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mercredi 8 octobre 2025

Uncommon Woman en ouverture de saison du Münchner Symphoniker qui fête son 80ème anniversaire


En ouverture de saison, l'Orchestre Symphonique de Munich (Münchner Symphoniker) vient de célébrer au Prinzregententheater son 80ème anniversaire avec un programme de musiques américaines intitulé Uncommon Woman, un programme qui met l'accent sur deux œuvres de compositrices américaines, deux femmes hors du commun, auxquelles vient se joindre un concerto pour violon du compositeur Samuel Barber interprété par cette autre femme exceptionnelle qu'est la violoniste Arabella Steinbacher. Le choix du théâtre du Prince Régent était un choix obligé : c'est ici qu'eut lieu en 1945 le premier concert de la célèbre formation munichoise.

Photo © Andreas Hausotter

80 ans de Münchner Symphoniker

L'Orchestre Symphonique de Munich Saison 2022-23

Orchestre symphonique de Munich

© Peter von Felbert

Ce 7 octobre, la soirée festive s'est ouverte avec quelques discours au cours desquels furent évoqués 80 ans d'histoire musicale, 80 ans de passion, 80 ans d'engagement envers le paysage culturel munichois. À tout Seigneur tout honneur, les laudations ont aussi porté sur les institutions et les personnalités qui ont soutenu et continuent de soutenir l'orchestre par leur mécénat. Le charismatique directeur musical de l'orchestre Joseph Bastian de l'orchestre clôtura en conviant le public à entonner le chant anglophone le plus chanté au monde : l'Happy Birthday to You, un chant d'origine américaine dérivé du Good morning to all des soeurs américaines Patty et Mildred Hill. Ce chant fut pour la première fois imprimé en 1912. 

À l'été 1945, peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le jeune chef d'orchestre et compositeur Kurt Graunke fonde un nouvel orchestre, qui fait sa première apparition publique au  Prinzregententheater le 25 septembre sous le nom de « Kurt Graunke et ses solistes ». L'orchestre est depuis longtemps devenu " le son de la ville ", se produisant dans les plus grandes salles de concert munichoises (Isarphilharmonie, Prinzregententheater, Herkulessaal), ainsi que dans les clubs, l'Olympiahalle avec ses concerts de musique de film et d'autres lieux de concert exceptionnels. En bref : l'Orchestre Symphonique de Munich est devenu un élément incontournable de la vie culturelle munichoise.

Aujourd'hui l'Orchestre Symphonique de Munich se considère comme résolument  engagé vers l'avenir, non seulement sur scène, mais aussi dans la construction d'un paysage culturel inclusif et durable. En tant qu'« Orchestre du changement », son engagement en faveur du développement durable est  également un élément central de son identité. Une constante importante demeure cependant : il y a une semaine, l'orchestre a annoncé la prolongation anticipée du mandat de son chef principal et directeur artistique, Joseph Bastian, pour quatre années supplémentaires. Joseph Bastian préside aux destinées de l'orchestre depuis 2023.

Uncommon Woman

Joseph Bastian
Connu pour sa force d'innovation et sa diversité artistique, l'orchestre a conçu pour l'ouverture de la saison un programme alliant tradition et avenir. Le chef principal Joseph Bastian explique : « Nous célébrons naturellement avec une musique qui le caractérise particulièrement.» Au fil des ans, l'Orchestre Symphonique de Munich s'est fait connaître non seulement pour ses séries de concerts, mais aussi pour ses enregistrements exceptionnels de plus de 500 musiques de film. Un aspect central du concert est la présence accrue de compositrices, que l'orchestre recherche depuis un certain temps. « Nous célébrons notre concert anniversaire non seulement avec l'une de nos solistes habituelles, mais aussi avec des compositrices extrêmement talentueuses », déclare Bastian. Cette curiosité musicale et cette volonté de découvrir de nouvelles voix reflètent l'essence vibrante de l'orchestre et témoignent clairement de la diversité et de la variété artistique. La diversité était bien au cœur du programme : deux femmes dont la première compositrice de symphonie afro-américaine et un concerto de Samuel Barber, un compositeur homosexuel qui entretint une relation de longue date avec un autre compositeur italien naturalisé américain, Giancarlo Menotti. Et dans l'orchestre on aperçoit le groupe des contrebassistes, trois femmes et un homme, ce qui laisse rêveur vu la taille de l'instrument. Et l'énorme tuba est lui aussi desservi par une femme.

