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vendredi 13 décembre 2024

Make American Christmas Great Again — Christmas Classics Swing edition — Münchner Rundfunkorchester

Joan Faulkner © Markus Konvalin / Münchner Rundfunkorchester

Le Münchner Rundfunkorchester (l'Orchestre de la radio de Munich) nous a convié à une soirée swingante de chants et de musiques de Noël très américaine. La plupart des chansons et des compositions du programme sont l'œuvre de compositeurs ou de chanteurs nés ou installés aux États-Unis, à l'exception du 4ème mouvement du Lieutenant Kijé que Prokofiev composa en Russie soviétique à son retour d'exil et de la Christmas Overture du britannique Nigel Hess. La direction de l'Orchestre était confiée au chef britannique Wayne Marshall, spécialiste de la musique américaine du 20ème siècle, une direction précise et empreinte d'un grand charisme. La délicieuse Joan Faulkner, originaire de l'Indiana était la star d'une soirée modérée par la ravissante Maren Ulrich, speakerine et modératrice à la radio bavaroise, qui a su présenter le programme de la soirée avec un glamour qui rappelle celui des actrices du cinéma américain des années trente.

À lire le programme, on aurait pu s'attendre à une soirée bon enfant où l'on viendrait entendre les tubes les plus célèbres de la période de l'Avent, ces chansons que la plupart des radios mettent à leur programme et qui finissent par lasser à force de répétitions. Rien de cela ne s'est produit. Ces morceaux de musique que l'on croyait si bien connaître au point de les considérer comme dépassés ou moribonds ont reçu un tout nouvel éclairage parce qu'ils ont été interprétés par un grand orchestre qui comportait pas moins de six percussionnistes, parce que ce grand orchestre compte parmi les meilleurs, parce que la direction a été confiée à un chef talentueux, grand spécialiste de la musique américaine, et enfin parce que Joan Faulkner a une voix d'une beauté telle et une telle présence qu'elle capte l'attention dès les premières notes.

Wayne Marshall © Capture d'écran sur le site du Münchner Rundfunkorchester


Make American Christmas Great Again. Dans le programme, la rédactrice culturelle Bettina Jech de la radio bavaroise commente que " l'édition de cette année des « Christmas Classics » célèbre la nostalgie musicale du Noël blanc, avec notamment des morceaux qui invitent à une balade dans la neige. Particulièrement joyeuses : les cloches de traîneau de la Troïka de Sergueï Prokofiev, qui transportent de leurs trois chevaux l'ambiance d'un voyage rapide dans le train russe du même nom.  A l'origine, il s'agissait de la première composition de Prokofiev pour un film : la production soviétique Lieutenant Kijé de 1934, un persiflage bizarre sur l'obéissance aux autorités sous le tsar Paul Ier. Prokofiev en a ensuite fait une suite aux sonorités iconiques, aux éléments de pizzicato rapides et à la mélodie d'une vieille chanson populaire russe. Le Polarexpress, qui glisse vers le pôle Nord avec à son bord un petit garçon qui ne veut pas croire à Noël, sonne plutôt comme une magie enchanteresse. Alan Silvestri a misé sur la musique pour l'une des premières productions animées par ordinateur, beaucoup de sons de cordes, des chœurs - et bien sûr des cloches de traîneau. " Toutes ces sonneries, ces bruits de claquements, ces cloches qui tintinnabulent exigeaient la précieuse présence de six percussionnistes, un luxe que nous a offert l'orchestre de la radio bavaroise.


Rien n'est aujourd'hui  moins sûr qu'un Noël blanc, mais l'Angleterre et les États-Unis ont contribué à en créer le mythe musical. Ainsi du « I'm dreaming of a white Christmas. Just like the ones I used to know » que Irving Berlin composa sous les palmiers et le soleil de la Californie alors que sa famille se trouvait à New York. La chanson popularisée par Bing Crosby est l'une des plus commercialisées de par le monde.

