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samedi 9 décembre 2017

Les chiens de Richard Wagner, un article de Paul Louis

Trouvé sur le net (source inconnue): Richard Wagner, Minna Wagner
et leur terre-neuve Robber

La revue parisienne L'Éleveur. Revue cynégétique et canine, fondée par Pierre Mégnin et dirigée par Paul Mégnin, publiait dans dans la rubrique Chiens de Grands Hommes en page 14 de son édition du 26 février 1933 un article de Paul Louis consacré aux chiens de Richard Wagner.


CHIENS DE GRANDS HOMMES

LES CHIENS DE RICHARD WAGNER

Le génial musicien allemand dont on vient de célébrer le cinquantenaire de la mort, était un ami convaincu du chien. Durant sa longue vie, torturée par les exigences d'un démon intérieur aussi cruel que puissant, il eut toujours auprès de lui cet humble compagnon, ce consolateur muet, mais combien éloquent, des découragements et des rancœurs. Peut-être a-t-il trouvé auprès d'eux un peu de cette paix que son génie exigeant lui mesurait avec une si extrême parcimonie; peut-être retrouvait-il, dans ces yeux qui ne savent qu'aimer, un reflet de ses chevauchées échevelées dans le domaine de l'irréel et comme une approbation, un encouragement qui lui rendait la confiance que lui refusaient ses contemporains.

Pour ne citer que les principaux, il y eut d'abord Rupel, le caniche et Robber, le terre-neuve. Tous deux connurent les années de misère et virent naître le premier opéra, le Rienzi. Ils connurent aussi les fuites devant les créanciers et faillirent même trahir leur maître, au passage de la frontière russo-prussienne, alors que, fuyant la Russie pour Paris, où il croyait trouver la gloire, il s'agissait d'éviter les huissiers à la recherche de l'incorrigible bohème. Hélas! Paris resta indifférent, hostile au grand homme : la misère et la haine envahirent bientôt la demeure du musicien. Dans le petit logement sordide du 33, de la rue de la Tonnellerie, qui vit également naître Molière et où Minna, la première femme de Wagner, fait des prodiges d'économies pour ne pas trop enfler les dettes, on ne mange pourtant pas toujours à sa faim. Le corps immense de Robber ne se nourrit guère que d'harmonie : aussi le terre-neuve déserte le plus souvent possible la maison du maître. Il se rend fréquemment dans les jardins du Palais-Royal, où il se fait une petite réputation en allant chercher, dans le bassin, les objets jetés par les enfants. On le connaît, on l'entoure de prévenances et les friandises le consolent de la portion congrue qu'il trouve chez lui. Pente dangereuse où glisse la fidélité de Robber. L'estomac finira par avoir le dessus. Un jour, le terre-neuve ne revint pas et resta introuvable malgré toutes les recherches de son maître désolé. Une fois, pourtant, un matin au petit jour, il reparut comme un fantôme pour s'évanouir définitivement. Wagner allait chez des créanciers — ce qui était une besogne assez astreignante. Il faisait un brouillard très dense et le musicien marchait d'un bon pas, lorsqu'il se trouva nez à nez avec Robber. Tous deux se reconnurent et l'homme s'élança vers le chien dans un élan de joie. Mais le terre-neuve comprit-il mal le geste de son ancien maître ? Eut-il peur de recevoir des coups ? Ou ne voulut-il pas reprendre la vie d'autrefois auprès de ce maître si peu soucieux de son estomac?... Toujours est-il qu'il recula prudemment et., comme Wagner s'avançait toujours vers lui, il prit la fuite.

Longtemps, dans le petit jour naissant, dura la poursuite, mais l'homme n'était pas de taille à rattraper le chien et il s'arrêta bientôt, essoufflé et profondément affligé. Dans l'abandon du renégat, le poète avait vu un mauvais présage et les circonstances n'étaient pas, certes, de nature à le contredire à ce moment.

Il y eut ensuite Peps, dont la fidélité fit un peu oublier à Wagner l'ingratitude de Robber. Il mourut à Londres, entre les bras de son maître, alors que celui-ci revenait d'un concert où avaient été donnés plusieurs fragments de son œuvre et où lui avait été faite une petite ovation. Le contraste de cet événement heureux et de la perte de son fidèle compagnon ne pouvait pas manquer d'impressionner encore vivement le musicien.

Peps avait vu l'achèvement de La Walkyrie; Fip [sic, il s'agit de Fips] , qui lui succéda, vécut une des périodes les plus calmes de la vie du maître, alors qu'il composait en paix, près de Zurich, sur une colline surplombant le lac, entouré de quelques amis, qui eurent une influence profonde sur la destinée du musicien. Puis vint Poll, qui fit de vieux jours et qui mourut en même temps que la première femme de Wagner. Il fut enterré sur les bords du lac de Genève et Russ, un terre-neuve, le remplaça. Enfin, les mémoires du musicien nous signalent encore un grand danois, Russ, qu'il garda plus de dix ans et qui mourut en 1874, neuf ans avant la mort du grand compositeur. 

Paul Louis.

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