Rechercher dans ce blog

lundi 8 avril 2019

Le Roi Lune de Thierry Debroux - Une critique d'Idrissa Sibailly


Nous retrouvons une intéressante critique qu'écrivit Idrissa Sibailly en 2007 sur une production parisienne du Roi Lune du dramaturge belge Thierry Debroux. Nous la reproduisons avec l'aimable autorisation de son auteur. Pour une présentation de la pièce de Thierry Debroux, on pourra lire notre article d'octobre 2016.

La musique adoucit les mœurs

La musique adoucit les mœurs, dit-on. Pourtant, en assistant au dîner auquel nous convie « le Roi lune », ce qui nous surprend en premier, c’est la violence à laquelle les mœurs de ce mélomane l’acculent et le condamnent à se retrancher dans son imagination. Son attirance pour les gens du même sexe le brûle et le consume de l’intérieur jusqu’à en faire un « illuminé ».

Mais comment parler de cette pièce autrement qu’en parlant d’une rencontre ? C’est la rencontre d’un Roy (Julien) littéralement habité par la folie d’un autre, Louis II de Bavière. Encore qu’il faille s’interroger ici sur le sens du mot folie. En effet, quoi de plus fou que la guerre ? Quoi de plus sain que de vouloir substituer au chaos des canons l’harmonie de la musique de Wagner, dont ce roi fut le mécène ? C’est la rencontre aussi de la comédie et du tragique, du burlesque des personnages et de leur superbe.

Celle également de l’acteur au service de l’écrit. La sobriété de la mise en scène de Frédéric Dussenne et de son assistant Gauthier Jansen sert le texte magnifique de Thierry Debroux. Des tirades syncopées du roi fou, aux répliques atones de son mignon ou infirmier (Alexandre Tissot), sans oublier la remarquable prestation de son ministre ou médecin (Benoît Van Dorslaer), tout y est orchestré avec maestria. Une mention spéciale également à Renaud Ceulemans, dont le jeu de lumières nous fait baigner dans ce royaume des ombres. Et, lorsque l’espace d’une seconde, on pense devoir assister pour le reste du spectacle à la complainte d’un homosexuel refoulé, la question qui surgit alors est autrement plus existentielle. Peut-on vivre en feignant d’être ce que l’on n’est pas ?

Julien Roy se souvient que sa génération (celle de mai 68) avait pour slogan « l’imagination au pouvoir ». Nous voici, quelques décennies plus tard, invités à plonger avec lui dans l’imaginaire d’un souverain de droit divin, qui refusa les carcans du pouvoir temporel au prix des tragiques conséquences que l’on connaît. La bonne nouvelle, c’est que bientôt le Roi lune repartira en campagne. Si, durant sa tournée, il lui arrivait d’établir ses quartiers près de chez vous, empressez-vous de lui rendre visite dans son asile, oups !, que dis-je ?, dans son royaume. Vous m’en direz des nouvelles. 

Idrissa Sibailly

Le Roi lune, de Thierry Debroux
Mise en scène : Frédéric Dussenne
Avec : Julien Roy, Alexandre Tissot, Benoît Van Dorslaer
Scénographie : Marcos Vinals Bassols
Costumes : Lionel Lesire
Lumières : Renaud Ceulemans
Le texte est publié aux éditions Lansman.
Le Lucernaire-Forum  . Paris

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire