L'accueil triomphal des Viennois lors de l'arrivée de la Princesse, un
dessin de mauvaise facture du journal satirique Kikeriki du 8 mai 1881.
Le prince impérial Rodolphe est vraiment fort peu ressemblant.
L'entrée triomphale à Vienne
Nous laissons la parole au correspondant du journal bruxellois L'Europe, qui publie sa chronique dans son édition du 10 mai 1881 :
LES FÊTES DE VIENNE
6 mai 1881.
Il est cinq heures du soir. Je reviens de la gare de la « Westbahn », où j'ai pu assister de près, grâce à ma qualité de correspondant de «l'Europe », à l'arrivée de la princesse Stéphanie; et, après être passé au télégraphe pour vous adresser une dépêche, je rentre pour vous écrire plus longuement ce que le télégraphe est forcément impuissant à rendre.
Tout d'abord, je constate un fait qui a produit sur la foule, naturellement superstitieuse, la plus favorable impression. Le temps, qui était si mauvais et si pluvieux pendant la journée d'hier, s'est mis au beau ce matin et le train royal est entré en gare par un soleil resplendissant. Il semble, du reste, que les sourires de la température aient suivi la princesse à mesure qu'elle approchait. Déjà, hier, à Salzbourg, le même phénomène s'était produit ; le sol, détrempé Ia veille par des pluies abondantes, avait été séché par le vent du nord, et le beau temps était venu consoler les habitants qui, depuis deux jours, levaient les yeux au ciel avec un soupir de tristesse. Quand le prince impérial Rodolphe,arrivant à la gare, au devant de sa fiancée, a pu constater par lui-même cet heureux retour de la température : c'est ce que nous appelons à Bruxelles « un temps à Ia Rodolphe » (Rudolf’s Wetter), lui a dit Mme la comtesse de Jonghe d'Ardoye. Le jeune prince était visiblement impatient de voir sa fiancée ; et un certain désappointement se manifesta sur son visage lorsqu'on annonça que le train était en retard de douze minutes.
Heureusement, les détonations entendues à ce moment même annoncèrent que le train avait franchi la frontière bavaroise. " Elles sont maintenant en Autriche ", s'écria le prince tout joyeux. Et lorsque le train s'arrêta dans la gare, la promptitude avec laquelle il se précipita à la portière du wagon dénotait clairement combien il était heureux de voir arriver celle qui va être Ia compagne de sa destinée,
Un de mes amis,qui a été,hier, jusqu’à Salzbourg pour assister à cette fête et qui m'en a raconté tous les détails, me dit que l'ordre officiel a été quelque peu troublé, tellement était grand l'empressement de la foule à se presser autour de la princesse. Je dis la foule, bien qu'il s'agit seulement de personnes ayant qualité pour pénétrer à l'intérieur, Mais le nombre en était suffisamment grand pour produire un peu d’encombrement dès que les rangs n'ont plus été observés. Mais la princesse et son impérial fiancé semblaient si heureux le se voir entourés avec tant de sympathie que personne n'a songé à protester.
Un dernier mot sur cette réception à Salzbourg et j'arrive à la fête d'aujourd'hui. Une attention délicate, qui a vivement touché la princesse et ses augustes parents, a présidé à l'arrangement du jardin du château. Les organisateurs de la fête ont eu l’heureuse idée de reproduire exactement l'aspect des grilles du palais de Bruxelles, du côté de l'entrée « des lions ». Les pilastres improvisés supportaient également des statues de lions couchés ; les allées avaient été arrangées de Ia même façon.
Bref, en entrant au château de Salzbourg, on aurait pu se croire encore en Belgique.
Quant à la journée d'aujourd'hui, à Vienne, que vous en dirai-je? La ville est vraiment prise de fièvre, Les rues sont inondées de promeneurs, qui courent à la conquête d'une place d'où l'on puisse bien voir. Depuis ce matin il n'y a pas d'autres préoccupations pour qui que ce soit. Les drapeaux, les festons, les guirlandes donnent à toutes les maisons un aspect de fête et de triomphe. La gare de la « Westbahn » surtout à déployé un luxe grandiose et fait vraiment preuve de goût. La toiture vitrée, à l'intérieur, était tout entière garnie de guirlandes de feuillage, et les piliers qui la soutiennent supportaient des trophées de drapeaux aux couleurs belge et autrichienne. Au dehors, des mâts avec des banderoles flottantes : un arc de triomphe tout recouvert de verdures, et garni des attributs de l'industrie: une roue, un marteau, une scie, des ciseaux, des tenailles, le tout arrangé avec un goût parlait, Sur le frontispice de cet arc de triomphe on lisait,en gros caractères, le mot : « Willkommen » (bienvenue). Des tribunes dressées dans la cour de la gare, et surtout le long du parcours, de la gare à Schönbrunn, permettaient à la population d'assister au défilé du cortège. À l’intérieur de la gare, les hauts fonctionnaires, et les membres du conseil municipal, ayant à leur tête le bourgmestre, attendaient l'arrivée du train. Une compagnie du «régiment du Roi des Belges » faisait le service d'honneur. Les dames avaient été admises dans l’intérieur de la gare, sur la présentation de cartes spéciales : et une tribune avait été réservée aux représentants de la presse.
