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vendredi 22 septembre 2017

Les représentations privées de Louis II: Théodora de Victorien Sardou

Théodora (Sarah Bernhardt) et l'empereur (Garnier) dans la loge impériale
(Source: coupure de presse reprise par Gallica/BNF)

La Théodora de Victorien Sardou

L'écrivain et dramaturge français Victorien Sardou avait dédié à l'impératrice byzantine, femme de Justinien, un drame en cinq actes intitulé Théodora qui connut sa première le  27 décembre 1884 au Théâtre parisien de la Porte Saint-Martin. Lors de la représentation de la pièce, l'Impératrice fut jouée par Sarah Bernhardt.  Sardou, le « Napoléon de l'art dramatique », aux dires de ses contemporains, a par cette pièce introduit un public de masse à l'histoire et à l'art byzantin. Théodora est un drame romantique tardif avec une profusion de décors, de costumes opulents et de détails historiques plus ou moins plausibles, avec un cocktail de scandale, de meurtre, d'intrigue et de liaisons dangereuses.  Le spectacle fut acclamé comme le plus grand spectacle du 19ème siècle, porté par la Sarah Bernhardt, la muse de Sardou, une actrice chevronnée dans ses représentations de la femme fatale.

Voici comment le critique Henry Bauer analysait la pièce, qu'il qualifiait de "littérature archéologique", dans L'Echo de Paris du 29 décembre 1884, un long article dont nous reprenons ici quelques extraits: [...]Sardou s'est attaché à cet empire grandiose et déplorable de Byzance; il a été séduit par ce composite de civilisation raffinée et d'extrême barbarie, par ce mélange de dévotion fervente et de niaises superstitions, par ce spectacle de l'héritage des César traînant sur la fange des écuries et dans la loge des prostituées, Il a essayé de faire revivre sur la scène ces mœurs étranges, cette promiscuité de l'amphithéâtre et de la pourpre impériale, cette familiarité entre l'Auguste et les cochers ; enfin il a voulu restituer le tableau de Byzance et de l'empire d'Orient, ces révolutions de palais, ces empereurs tirés de la populace et dignes d'elle,ccs rues livrées chaque soir aux batailles, en l'honneur des cochers bleus ou des verts, et il a incarné ce misérable empire d'Orient, proie désignée aux barbares, dans son héroïne, la Théodora, une géniale et superbe intrigante, née dans les coulisses d'un cirque, prostituée de carrefour, montée en épouse légitime jusqu'à la couche de Justinien, d'où elle gouverne le monde.
[...]Sarah Bernhardt est merveilleuse dans cette création de Théodora, la plus belle peut-être de sa carrière.Tour à tour hautaine et tendre, amoureuse et terrible, menaçante et soumise, avec une variété infinie de voix, de geste et d'attitude, elle a des hardiesses heureuses d'abandon, des contorsions félines, des frémissements sauvages qui secouent toute une salle. Elle met une passion pénétrante aux moments d'amour, une puissance tragique sans pareille aux endroits de force.C'est une artiste réellement grande, au-dessus de toutes celles de son temps. [...]

A Munich en 1885

L'Allgemeine Zeitung avait déjà évoqué la pièce avant même qu'elle ne fût montée, alors que Victorien Sardou en faisait la première lecture au Théâtre de la Porte Saint-Martin. Suite à la première, le journal en donna un long compte-rendu très élogieux. Une traduction en allemand fut très vite publiée à Munich, dont voici la référence:

Sardou, Victorien, Theodora: Schauspiel in fünf Acten und acht Bildern, München : Königliche Hof- und Univ.-Buchdr., 1885

Le Roi Louis II de Bavière la fit monter aussitôt sur le théâtre de Munich pour une représentation privée qui eut lieu le 5 mai 1885.

A Munich, pour la représentation privée, les décors, les costumes et la mise en scène étaient conformes et copiés sur ceux du théâtre de la Porte Saint Martin. Le  coût de cette seule représentation s'éleva à 200,000 marks (en dehors du coût des décors et des costumes somptueux, la pièce ne comptait pas moins de 45 acteurs). La pièce fut donnée devant le roi Louis seul. A par un soldat des chevau-légers, faisant fonction de valet de chambre, personne ne pouvait pénétrer dans la salle.

A noter que la pièce connut un succès foudroyant tant à Paris qu'ailleurs en Europe: cette même année Berlin puis Vienne montèrent également Theodora.


Projet de Dollmann pour un palais byzantin

La pièce de Sardou lança en France la mode du byzantinisme. Mais Louis II n'avait pas attendu le génial auteur, il l'avait précédé depuis longtemps. On le sait, Louis II projeta notamment l'édification d'un palais byzantin dans le Graswangtal, près de Linderhof, dès 1868, un projet qu'il ne put jamais réaliser. Georg Dollmann avait conçu le premier projet d'un palais du style byzantin de 1869 à 1870 en cinq étapes de planification différentes. Les coûts de construction avaient  déjà été calculés avec un total d'environ 4300000 florins. Le projet n'avait pas été poursuivi pour une raison inconnue, mais le roi voulut à nouveau s'y attaquer vers la fin de sa vie, en 1885, ce qui doit correspondre au moment où il fait monter Theodora. Julius Hofmann, qui avait remplacé Georg Dollmann en tant qu'architecte en 1884, conçut un deuxième projet de palais byzantin. Le Roi, accablé de dettes, voulut cependant se lancer dans ce projet, comme une fuite en avant.

Après la mort du Roi

Après la mort du Roi, le théâtre royal mit très vite la pièce à l'affiche, de manière à rentabiliser les dépenses somptuaires du souverain. Le 31 août 1886, l'Allgemeine Zeitung en annonce la première publique pour le six septembre, ce qui devait relever de la même politique qui décidait alors de l'ouverture de tous les palais royaux au grand public:






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