Affiche parisienne de 1855 |
Ce dimanche à partir de 18 heures, l'Opéra d'Etat de Bavière (Bayerische Staatsoper) retransmettra gratuitement sur internet sa nouvelle production Les vêpres siciliennes de Giuseppe Verdi. Verdi avait composé cet opéra chanté en français sur un livret d'Eugène Scribe et de Charles Duveyrier. Il lui avait été commandé pour être joué à Paris à l'occasion de l'Exposition universelle de 1855. Il fut créé le 13 juin 1855 à l'Opéra de Paris salle Le Peletier.
A Munich, l'opéra, mis en scène par Antú Romero Nunes, sera dirigé par Omer Meir Welber, avec, dans les rôles principaux Rachel Willis-Sørensen (Hélène), Helena Zubanovich (Ninetta), Bryan Hymel (Henri), George Petean (Guy de Monfort) et Erwin Schrott (Procida). A noter que Bryan Hymel, actuellement souffrant, pourrait, s'il ne s'est pas rétabli, être remplacé par Leonardo Caimi. Les chorégraphies sont de Dustin Klein.
Pour voir la retransmission via internet le 18 mars à 18 H ,cliquer sur STAATSOPER.TV.
Erwin Schrott (Procida), ballet du Bayerische Staatsoper (Photo Wilfired Hösl) |
Résumé de l'action (1)
L'opéra se déroule à Palerme au 13ème siècle alors que les Siciliens se révoltent contre la domination française de le dynastie d'Anjou sur le pays. Les soldats français auraient été égorgés pendant l'office des vêpres qui donne son titre à l'oeuvre.
Dans une note placée en tête de son libretto, Eugène Scribe semble aller un peu loin quand il affirme que les Vêpres siciliennes n'ont jamais existé, que le massacre des Français à Palerme est une pure fiction historique. Si les chroniques du temps rapportent que les soldats de Charles d'Anjou n'ont pas tous été égorgés le même jour, pendant qu'on chantait vêpres, et que les cloches n'ont pas sonné le signal de la révolte, il est cependant prouvé que le 31 mars 1282, le mardi de Pâques, les soldats du roi de Naples ayant serré d'un peu trop près les belles Palermitaines, qui dansaient sur le versant d'une colline non loin de l'église du Saint-Esprit, celles-ci repoussèrent assez énergiquement ces agressions malséantes ; le peuple murmura ; après les menaces vinrent les coups; les Siciliens s'armèrent de haches, de bâtons et de couteaux, et la lutte commença, lutte désespérée dans laquelle la rage des vaincus de la veille disait assez tout ce qu'ils avaient amassé de haine, de colère et de vengeance contre leurs oppresseurs. Cela eut lieu spontanément, sans apprêts et sans mot d'ordre : le massacre dura un mois, et pas un soldat de la garnison ne fut épargné : Malespina, Néocastro et quelques auteurs contemporains sont d'accord là-dessus.
Un médecin de Palerme, nommé Jean de Procida, joua un rôle important dans cette révolte, mais il en fut plutôt l'instigateur que le chef. Il fit á l'étranger de nombreux prosélytes à la cause de l'indépendance de l'île, et s'assura le concours de Pierre d 'Aragon et du pape Clément IV. Ce Jean de Procida est un des principaux personnages du drame inventé par l'imagination féconde de M. Eugène Scribe: on voit que le célèbre académicien, tout en niant l'histoire, n'a pas la prétention d'avoir glané simplement dans le champ vaste de la fantaisie.
