Helene von Dönniges, parfois écrit Helene von Döniges (Berlin-1845-1911), était la première des sept enfants du Professeur Wilhelm von Dönniges (plus tard diplomate), que le prince Maximilien de Bavière , le futur Maximilien II, père du futur roi Louis II, appela à sa cour en raison de ses compétences scientifiques en tant qu'historien.
Elle épousa le Valaque Janco Gregor von Racowitza (Iancu Racoviţă) et devint ainsi Princesse Racowitza. Le prince mourut jeune, et la princesse connut encore deux mariages, on la retrouve sous les patronymes de Helene Friedmann puis, après divorce et remariage, de Helene von Schewitsch. Elle fut écrivaine et actrice de théâtre, sous le nom de princesse de Racowitza.
C'est sous le nom de Princesse de Racowitza qu'elle publia en 1909 à Berlin (Gebrueder Paetel) Von anderen und mir. Erinnerungen aller Art, traduit en 1910 en anglais sous le titre An autobiography (New York, The Mac Millan Company). La princesse raconte dans le chapitre III qu'elle fut eut l'occasion de côtoyer la famille princière bavaroise et les jeunes princes royaux, dont elle fut une compagne de jeu.
Voici une traduction libre de ce chapitre:
Le prince Louis avec tambour et blocs de construction |
Chapitre III
[...] Ce qui va suivre provient d'histoires qui m'ont été racontées par la suite.
Quand j'avais environ dix mois, mes parents firent un séjour avec le couple royal, le prince héritier Max et la princesse Marie, à Hohenschwangau. Ma mère m'avait laissée avec la nourrice dans le jardin du petit château, mais la nourrice s'était éloignée et m'avait laissée seule.
La jeune princesse héritière se promenait dans une allée voisine, quand les pleurs d'un enfant attirèrent son attention. Elle se précipita vers l'endroit d'où provenaient les pleurs et lorsqu'elle me trouva allongée sur l'herbe, elle me reconnut aussitôt. La grande dame me prit dans ses bras avec compassion, essaya de me réconforter et me porta vers ma mère, qui se hâtait dans notre direction. Avant de me remettre à ma mère, la princesse a pris mon petit poing de bébé, le secoua en direction de maman et lui dit:
«La petite Hélène ne doit pas être abandonnée comme cela, elle est née pour être aimée et elle va pleurer jusqu'à en mourir si on la laisse seule."
Cette petite anecdote datant de ma plus tendre enfance m'a souvent été racontée par ma mère.
Ah! Combien de fois ai-je plus tard pleuré amèrement quand j'étais abandonnée par ceux qui étaient supposé m'aimer; mais alors, aucune gentille princesse ne vint pour m'emmener et me consoler dans ma solitude, et les «princes» qui se proposaient à cette fin comprenaient les termes «amour» et «être aimé» dans un sens tout à fait différent de celui qui avait animé la bonne fée de mes premiers jours.
Parmi les souvenirs des années de ma première enfance, les plus marquants sont ceux de mon amitié avec le prince héritier Louis, -qui devint plus tard le roi Louis II.- si l'on peut qualifier d' une épithète si sérieuse la camaraderie d'êtres si jeunes.
Le roi Maximilien II avait succédé à son père Louis Ier, qui avait abdiqué à la suite de l'épisode de Lola en 1840, et mes parents appartenaient alors au cercle intime des jeunes monarques qui étaient aimés de tous. Je fus choisie comme la camarade qui convenait le mieux pour le prince héritier.
Nous nous sommes souvent rencontrés et fûmes initiés ensemble, par la baronne Meilhaus, sa gentille gouvernante, aux mystères profonds de la lecture, de l'écriture et de l'arithmétique.
Malgré les quantités de jouets mis à la disposition du prince Louis et du Prince Othon, nos jeux préférés étaient le produit de notre imagination. Notre idéal le plus élevé était d'«être des fées» . Nous transformions rideaux et portières en vêtements fleuris et en ailes , dans lesquels nous nous drapions pour devenir les héros et l'héroïne d'une grande aventure féerique et merveilleuse.
Peut-être était-ce à cette époque que fut semée en nous la semence qui devait fleurir plus tard sous la forme du merveilleux attrait qu'exerça sur lui l'art dramatique de Richard Wagner, et qui me porta sur les planches d'un théâtre célèbre.
Notre amitié a duré de nombreuses années, et je me souviens de plusieurs traits de ce roi, qui plus tard devint tellement génial, et fut finalement si malheureux.
Il fut élevé très strictement, et on lui apprit spécialement à être aimable envers ses inférieurs. Un de nos jeux consistait à nous pencher par la fenêtre et à cracher; je n'ai aucun doute que ce fut moi qui en eut l'idée.