Joan Tower — Fanfare for the Uncommon Woman

La soirée a commencé en fanfare avec la sixième fanfare pour la femme hors du commun, Sixth Fanfare for the Uncommon Woman de Joan Tower.

Photo © George Quasha
Joan Tower, née en septembre 1938, est une compositrice, pianiste de concert et cheffe d'orchestre américaine contemporaine, lauréate d'un Grammy AwardElle commença à composer dans les années 1960, à une époque où le monde musical était dominé par les hommes. La compositrice se fit connaître à l'international avec sa  sa première composition orchestrale, Sequoia (1981), un poème symphonique qui dépeint structurellement un arbre géant du tronc aux aiguilles. Parmi ses autres œuvres instrumentales, les Fanfare for the Uncommon Woman  constituent une sorte de réponse et de pendant à Fanfare for the Common Man d' Aaron Copland.

Les cinq premières Fanfare for the Uncommon Woman furent composées entre 1987 et 1993. Elles furent commandées par Absolut Vodka pour  divers orchestres américains et connurent leur première mondiale par l' Orchestre symphonique de Houston sous la direction de Hans Vonk . Il s'agit d'une une série de six courtes compositions, ou « parties » d'une composition qui dure au total  25 minutes. La sixième partie fut composée vingt et un ans plus tard, en 2014.  Ces fanfares rendent hommage aux « femmes qui osent et sont aventureuses », chacune étant dédiée à une femme inspirante de la musique. La sixième Fanfare a été écrite en 2014 pour piano solo, puis adaptée pour orchestre en 2016. Elle a été créée par l' Orchestre symphonique de Baltimore sous la direction de Marin Alsop. D'une durée d'environ 5 minutes et 30 secondes, elle est dédiée à la compositrice Tania Leon .

Samuel Barber — Concert pour violon et orchestre op. 14

Photo Carl van Vechten (1944)
Samuel Osmond Barber II (1910 - 1981) fut l'un des compositeurs les plus célèbres du milieu du XXème siècle. Sa musique de Barber évite généralement les tendances expérimentales du modernisme musical pour privilégier le  langage harmonique traditionnel du XIXème siècle et de la structure formelle englobant le lyrisme et l'expression émotionnelle. 

En 1939, l'industriel de Philadelphie Samuel Simeon Fels commanda à Barber un concerto pour violon destiné à son pupille, Iso Briselli , diplômé du Curtis Institute of Music la même année que Barber, en 1934. Briselli renonça cependant à l'interpréter, estimant le troisième mouvement trop difficile. L'œuvre fut créée en privé début 1940. Suite à cette interprétation, Eugene Ormandy en programma la première officielle lors de deux représentations avec l' Orchestre de Philadelphie à l' Academy of Music en février 1941. Ces représentations furent suivies le 11 février 1941 par une reprise au Carnegie Hall . Dès lors, l'œuvre entra rapidement dans le répertoire standard pour violon et orchestre, devenant l'un des concertos les plus joués du XXème siècle.