Lorsqu'à quatre heures précises le train s'est arrêté en gare, et que l'empereur s'est avancé, avec son fils, à la portière du wagon, de bruyantes acclamations se sont fait entendre ; la musique militaire a joué la « Brabançonne » et l'air national autrichien. L'empereur et le prince Rodolphe ont cordialement embrassé la princesse Stéphanie et la reine, sa mère ; ils ont serré la main du roi Léopold. Le bourgmestre de Vienne s'est avancé, et a souhaité la bienvenue à la princesse au nom de la ville, Puis les augustes personnages sont sortis de la gare, l'empereur donnant le bras à la reine des Belges et le prince Rodolphe à sa fiancée, Le prince se montrait pour la première fois en public dans le costume de général, Jusque là il avait toujours porté l'uniforme de colonel. La princesse Stéphanie, en robe bleu clair, pardessus gris et un chapeau bleu de ciel garni d'une grande plume, a charmé tout le monde par sa grâce et son affabilité. Les personnes qui ont eu occasion de la voir précédemment à Bruxelles ont été frappées du changement qui s'est opéré en elle.
L'enfant est devenue une gracieuse jeune fille, qui saura être à la hauteur du rôle qu'elle est appelée à jouer. Cela ne fait doute pour personne. On l'a trouvée généralement plus jolie que ses portraits, soit qu'on n'eût d'elle que des photographies insuffisantes, soit que les artistes qui ont fait son portrait jusqu'ici n'aient pas su reproduire les charmes du modèle ; on connaissait très imparfaitement ses traits et l'on a été enchanté de voir qu'elle était vraiment douée d'une beauté radieuse.
Sa physionomie douce et bienveillante a séduit à première vue. Dès ce soir on peut dire qu'elle à fait la conquête du peuple au milieu duquel elle est appelée à vivre désormais. Une telle impression, ressentie par un si beau jour, est de celles qui ne s'effacent plus.
Les toilettes de Stéphanie
Stéphanie de Belgique ne semble pas avoir porté lors de son arrivée à Vienne la robe dont parle un autre journal. Le Sport, une feuille hebdomadaire turfiste qui se présente comme le Journal des gens du monde, donnait, dans son édition du 11 mai 1881, évoquait le trousseau de la princesse Stéphanie de Belgique, mentionnant une autre toilette que celle évoquée par l'Europe :
" Tous les journaux racontent en détail les cérémonies du mariage de la princesse Stéphanie avec le prince Rodolphe d’Autriche. Contentons-nous de dire quelques mots du trousseau de la princesse. Il est splendide, ce trousseau, et ses toilettes sont dignes d’encadrer harmonieusement les dix-sept printemps de la gracieuse mariée. La princesse Stéphanie fera son entrée triomphale et solennelle à Vienne dans une ravissante robe pompadour, en brocart et crêpe rose, richement brodée de roses teintées et d’un fouillis d’admirables malines*. La robe de mariée, sortie des mains de la première couturière de Bruxelles, réunit le drap d’argent, le brocart, le velours blanc, la broderie et la dentelle, digne comme splendeur et comme type, des vêtements d’une sultane des Mille et une Nuits. Mais la plus artistique de toutes ces toilettes, c’est une robe fleur de pêche, de style Henri IV, faite d’après les indications de l’archiduc Rodolphe. Le corsage est un réseau de perles, recouvrant une maille de peluche pensée, avec haut col ; les teintes rappellent les anciens tableaux flamands, et la peau rosée de la princesse, son doux et jeune visage feront ressortir par le contraste, cette sérieuse toilette. Une autre robe très jolie est en surah merveilleux crème, brodée de bouquets de roses pompon et recouverte de vieilles dentelles de Mechlin*. Cette dernière toilette laisse un impression de jeunesse et de printemps, comme la senteur d’une haie de roses en plein bois. "
*Les malines sont des dentelles très fines originairement fabriquées dans la ville belge de Malines (Mechelen en flamand / Mechlin en anglais).
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