pleurer les anges : « Où vas-tu, pauvre gondolier ? ». Quatre ténors sinon rien ! Les deux rôles comiques secondaires sont eux aussi tenus par deux ténors : François Rougier, membre de la troupe Favart de l'Opéra-Comique, chante Daniel Capuzzi, le timonier de Zampa, auquel il annoncera qu'il démissionne de ses fonctions pour reprendre la vie conjugale avec Ritta  et le belge Pierre Derhet qui impressionne en Dandolo par sa voix claire et puissante et la beauté de son vibrato.

Cyrille Dubois (Alphonse) et Hélène Carpentier (Camille)

Le succès de la soirée fut total. La musique de Hérold a de telles séductions que l'on souhaiterait revoir bientôt cet opéra en version scénique, surtout lorsqu'il est exécuté avec autant d'ensemble, de vigueur et d'entrain par les interprètes hors-pair qui nous ont offert une incomparable soirée.

Choeur de la Radio bavaroise


Distribution du 30 novembre 2025

Hélène Carpentier, soprano, Camille
Héloïse Mas, mezzo-soprano, Ritta
Pierre Derhet, ténor, Dandolo
Julien Henric, ténor, Zampa
Cyrille Dubois, ténor, Alphonse de Monza
François Rougier, ténor, Daniel
Lukas Mayr, baryton

Chœur de la Radio bavaroise
Orchestre de la Radio de Munich
Erik Nielsen, direction d'orchestre
Stellario Fagone, préparation du choeur

Crédit photographique © Ralf Wilschewski / Müunchen Rundfunkorchester

Audio à la demande Zampa est disponible à l'audition en ligne jusqu'au 29 décembre 2025 sur le site du Münchner Rundfunkorchester, cliquer ici. La page propose aussi le libretto en version bilingue français/allemand.

Article précédent sur le sujet : cliquer ici

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