Le concerto est écrit pour deux flûtes, hautbois, clarinettes, bassons, cors et trompettes ; timbales , caisse claire , piano et cordes. Les trois mouvements (Allegro, Andante et Presto en perpetuum mobile) ont été commentés par Barber de la manière suivante ; 

Le premier mouvement, allegro molto moderato, débute par un premier sujet lyrique annoncé d'emblée par le violon solo, sans introduction orchestrale. Dans son ensemble, ce mouvement s'apparente peut-être davantage à une sonate qu'à un concerto. Le second mouvement, andante sostenuto, est introduit par un long solo de hautbois. Le violon entre avec un thème contrasté et rhapsodique, après quoi il reprend la mélodie du hautbois du début. Le dernier mouvement, un perpetuum mobile , exploite le caractère plus brillant et virtuose du violon.
 
Arabella Steinbacher
Le Münchner Symphoniker et la violoniste virtuose Arabella Steinbacher ont transmué l'exécution de ce concert en un pur enchantement. La violoniste joue sa partie de mémoire et en donne une interprétation épastrouillante. La perfection de sa technique et sa force expressive flamboyante emportent toutes les adhésions. Joseph Bastian en donne une direction inspirée, au cours de laquelle il s'entend à mettre en valeur les différents instrumentistes. Des applaudissements nourris ont entraîné un rappel que la violoniste a honoré avec le solo pour violon du premier mouvement d'une sonate pour violon de Prokofiev. Arabella Steinbacher a été honorée du prêt de deux violons prestigieux grâce au mécénat d'une fondation suisse : un Stradivarius crémonais de 1718 et le Violon Sainton » de Guarneri del Gesù (Crémone, 1744).


Florence Price - Symphonie n° 1 en mi mineur

Photo Georges Nelidoff
Florence Price est née en 1877 en Arkansas
. Douée d'un talent extraordinaire elle rencontra cependant des difficultés à s'affirmer comme musicienne. Elle est femme et elle est afro-américaine, alors deux obstacles dans la course au succès. Aux temps de sa formation, les femmes afro-américaines se voyaient refuser l'accès à l'université et les lois ségrégationnistes interdisaient l'accès au travail dans l'État d'Arkansas. Florence Price put s'inscrire à Boston en se faisant passer pour Mexicaine. Mais le talent finit par l'emporter et finit par couronner la compositrice à qui l'on doit la première symphonie de l'histoire écrite par une femme afro-américaine.

L’œuvre remporta en 1932 le prix Rodman Wanamaker (de 500 dollars) et la partition fut créée l'année suivante, le 15 juin 1933, par l'Orchestre symphonique de Chicago dirigé par Frederick Stock, durant l'exposition universelle de 1933. Le Chicago Daily News qualifia la symphonie comme étant « une œuvre impeccable qui proclame son propre message avec retenue et passion ». Et ce message musical a su clairement intégrer des éléments afro-américains. Florence Price fut une compositrice dont on découvrit récemment l'abondance de la moisson musicale : plus de 300 compositions qui seraient pour beaucoup tombées dans l'oubli, n'eût été la découverte récente, en 2009, de nombreuses partitions dans le grenier de sa maison de Chicago.

Outre l'intégration d'éléments issus de la culture musicale afro-américaine (danse juba, spirituals), on discerne aisément l'influence de la Symphonie du Nouveau Monde d'Antonín Dvořák que Price avait étudiée en  profondeur. À l'instar de Dvořák dont l'oeuvre élève un monument à la Tchéquie, Price a su créer une oeuvre nationale américaine, une oeuvre inclusive. La symphonie fait appel à un nombre impressionnant de percussions : timbales, grosse caisse, cymbales Célesta, « Carillons de la cathédrale », triangle, grand tambour africain, petit tambour africain, Glockenspiel, sifflet à vent et caisse claire. La plupart des interprétations utilisent des cloches tubulaires pour rendre les sonorités des cloches de la cathédrale. Ce fut aussi le cas pour celle du Münchner Symphoniker.

La fête jubilaire du Münchner Symphoniker a remporté un énorme succès et laisse présager bien des lendemains qui chantent, d'autant que l'entente entre Joseph Bastian et l'orchestre est évidente, ce qui constitue un gage de succès.

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