Procida, de retour de ses voyages diplomatiques, trouva un auxiliaire intrépide et dévoué dans Henri, le propre fils du gouvèrneur de la Sicile, Guy de Monfort. Henri ignore, bien entendu, le secret de sa naissance sa mère lui a confié qu'elle avait été séduite par un seigneur français, mais la belle Sicilienne n'a pas nommé l'auteur de ce lâche attentat. Henri a été élevé à la cour du duc Frédéric d'Autriche, qui vient d'être mis à mort par l'ordre de Guy de Monfort. La duchesse Hélène pleure son frère et a juré de le venger : Henri met son bras au service de la duchesse, et par la même occasion lui fait l'aveu de son amour, aveu qui est parfaitement accueilli. Monfort sera poignardé au milieu d'un bal qu'il donne à ses hien-aimés Siciliens. Malheureusement, dans l'intervalle, le gouverneur sent remuer en lui la fibre paternelle, et l'idée lui vient de se faire reconnaître de son fils. Aussi au moment où Procida et Hélène, le visage masqué, s'avancent pour frapper Monfort, ils trouvent entre lui et leurs poignards la poitrine de Henri. Les assassins sont jetés en prison : Henri est libre et comblé d'honneurs. Il demande la permission d'aller visiter ses anciens complices, et Monfort n'a rien à lui refuser ; on se figure l'accueil qu'Henri reçoit de sa maîtresse : elle l'appelle traître et parjure. Henri parvient à se justifier, et il jure de mourir plutôt que d'appeler Monfort son père. On fait les apprêts du supplice : les conspirateurs sont amenés dans la salle du conseil, où le gouverneur siége sur un trône de velours cramoisi ; le bourreau attend ses victimes; les moines chantent le De Profundis. "Reconnais que je suis ton père, dit Monfort tout bas à Henri, et je fais grâce aux coupables." - "Jamais !" répond celui-ci. Mais au moment où la hache se lève sur la tète de la jeune fille, Henri, éperdu, se jette aux pieds du gouverneur et s'écrie avec l'accent du désespoir : "Grâce, mon père!" Et Monfort s'adressant à tous :
Oui, grâce ! et plus encor
Pour réconcilier la Sicile et la France,
D'Hélène et de mon fils j'ordonne l'alliance.
Hélène veut repousser une pareille union ; Procida lui souffle à l'oreille que ce mariage est nécessaire à ses projets, et, docile aux ordres du chef de la conspiration, la duchesse met sa main dans celle d'Henri.
Voici quel a été le raisonnement de Procida ; si le mariage n'a pas lieu, les cloches ne sonneront pas, et j'ai besoin des cloches pour faire donner le signal du massacre.
Au commencement du cinquième acte, Hélène est en proie à de violents remords. Décidément elle ne consentira jamais à épouser le fils du meurtrier de son frère ; et d'ailleurs, une fois le peuple soulevé par le carillon, pourra-t-elle soustraire son époux à la vengeance des Siciliens? Tout est prêt pour la cérémonie ; les invités vont se mettre en marche; Monfort prend la tête du cortège; le prêtre attend les fiancés à l'autel. Hélène s'avance vers le gouverneur pour déclarer que "cet hymen ne s'accomplira pas." Mais Procida a deviné le mouvement de la jeune fille, et avant qu'elle n'ait prononcé une -syllabe, il s'écrie : "Cloches, retentissez !" Les Siciliens arrivent de tous côtés, traînant après eux l'incendie et la mort ; Hélène implore la clémence de Procida, non pour elle, mais pour Henri. A la fois médecin et conspirateur, Procida a un cœur de bronze ; au lieu d'arrêter l'élan du peuple, il l'excite de la voix et du geste, et, sans même écouter la prière d'Hélène, il dit aux Siciliens : "Frappez-les tous, Dieu choisira les siens!", mot historique heureusement emprunté par M. Scribe (qui connaît l'histoire) à la guerre des Albigeois. L'époque à laquelle se passe l'entretien ne permet pas d'entendre les coups de fusil, qui font un si bon effet dans le cinquième acte des Huguenots : c'est à peine si le son des cloches donne un peu de relief au léger cliquetis des haches et des poignards; du reste, le peuple ne s'est pas plutôt répandu sur la scène que la toile baisse.
(1) Résumé emprunté à la Revue française de 1855, avec quelques modifications. Le critique de la Revue française avait assisté à la deuxième représentation parisienne.
Preview du Bayerische Staatsoper (en allemand, avec sous-titres anglais, ou inversément)
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