Make American Christmas Great Again. Il suffit d'effectuer une petite recherche sur les compositeurs et chansonniers de la soirée pour comprendre que ce MA(C)GA est aux antipodes de celui pour lequel une majorité d'Américains vient de voter. Jule Styne est un Américain d'origine britannique, Alan Silvestri un Américain d'origine italienne, Irving Berlin un Américain d'origine juive russe, José Feliciano un Américain de Porto Rico. C'est une Amérique qui s'est nourrie de l'immigration et qui a accueilli des exilés comme Prokofiev qui a produit ces musiques qui contribuent à la magie de Noël.


Joan Faulkner est considérée comme l'une des plus grandes interprètes européennes de swing, de soul et de jazz. Sa carrière de chanteuse commença fort tôt : elle chanta dès l'âge de trois ans dans la paroisse de son père et prit la direction de la chorale de la paroisse à 14 ans. Ce fut la base de sa carrière, comme elle le souligne : « Les spirituals m'ont appris à exprimer mes sentiments. » En 1978, elle s'installa à Francfort-sur-le-Main où, après s'être produite dans des clubs et des lieux musicaux, elle participa bientôt à des galas aux côtés de stars comme Caterina Valente et Howard Carpendale. Le producteur Frank Farian appréciait ses talents artistiques et la qualifiait de « meilleure chanteuse européenne ». « la meilleure voix noire d'Europe ». En collaboration avec le pianiste de jazz Gusztáv Csík, Joan Faulkner, surnommée « The Voice », a entre-temps développé un nouveau style. Leurs programmes vont du gospel et des spirituals aux chansons de Broadway en passant par le « rhythm and blues », la pop et la soul. 

Joan Faulkner apparaît vêtue de robes de soie de couleurs vives, rouge puis verte, et dont les dessins des broderies évoquent l'Arabie. Sa voix et sa présence sur scène sont un énorme cadeau de Noel pour le public. Tout dans son interprétation est doux et feutré, et tout est authentique. Joan Faulkner visualise ce qu'elle chante et nous partage sa vision. Ses intonations et sa gestuelle, ses regards et ses mimiques nous montrent les mots de ses chansons, et nous font mieux comprendre le monde qu'elle évoque. Elle semble communiquer avec l'univers et nous invite à pénétrer dans sa vision. Et son chant si délicat, si humain, si rempli de tendresse nous fait voir les paysages enneigés, les traineaux qui défilent, la neige qui tombe. (La première photo témoigne du jeu scénique descriptif de la chanteuse).

Le public comblé saluera l'orchestre, le chef et la chanteuse d'une chaleureuse standing ovation. Deux rappels seront encore offerts : Sleigh Ride de Leroy Anderson et  "Silent night".  

Le concert reste disponible sur internet jusqu'au 9 janvier 2025. Cliquer ici pour accéder au site du Münchner Rundfunkorchester.

Programme

Leroy Anderson (1908–1975) „A Christmas Festival“,  ouverture de concert 
Jule Styne (1905–1994) „Let it Snow“ Arr.: Thilo Wolf / Lars J. Lange
Félix Bernard (1897–1944) „Winter Wonderland“ Arr.: Thilo Wolf / Lars J. Lange 
Alan Silvestri (* 1950) „The Polar Express“ Suite / Arr.: Jerry Brubaker, musique de film
Mel Tormé (1925–1999) The Christmas Song („Chestnuts Roasting“) Arr.: Gavin Sutherland 
George David Weiss  (1921–2010) „What a Wonderful World“ Arr.: Tomasz Filipczak 
Nigel Hess  (* 1953) „A Christmas Overture“ 
Serguei Prokofiev (1891–1953) „Lieutenant Kijé“. Symphonische Suite, op. 60 4ème mouvement. Arr.: David Lloyd-Jones  
Hugh Martin (1914–2011) „Have Yourself a Merry Little Christmas“ Arr.: Gavin Sutherland
José Feliciano (* 1945) „Feliz Navidad“ Arr.: Thilo Wolf / Lars J. Lange
Irving Berlin (1888–1989) „White Christmas“ Arr.: Robert Russell Bennett 
Johnny Marks (1909–1985) „Rudolph, the Red-Nosed Reindeer“ Arr.: Richard Hayman

Source : texte largement inspiré du programme.





Standing ovation pour Joan Faulkner très émue 









Autres photos de Luc-Henri Roger 

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