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vendredi 27 janvier 2017

Bon anniversaire Wolfgang Amadeus, avec les mots de Wagner


Mozart est né le 27 janvier 1756 à Salzbourg. Quelques décennies plus tard, Richard Wagner écrivit de 1840 à 1841,pendant son premier séjour en France, une série d'articles pour la Revue et Gazette musicale de Paris. Dans le premier d'entre eux, intitulé Sur la musique allemande, il évoque la musique de Mozart. En voici l'extrait dans la traduction de Guy Charnacé en 1874:
" [...] Le génie allemand paraît destiné, pour ainsi dire, à prendre chez ses voisins tout ce qu’il n’a pas créé, pour en agrandir ensuite la sphère d’action étroite, et la faire rayonner sur le monde entier. Naturellement, c’est là une tâche que celui-là seul peut remplir qui ne s’est pas contenté de s’introduire dans une nationalité étrangère mais qui a conservé pur et intact l’héritage de sa naissance allemande. Cet héritage c’est la pureté du sentiment, la chasteté de la conception. Quand il conserve ce don, l’Allemand doit pouvoir sous tous les climats, dans toutes les langues et chez tous les peuples, produire ce qu’il y a de plus-parfait. C’est ainsi que nous voyons un Allemand élever l’école italienne de l’opéra jusqu’à l’idéal le plus parfait, et la faire connaître à ses compatriotes, ennoblie, élargie, universalisée. Cet Allemand, ce grand, ce divin génie, ce fut Mozart. En lisant l’histoire de l’éducation, du développement et de la vie de ce seul Allemand, on lira l’histoire de tout l’art allemand, de tous les artistes allemands. Son père était musicien ; il fut donc élevé pour la musique, vraisemblablement dans le simple but d’eu faire un honnête musicien gagnant son pain avec son art.
Dans sa plus tendre enfance, il apprit la partie la plus difficile de la science. Encore bien jeune, il en devint complètement maître. Un caractère doux et enfantin, et surtout des sens délicats lui permirent de s’assimiler profondément son art ; le génie le plus vaste l’éleva au-dessus de tous les maîtres, dans tous les arts, et dans tous les siècles. Pauvre jusqu’au dénuement, pendant sa vie, repoussant modestement les propositions les plus avantageuses et même les plus magnifiques, il portait déjà, sur les traits du visage le type accompli de sa race. Réservé jusqu’à la timidité, désintéressé jusqu’à l’oubli de lui-même, il produisit les œuvres les plus étonnantes, laissant à la postérité des trésors inestimables, sans croire qu’il fit autre chose que céder à son génie créateur. Aucune histoire de l’art ne présente une figure à la fois aussi touchante et aussi majestueuse.
Mozart réunissait au plus haut degré les facultés universelles dont se trouve doue le génie allemand, comme je l’ai déjà dit. Il s’assimila un art étranger pour le généraliser. Ses opéras furent écrits en langue italienne, parce qu’à cette époque cette langue était disait-on la seule qui se prêtât au chant, mais il se débarrassa si complètement de toutes les faiblesses de la manière italienne, il ennoblit à tel point ses qualités, il la fondit si complètement avec la vigueur et l’énergie allemandes dont il était pénétré, qu’il finit par créer quelque chose de complètement nouveau. Sa première création fut la plus belle, la plus idéale floraison de la musique dramatique. C’est à partir de cette date que l’opéra put être considéré comme naturalisé en Allemagne. À cette époque aussi s’ouvrirent les théâtres nationaux, pour lesquels oa écrivit des opéras en langue allemande.
Pendant l’éclosion de cette grande époque, pendant que Mozart et ses prédécesseurs créaient ce nouveau genre, né en partie de la musique italienne, il se préparait d’un autre côté, une musique théâtrale nationale ; c’est de la fusion de ces deux genres qu’est sorti le véritable opéra allemand. L’élément germanique était représenté par des saynettes chantées telles qu’elles s’étaient produites loin de l’éclat des Cours, au milieu du peuple, s’inspirant de ses mœurs et de ses coutumes. Ces pièces chantées, ou opérettes, avaient une analogie incontestable avec le vieil opéra-comique français.
Les sujets de la pièce étaient pris dans la vie populaire, et représentaient, les mœurs des classes inférieures. Ils étaient, surtout, d’un caractère comique, d’un esprit vif et naturel. Vienne peut être regardée comme la véritable patrie de ce genre. C’est dans cette capitale qu’il s’est le plus acclimaté ; une grande naïveté chez ses habitants leur faisait toujours préférer ce qui était le plus compréhensible pour leur esprit si naturel et si gai. C’est également à Vienne, que les pièces nationales prirent leur plus grand développement.
Le compositeur s’y bornait la plupart du temps à des lieder et des ariettes ; toutefois on y rencontrait déjà des morceaux d’une musique caractéristique, comme par exemple, dans le délicieux Barbier de Village. Ce genre eut avec le temps pris de plus grands développements, mais il devait disparaître en se fondant dans la grande musique d’opéra. Il avait atteint néanmoins, réduit à ses seules ressources, une certaine importance ; et l’on voit avec étonnement, qu’à l’époque où les opéras italiens de Mozart étaient, à leur apparition, traduits en allemand et représentés devant le public national, l’opérette devenir plus luxueuse, en prenant pour sujets des légendes populaires et les contes fantastiques qui plaisaient davantage à l’imagination allemande.
Enfin, un fait décisif eut lieu. Mozart lui-même se laissait aller au courant national vers l’opérette allemande, et composa, dans cet esprit, le premier grand opéra allemand : La Flûte enchantée. L’Allemand ne saurait trop estimer l’heureuse et féconde influence de cette œuvre. Jusque-là, l’opéra allemand n’existait pour ainsi dire pas. Il a pris naissance avec elle.
L’auteur du livret et le directeur du théâtre ne croyaient pas représenter autre chose qu’une grande opérette en donnant la Flûte enchantée. Aussi l’œuvre prit-elle, au début, un caractère des plus populaires. Son point de départ, une fable fantastique, et de merveilleuses apparitions féeriques, mêlées à un fort élément comique, contribuèrent à son succès. Mais quel édifice Mozart a élevé sur ces assises féeriques ! Quel divin enchantement flotte sur toute cette œuvre, depuis la chanson populaire jusqu’à l’hymne le plus élevé ! Quelle variété, quelle diversité ! La quintessence des plus nobles floraisons de l’art paraît être ici combinée et réunie pour ne former qu’une fleur. Quel accent populaire naïf, spontané, en même temps que noble dans chaque mélodie, depuis la plus simple jusqu’à la plus puissante !
Par ce fait, le génie a marqué ici un pas de géart presque trop grand ; car, en créant l’opéra allemand, il produisait son chef-d’œuvre, et si complet qu’on ne l’égalera jamais, dans ce genre qui ne peut être ni agrandi, ni même continué. [...]


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