Ouverture héroïque pour le
Festival Strauss hier soir à Garmisch, La directrice artistique du festival, la
Kammersängerin Brigitte Fassbaender, a placé le festival sous le thème du Héros et du Monde, le héros étant
Richard Strauss et la Musique sa musique, son monde, pour une semaine festivalière qui s'annonce passionnante et a débuté sous les meilleurs auspices.
C'est le prodigieux pianiste virtuose français
Bertrand Chamayou qui a ouvert la soirée en interprétant le
Burlesque en ré, une pièce concertante pour piano et orchestre que
Richard Strauss composa en 1886. Oeuvre de jeunesse de
Strauss où l'inspiration brahmsienne est sans doute perceptible, mais surtout oeuvre acrobatique pour le pianiste qui doit dévider des chapelets de claviers avec une rapidité fulgurante, et dont
Chamayou parcourt les vingt minutes avec une élégance athlétique et cela sans partition. L'oeuvre avait originellement été proposée sous le nom de scherzo en ré mineur au pianiste et chef d'orchestre
Hans von Bülow, chez qui
Richard Strauss apprenait la direction d'orchestre. Mais
von Bülow, un des meilleurs interprètes de la seconde moitié du 19e siècle, s'était refusé à jouer l'œuvre, prétextant d'une trop grande difficulté technique (« Il y a une position de main différente pour chaque mesure »). Qui plus est,
von Bülow aurait montré de l'humeur à propos de cette pièce: "...glauben Sie ich setze mich vier Wochen hin um eine so wiederhaariges Stück zu studieren?" (librement traduit: "vous ne pensez tout de même pas que je vais m'installer au piano pendant 4 semaines pour démêler une pièce aussi touffue?"). On ne dit pas combien de temps
Bertrand Chamayou a mis pour maîtriser l'oeuvre, mais le résultat est époustouflant et d'une beauté héroïque! Couronné l'an dernier du titre de meilleur soliste instrumental à la Victoire de la musique classique,
Chamayou vient d'ajouter un nouveau diamant à la couronne de son répertoire et nous en a offert hier soir les scintillements en parfaite intelligence avec le
Münchner Rundfunkorchester et son chef
Ulf Schirmer.
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Crédit photographique: Y. Mavropoulos |
Après une telle prestation, célébrée par un tonnerre d'applaudissements, c'est une autre grande interprète, l'incomparable soprano colorature
Marlis Petersen, qui est venue apaiser les feux allumés du
Burlesque avec une interprétation sensible et souveraine des
Vier Letzte Lieder (Quatre derniers Lieder). C'est que le monde héroïque de
Strauss est aussi fait d'inspiration amoureuse, familière, intimiste et extatique. C'est ici l'extase d'une nature apaisante et d'une vie apaisée que chante
Petersen avec une ligne mélodique ravissante, et une justesse de ton alliée avec une réserve et une douceur qui donne à voir l'orient perlé de son colorature. L'interprétation de
Petersen est intériorisée et sa délicatesse permet de goûter pleinement les nuances des poèmes d'
Hermann Hesse et de
Joseph von Eichendorff, qui correspondent si bien à la spiritualité straussienne et à son amour de la nature, que le compositeur de Partenkirchen a si bien rendus dans ces derniers grands chants orchestraux de la longue tradition musicale des Lieder allemands. Le dernier vers« Ist dies etwa der Tod ? » (« Serait-ce déjà la mort ? ») donne une vision sereine de la mort, fin naturelle d'un parcours d'une vie héroïque accomplie, ce que nous communique parfaitement
Marlis Petersen. L'éblouissante et ravissante Lulu que l'on a pu encore entendre il y a deux ans au Bayerische Staatsoper, nous expose ici avec brio les secrets plus intimistes d'une vie réussie.
En seconde partie,
Ulf Schrimer et le
Münchner Rundfunkorchester donnent une interprétation enlevée et poignante du poème symphonique
Une vie de héros (Ein Heldenleben, op. 40) que composa
Richard Strauss en 1897-1898, trois ans après
Ainsi parlait Zarathoustra. Poignante non seulement par la qualité de l'exécution mais aussi parce que le fructueux parcours conjoint du Directeur général de l'Opéra de Leipzig et du
Münchner Rundfunkorchester se termine en cette fin de saison. Le héros dont il est question, c'est le compositeur lui-même, qui se décrit dans cette oeuvre aux beautés bouleversantes avec des accents d'une fierté souvent conquérante, mais aussi avec la distance de l'ironie et les délicatesses de la tendresse, notamment celles d'une vie amoureuse et familiale réussie, L'oeuvre introduit dans son troisième mouvement la "compagne du héros", le solo de violon, magistralement interprété hier soir par la première violon de l'orchestre. La parfaite collaboration entre l'
Orchestre de la Radio de Munich et
Ulf Schirmer a reçu pour ce dernier spectacle le couronnement glorieux des lauriers de la réussite et de l' excellence.
A noter que ce concert exceptionnel pourra être réécouté en différé à la radio ce 2 juillet à 19H05 sur BR Klassik.
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