Bien sûr, la baronne Meilhaus se trouvait bien loin de l'endroit où cela se passait. Un jour, le vieiuxserviteur de mon père passait sous la fenêtre où nous nous tenions et reçut notre indésirable cadeau sur la tête. Nous étions presque morts de rire, tandis que le vieillard, en levant les yeux, criait avec colère: «Qui sur terre fait une telle saloperie?», lorsqu'il reconnut le prince héritier et s'arrêta tout net
Notre joie fut de courte durée. Le destin nous rattrapa sous la forme de la baronne Meilhaus, qui nous attrapa tous les deux et nous força à avouer; ce que nous fîmes en tremblant, mais tout à la fois en nous réjouissant du succès de notre exploit. Elle avait l'air très sévère, et appelant le vieux serviteur, elle ordonna au prince héritier de s'excuser. Bien sûr, je fus obligée de faire de même. Le vieil homme en fut très touché et embarrassé, mais quand il eut quitté la pièce, nous nous regardâmes avec des joues écarlates, et le prince héritier me murmura aux oreilles: «Ce n'était vraiment pas gentil de notre part. Je suis désolé pour le vieil homme et je lui ferai un cadeau. "
Une autre des nos brillantes idées fut de décapiter quelques magnifiques grands soldats de plomb. Je m'étais tout à coup souvenue que dans le charmant conte de fées d'Andersen du vaillant soldat de plomb, le soldat développe un sentiment si tendre pour la petite danseuse de papier, qu'il finit finalement par fondre dans un poêle; c'est cela qui m'avait amenée à considérer les soldats de plomb comme des êtres vivants. J'avais raconté l'histoire à mon petit royal ami, qui se mit soudain commencé à pleurer amèrement au beau milieu de notre jeu, parce que nous avions tué tant de splendides petits soldats. Comme lui, je pleurai à chaudes larmes jusqu'à ce que, étant l'aînée, je réalisai que que ces soldats de plomb ne pouvaient être en vie comme ceux du conte de fées d'Andersen; je me mis alors à le consoler.
Il fut d'accord avec moi, et très rapidement nous entamâmes joyeusement un autre jeu.
Cette charmante amitié se termina un beau jour sur une querelle survenue à propos d'un livre d'images.
Qui voulait avoir le livre d'images, qui l'avait, je ne m'en rappelle plus. Ce dont je me souviens, c'est que nous nous sommes tout à coup mis à nous battre, que j'ai frappé le prince héritier, et que lui, étant finalement victorieux, a arraché une poignée de mes cheveux roux dorés et qu'il les brandissait dans son petit poing.
La baronne Meilhaus ne parvenait pas à pas nous séparer, car nous nous battions comme deux chats sauvages. Soudain, la reine se tenait devant nous et s'écriait: «Enfants! Comment pouvez-vous agir ainsi? Etes-vous devenus fous?" La reine Marie était une femme très belle et charmante, et je l'adorais. Sa présence me fit aussitôt reprendre mes sens.
Les deux pécheurs éclatèrent en larmes; la grande dame nous parla avec gentillesse, et nous fit présenter mutuellement des excuses et redevenir amis - et ensuite ma gouvernante vint me chercher pour me ramener à la maison.
Lorsque mon père entendit parler de la dispute - en dépit du pardon des parents royaux, qui considéraient la querelle comme une bêtise enfantine - les rapports intimes entre son Altesse princière et ma "sauvagerie " furent interrompus. Après que mon père m'ait parlé très sérieusement de ce qui s'était passé, il ajouta: «On ne peut pas maltraiter ainsi son futur roi. Tu n'es pas digne de cette intimité privilégiée."
Ah! Cela m'a coûté beaucoup de larmes, car j'aimais le prince royal par-dessus de tout, et maintenant voila que je ne pouvais plus le visiter qu'à l'occasion de son anniversaire ou de la fête de son saint patron. A ces occasions, comme il lui était interdit de manger des sucreries, je lui apportais la seule chose permise: une bonbonnière avec des crottes en chocolat, qu'il partageait entre le prince Otto et moi-même. En grandissant, nous nous éloignâmes de plus en plus, bien que jusqu'à ce jour mon cœur ait toujours gardé une profonde affection et une grande admiration pour ce roi malheureux. Il m'a sans doute oubliée! Beaucoup plus tard, quand je devins veuve, il me fit envoyer par son maréchal, Von der Tann, des bonbons de sa table avec les mots: «Salut à mon petit camarade de jeu sauvage». Cela mit fin au rêve de mon enfance au sein du palais royal.
© Traduction Luc Roger. Tous droits réservés
Helene von Racowitza par Hans Makart |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire