En ouverture de saison, l'Orchestre Symphonique de Munich (Münchner Symphoniker) vient de célébrer au Prinzregententheater son 80ème anniversaire avec un programme de musiques américaines intitulé Uncommon Woman, un programme qui met l'accent sur deux œuvres de compositrices américaines, deux femmes hors du commun, auxquelles vient se joindre un concerto pour violon du compositeur Samuel Barber interprété par cette autre femme exceptionnelle qu'est la violoniste Arabella Steinbacher. Le choix du théâtre du Prince Régent était un choix obligé : c'est ici qu'eut lieu en 1945 le premier concert de la célèbre formation munichoise.
80 ans de Münchner Symphoniker
Orchestre symphonique de Munich
© Peter von Felbert
Ce 7 octobre, la soirée festive s'est ouverte avec quelques discours au cours desquels furent évoqués 80 ans d'histoire musicale, 80 ans de passion, 80 ans d'engagement envers le paysage culturel munichois. À tout Seigneur tout honneur, les laudations ont aussi porté sur les institutions et les personnalités qui ont soutenu et continuent de soutenir l'orchestre par leur mécénat. Le charismatique directeur musical de l'orchestre Joseph Bastian de l'orchestre clôtura en conviant le public à entonner le chant anglophone le plus chanté au monde : l'Happy Birthday to You, un chant d'origine américaine dérivé du Good morning to all des soeurs américaines Patty et Mildred Hill. Ce chant fut pour la première fois imprimé en 1912.
À l'été 1945, peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le jeune chef d'orchestre et compositeur Kurt Graunke fonde un nouvel orchestre, qui fait sa première apparition publique au Prinzregententheater le 25 septembre sous le nom de « Kurt Graunke et ses solistes ». L'orchestre est depuis longtemps devenu " le son de la ville ", se produisant dans les plus grandes salles de concert munichoises (Isarphilharmonie, Prinzregententheater, Herkulessaal), ainsi que dans les clubs, l'Olympiahalle avec ses concerts de musique de film et d'autres lieux de concert exceptionnels. En bref : l'Orchestre Symphonique de Munich est devenu un élément incontournable de la vie culturelle munichoise.
Aujourd'hui l'Orchestre Symphonique de Munich se considère comme résolument engagé vers l'avenir, non seulement sur scène, mais aussi dans la construction d'un paysage culturel inclusif et durable. En tant qu'« Orchestre du changement », son engagement en faveur du développement durable est également un élément central de son identité. Une constante importante demeure cependant : il y a une semaine, l'orchestre a annoncé la prolongation anticipée du mandat de son chef principal et directeur artistique, Joseph Bastian, pour quatre années supplémentaires. Joseph Bastian préside aux destinées de l'orchestre depuis 2023.
Joseph Bastian |
La soirée a commencé en fanfare avec la sixième fanfare pour la femme hors du commun, Sixth Fanfare for the Uncommon Woman de Joan Tower.
Photo © George Quasha |
Les cinq premières Fanfare for the Uncommon Woman furent composées entre 1987 et 1993. Elles furent commandées par Absolut Vodka pour divers orchestres américains et connurent leur première mondiale par l' Orchestre symphonique de Houston sous la direction de Hans Vonk . Il s'agit d'une une série de six courtes compositions, ou « parties » d'une composition qui dure au total 25 minutes. La sixième partie fut composée vingt et un ans plus tard, en 2014. Ces fanfares rendent hommage aux « femmes qui osent et sont aventureuses », chacune étant dédiée à une femme inspirante de la musique. La sixième Fanfare a été écrite en 2014 pour piano solo, puis adaptée pour orchestre en 2016. Elle a été créée par l' Orchestre symphonique de Baltimore sous la direction de Marin Alsop. D'une durée d'environ 5 minutes et 30 secondes, elle est dédiée à la compositrice Tania Leon .
