![]() |
Verity Wingate, Nicholas Carter, Münchner Rundfunkorchester Photo personnelle |
L'Orchestre de la radio de Munich a donné son premier concert du dimanche de la saison au Prinzregententheater avec pour thème des sons transatlantiques. Au programme trois compositeurs majeurs du XXe siècle, originaires d'Angleterre et des États-Unis, avec des musiques qui évoquent des paysages et des personnages des deux côtés de l'Atlantique.
Les Four Sea Interludes (Op. 33a), basés sur un poème de George Crabbe, sont une suite orchestrale du compositeur britannique Benjamin Britten, écrite en 1944 pour orchestre et inspirée des interludes de son opéra à succès Peter Grimes. Les « Quatre interludes marins » dépeignent des scènes maritimes et le récit de l'opéra. Leur fonction dans l'opéra était de faire avancer l'intrigue et de permettre les changements de scène, la mer jouant le rôle d'un personnage à part entière.
Knoxville : Sommer of 1915, une mélodie orchestrale de Samuel Barber, décrit une soirée mélancolique du point de vue d'un jeune garçon, tandis que la scène finale de la mort extraite de l'opéra Antony and Cleopatra marque la fin d'un grand amour.
Même sans paroles chantées, la musique peut parler et se montrer particulièrement obsédante tant dans les Four Sea interludes de Benjamin Britten que dans dans la Symphonie n° 5 de Ralph Vaughan Williams, qui s'éteint paisiblement. « Tout va bien en ce monde » serait le sentiment exprimé par le finale de la Symphonie n° 5 de Ralph Vaughan Williams selon feu le chef d'orchestre Sir Roger Norrington. L'œuvre fut composée en pleine Seconde Guerre mondiale. Mais Vaughan Williams était très singulier, interprétant les traditions à sa manière.
Ce premier concert a à nouveau signalé les exceptionnelles qualités du Münchner Rundfunkorchter. Le chef australien Nicholas Carter, qui prendra la saison prochaine la direction de la musique de l'opéra et de l'orchestre de Stuttgart, était particulièrement qualifié pour diriger ce concert : sa direction de Peter Grimes au MET avait été saluée par un public et une critique unanimes. Le contrôle dynamique de l'orchestre, la fluidité toute marine de sa direction, la différenciation nuancée des atmosphères et des émotions, une direction passionnée, Nicholas Carter fait preuve d'une empathie musicale des plus sensibles.
On attendait de retrouver Nicole Car pour la partie chantée, mais la chanteuse australienne a malheureusement dû annuler sa participation au concert pour des raisons personnelles. C'est Verity Wingate, une étoile montante de l'opéra qui a pu la remplacer dans les plus brefs délais. La chanteuse britannique s'est fait connaître par sa brillante interprétation du rôle de la comtesse dans les Nozze di Figaro. À la Bayerische Staatsoper, elle a chanté le rôle de Wellgunde dans Rheingold. De sa voix chaleureuse richement texturée, elle nous a offert une interprétation extrêmement sensible du poème de James Agee mis en musique par Samuel Barber, dans lequel Barber brosse un tableau idyllique et nostalgique de Knoxville, dans le Tennessee, la ville natale d'Agee. Une description simple et onirique d'une soirée dans le sud des États-Unis, racontée par un enfant qui semble parfois se transformer en adulte, le flou sur l'identité du narrateur renforçant le caractère onirique de l'œuvre. Nicholas Carter a merveilleusement rendu cette musique impressionniste aux sonorités délicates qui laisse éclore un jardin musical enchanteur. La ligne vocale de la soprano suit le flux spontané de la parole. Les mélodies et les harmonies dégagent une atmosphère familière. Cette mélodie est un joyau que Verity Wingate fait briller de tous ses feux. Elle poursuit avec le rôle de Cleopatra, qui avait été interprété par Leontyne Price lors de la création de l'opéra en 1966 au MET (mise en scène de Zefirelli). La soprano maîtrise à la perfection les aigus dramatiques poussés par la souveraine qui, suivant Marc Antoine dans la mort, dépose des vipères sur sa poitrine pour recevoir leur venin mortel. Verity Wingate rend cet épisode particulièrement captivant.
En seconde partie, l'orchestre nous entraîne dans le pèlerinage musical de la cinquième symphonie de Ralph Vaughan Williams créée à Londres en 1943, qui avait dû apparaître comme une oasis paisible à un public profondément traumatisé par la Seconde Guerre mondiale. L'oeuvre est inspirée du Voyage du pèlerin, un manuel allégorique chrétien du prédicateur baptiste John Bunyan. Lente et paisible, profondément religieuse, la symphonie semble tracer un chemin vers le surnaturel avec ses mélodies en boucle qui évoquent les prières et les invocations liturgiques. C'est de toute beauté, Nicholas Carter rend avec une sensibilité extrême « l’atmosphère noble et véritablement pieuse de cette œuvre », le mot est de Bruno Walter.
Une grande soirée par un grand orchestre.
Programme
Direction d'orchestre Nicholas Carter
Verity Wingate Soprano
Orchestre de la radio de Munich
Benjamin Britten (1913-1976)
« Four sea Interludes »
de l'opéra Peter Grimes, op. 33a
• Aube. Lento e tranquillo
• Dimanche matin. Allegro spiritoso
• Clair de lune. Andante comodo e rubato
• Tempête. Presto con fuoco
Samuel Barber (1910–1981)
« Knoxville : Summer 1915 »
pour soprano et orchestre, op. 24
« Death of Cleopatra »
« Donne-moi ma robe » – scène de la mort de Cleopatra
dans l'opéra Antony et Cleopatra
Ralph Vaughan Williams (1872-1958)
Symphonie n° 5 en ré majeur
• Preludio. Moderato
• Scherzo. Presto
• Romance. Carême
• Passacaille. Moderato
Le concert a été enregistré : audio à la demande jusqu'au 9 novembre
Source : la chronique a aussi trouvé son inspiration dans le programme particulièrement bien documenté de la soirée.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire