Elīna Garanča en Amneris |
La Bayerische Staatsoper reprend pour quelques représentations l'Aida de Verdi revisitée par Damiano Michieletto, une production qui avait connu sa première en mai 2023 et dont la mise en scène avait été diversement accueillie, dérangeante pour certains et acclamée par d'autres (Voir notre article du 20 mai 2023). On y revient attirés par une distribution des plus prestigieuses et pour revoir une mise en scène dont la détérioration de la situation mondiale confirme la démarche. L'idée maîtresse de Damiano Michieletto était de montrer les conséquences des guerres sur les populations civiles. Une salle de gymnastique bombardée et bientôt envahie par une montagne de cendres accueille des réfugiés, une cérémonie de remise de médailles supposée glorifier les héros donne à voir un sinistre défilé d'éclopés, des vidéos diffusent des gros plans sur des scènes guerrières et sur des blessés.
La note dominante de la soirée réside dans la beauté des voix entendues et dans la force lumineuse de la direction de Francesco Ivan Ciampa, un chef verdien acclamé dans les salles italiennes que l'on avait pu apprécier l'été dernier lors de la reprise du Trovatore, l'opéra qui l'avait fait découvrir au public munichois en 2020, et quelques mois plus tôt dans Otello. Le maestro avait dirigé Aida aux arènes de Vérone en 2019. Il nous a offert une direction claire, à la fois vigoureuse et fervente, précise et attentionnée qui met l'orchestre en parfaite symbiose avec la tension dramatique exprimée par les personnages.
Elena Stikhina en Aida |
La soprano russe Elena Stikhina donne une interprétation d'une extrême sensibilité au rôle-titre dont elle dépeint les subtiles nuances de la palette émotionnelle avec une authenticité poignante. La beauté de la voix magnifiquement projetée est portée par une technique superbe et une puissance impressionnante capable de passer toutes les tempêtes orchestrales. Elena Stikina ne recherche jamais l'effet, mais l'expressivité, elle se confond avec son personnage dont elle s'attache à rendre les exaltations et les tourments avec justesse et vérité. Ses piani, ses notes longuement tenues enchantent tout autant que la finesse de ses aigus.
Elīna Garanča était très attendue en Amnéris, un rôle qu'elle avait toujours voulu chanter et qu'elle considérait comme le "Mont Everest" de sa carrière, un sommet difficilement accessible et enfin vaincu. Pour la mezzo-soprano, les rôles de Kundry et d'Amnéris sont des rôles de la maturité qui demandent une longue préparation, elles les considère comme le couronnement d'une carrière marquée par un travail intense. (— Elle aurait du faire ses débuts dans le rôle à Las Palmas en mars 2020, mais le covid en avait décidé autrement et la partie fut remise à 2023 où elle interpréta Amnéris à Vienne —). Elīna Garanča s'est attachée à rendre de manière extrêmement fine et raffinée la complexité de ce personnage impulsif qui la fascine depuis le début de son parcours artistique. Elle dresse le portrait musical et scénique d'une femme puissante, sombre, délicate et cruelle. Elle est bouleversante dans sa dernière tentative de ravir le coeur de Radamès ou du moins d'obtenir qu'il ne revoie plus Aida.
Le ténor arménien Arsen Soghomonyan a donné une interprétation monolithique du rôle de Radamès avec une voix légèrement engorgée au ton métallique. D'une puissance rare et d'un volume imposant, il passe l'orchestre sans problème. Il impressionne par de longues tenues de notes dans l'aigu et de belles descentes dans le grave. Mais il est théâtralement peu impliqué, le jeu scénique est réduit au minimum et donne l'impression d'être figé. Tout au contraire, Erwin Schrott apporte son baryton basse plein de chaleur, sa belle prestance et sa présence irradiante au personnage de Ramfis que la mise en scène érige en rival de Radamès : au plus sombre du dernier épisode du drame, il propose le mariage à la fille de pharaon. Le baryton mongol Amartuvshin Enkhbat donne un Amonasro des plus convaincants avant d'être assassiné d'un coup de révolver par Ramfis. Alexandre Köpeczi qui avait chanté Ramfis en 2023 interprète ici le rôle du roi. Une mention particulière doit être faite pour la magnifique prestation du choeur de l'opéra préparé par Christoph Heil. Élément capital de l'architecture musicale complexe d'Aida, avec les nombreuses subdivisions des pupitres et les relations entre les voix. Chaque pupitre est scindé en groupes bien définis et les voix de ces groupes s'affrontent, se juxtaposent et se répondent. Leur précision et l'unisson sont impeccables. La perfection du travail choral dans le pianissimo est particulièrement remarquable.
Distribution du 8 décembre 2024
Direction musicale Francesco Ivan Ciampa
Mise en scène Damiano Michieletto
Décors Paolo Fantin
Mise en scène Damiano Michieletto
Décors Paolo Fantin
Costumes Carla Teti
Vidéo rocafilm
Chorégraphie Thomas Wilhelm
Lumière Alessandro Carletti
Chœurs Christoph Heil
Dramaturgie Mattia Palma Katharina Ortmann
Vidéo rocafilm
Chorégraphie Thomas Wilhelm
Lumière Alessandro Carletti
Chœurs Christoph Heil
Dramaturgie Mattia Palma Katharina Ortmann
Amneris Elīna Garanča
Aida Elena Stikhina
Radamès Arsen Soghomonyan
Ramfis Erwin Schrott
Amonasro Amartuvshin Enkhbat
Le roi Alexandre Köpeczi
Un messager Zachary Rioux
Une prêtresse Elene Gvritishvili
Aida Elena Stikhina
Radamès Arsen Soghomonyan
Ramfis Erwin Schrott
Amonasro Amartuvshin Enkhbat
Le roi Alexandre Köpeczi
Un messager Zachary Rioux
Une prêtresse Elene Gvritishvili
Orchestre de l'État de Bavière
Chœur de l'Opéra d'État de Bavière et chœur supplémentaire de l'Opéra d'État de Bavière
Chœur de l'Opéra d'État de Bavière et chœur supplémentaire de l'Opéra d'État de Bavière
Prochaines représentations les 12 et 15 décembre au Théâtre national de Munich.
Crédit photographique © Geoffroy Schied
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