Photo Carl van Vechten (1944) |
En 1939, l'industriel de Philadelphie Samuel Simeon Fels commanda à Barber un concerto pour violon destiné à son pupille, Iso Briselli , diplômé du Curtis Institute of Music la même année que Barber, en 1934. Briselli renonça cependant à l'interpréter, estimant le troisième mouvement trop difficile. L'œuvre fut créée en privé début 1940. Suite à cette interprétation, Eugene Ormandy en programma la première officielle lors de deux représentations avec l' Orchestre de Philadelphie à l' Academy of Music en février 1941. Ces représentations furent suivies le 11 février 1941 par une reprise au Carnegie Hall . Dès lors, l'œuvre entra rapidement dans le répertoire standard pour violon et orchestre, devenant l'un des concertos les plus joués du XXème siècle.
Le concerto est écrit pour deux flûtes, hautbois, clarinettes, bassons, cors et trompettes ; timbales , caisse claire , piano et cordes. Les trois mouvements (Allegro, Andante et Presto en perpetuum mobile) ont été commentés par Barber de la manière suivante ;
Le premier mouvement, allegro molto moderato, débute par un premier sujet lyrique annoncé d'emblée par le violon solo, sans introduction orchestrale. Dans son ensemble, ce mouvement s'apparente peut-être davantage à une sonate qu'à un concerto. Le second mouvement, andante sostenuto, est introduit par un long solo de hautbois. Le violon entre avec un thème contrasté et rhapsodique, après quoi il reprend la mélodie du hautbois du début. Le dernier mouvement, un perpetuum mobile , exploite le caractère plus brillant et virtuose du violon.
Arabella Steinbacher |
Le Münchner Symphoniker et la violoniste virtuose Arabella Steinbacher ont transmué l'exécution de ce concert en un pur enchantement. La violoniste joue sa partie de mémoire et en donne une interprétation épastrouillante. La perfection de sa technique et sa force expressive flamboyante emportent toutes les adhésions. Joseph Bastian en donne une direction inspirée, au cours de laquelle il s'entend à mettre en valeur les différents instrumentistes. Des applaudissements nourris ont entraîné un rappel que la violoniste a honoré avec le solo pour violon du premier mouvement d'une sonate pour violon de Prokofiev. Arabella Steinbacher a été honorée du prêt de deux violons prestigieux grâce au mécénat d'une fondation suisse : un Stradivarius crémonais de 1718 et le Violon Sainton » de Guarneri del Gesù (Crémone, 1744).
Florence Price - Symphonie n° 1 en mi mineur
Photo Georges Nelidoff |
L’œuvre remporta en 1932 le prix Rodman Wanamaker (de 500 dollars) et la partition fut créée l'année suivante, le 15 juin 1933, par l'Orchestre symphonique de Chicago dirigé par Frederick Stock, durant l'exposition universelle de 1933. Le Chicago Daily News qualifia la symphonie comme étant « une œuvre impeccable qui proclame son propre message avec retenue et passion ». Et ce message musical a su clairement intégrer des éléments afro-américains. Florence Price fut une compositrice dont on découvrit récemment l'abondance de la moisson musicale : plus de 300 compositions qui seraient pour beaucoup tombées dans l'oubli, n'eût été la découverte récente, en 2009, de nombreuses partitions dans le grenier de sa maison de Chicago.
Outre l'intégration d'éléments issus de la culture musicale afro-américaine (danse juba, spirituals), on discerne aisément l'influence de la Symphonie du Nouveau Monde d'Antonín Dvořák que Price avait étudiée en profondeur. À l'instar de Dvořák dont l'oeuvre élève un monument à la Tchéquie, Price a su créer une oeuvre nationale américaine, une oeuvre inclusive. La symphonie fait appel à un nombre impressionnant de percussions : timbales, grosse caisse, cymbales Célesta, « Carillons de la cathédrale », triangle, grand tambour africain, petit tambour africain, Glockenspiel, sifflet à vent et caisse claire. La plupart des interprétations utilisent des cloches tubulaires pour rendre les sonorités des cloches de la cathédrale. Ce fut aussi le cas pour celle du Münchner Symphoniker.
La fête jubilaire du Münchner Symphoniker a remporté un énorme succès et laisse présager bien des lendemains qui chantent, d'autant que l'entente entre Joseph Bastian et l'orchestre est évidente, ce qui constitue un gage de succès.
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