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mardi 6 janvier 2015

3ème Concert d'Académie du Bayeriches Staatsorchester: Brahms, Nielsen et Debussy

Constantinos Carydis
Le troisième Concert d'Académie de l'Orchestre national de Bavière offre un parcours intéressant de Brahms à Debussy en passant par une oeuvre du  Danois Nielsen en guise de chaînon manquant. La juxtaposition de Brahms et de Debussy dans une même soirée est sans doute empreinte de diversité, car Debussy n'appréciait pas particulièrement la musique de Brahms, - c'est le moins qu'on puisse dire-,  puisque, en en parlant, il évoquait des  "rocailleries ennuyeuses".  Le choix d'interpréter le Pan et syrinx de Nielsen, une oeuvre que le chef Constantinos Carydis a découverte au détour de son étude du Prélude à l'après-midi d'un faune, fait le lien en Brahms et Debussy. Le jeune Nielsen avait une admiration éperdue pour le compositeur hambourgeois,  qu'il était venu visiter à Vienne en 1894 pour lui exprimer sa reconnaissance et lui dédicacer sa première symphonie, que le compositeur allemand avait accueillie avec bienveillance. Brahms n'aurait cependant sans doute pas réservé le même accueil au Poème symphonique Pan et syrinx, composé en 1918, une oeuvre dont la thématique s'inspire de la mythologie grecque antique, tout comme le mallarméen Prélude à l'après-midi d'un faune. Constantinos Carydis, en  bonne logique, ménage la césure de l'entracte entre le concerto de Brahms et les oeuvres de Nielsen et de Debussy, qu'il interprète presque d'un seul tenant, sans laisser le temps des applaudissements à la fin du Pan et syrinx: Carydis donne aussitôt le signal de l'entame de La Mer, pour bien souligner le continuum entre les deux oeuvres.

Gerhard Oppitz
En première partie, l'Orchestre national de Bavière interprète le premier Concerto pour piano de Brahms, une oeuvre de jeunesse étonnamment empreinte de maturité. La partie pour piano est exécutée par un des meilleurs interprètes de Brahms, Gerhard Oppitz, un pianiste de renom qui a acquis ses lettres de noblesse les plus prestigieuses  en communiquant son amour pour l'oeuvre du compositeur romantique allemand. Oppitz considère le premier concerto comme un monument fascinant et impressionnant, la représentation artistique d'une grande variété de pensées et d'émotions, avec une alternance de moments des grande expression dramatique, des passages poétiques, méditatifs, des passages joyeux, des phases de fantaisie ludique, de la beauté lyrique. La performance du pianiste est étroitement liée à la qualité de sa communication avec l'orchestre, car leurs parties s'interprénètrent. La qualité de la direction de Constantin Carydis, le jeu magistral du pianiste et la complicité d'un orchestre dont les cordes jouent avec une unisson exceptionnelle ont permis la magie de l'osmose qu'exige cette oeuvre dont l'exécution est périlleuse si tous ces éléments ne sont pas réunis. Trois rappels ont salué cette rencontre musicale de grande qualité.

Changement de ton dans la deuxième partie avec des oeuvres  moins théâtrales mais très inspirées. Beaucoup découvrent avec bonheur la composition de Carl Nielsen qui illustre de manière réaliste la thématique grcque antique qu'elle veut représenter, et que Nielsen a sans doute découverte par le biais des Métamorphoses d'Ovide. Le poème symphonique illustre l'invention de la flûte de Pan par le dieu qui est tombé amoureux de la nymphe Syrinx. Poursuivie, cette dernière a demandé l'aide des nymphes de la rivière. Elle fut alors transformée en un roseau creux qui se mit à émettre un son sifflant et chantant lorsque le vent s'est mis à souffler. Pan se mit alors à couper les roseaux de longueur inégale et les attacha ensemble avec de la cire pour créer  un instrument de musique auquel il donna le nom de syrinx, en souvenir de son  amour déçu pour l'hamadryade. Nielsen a écrit une oeuvre qui privilégie les solos de bois, un travail nuancé et rigoureux, d'une grande force poétique, avec des touches inspirées et charmantes, que l'orchestre et ses solistes ont rendu avec une délicatesse toute impressioniste. Le poème symphonique se joue en seulement dix minutes de pure déléctation.

On attendait avec grand intérêt la manière dont Constantin Carydis allait diriger La mer de Claude Debussy, sachant que le maestro grec dirigera une des premières les plus attendues de la saison munichoise, le Pelléas et Mélisande du compositeur français. Et son interprétation est des plus prometteuses: Carydis semble pénétrer l'esprit du compositeur pour en communiquer la quitessence avec une sensibilité pénétrante et une émotion habitée. L'idée de juxtaposer cette oeuvre phare de Debussy avec le poème symphonique de Nielsen est des plus heureuses et témoigne de la finesse de l'esprit de recherche qui anime le maestro.  Il nous fait voyager dans la cosmologie debussyienne en surfant sur ses vagues et en nous laissant emporter dans ses tempétueuses bourrasques ou en nous en faisant admirer les palettes croissantes d'un lever de soleil. L'orchestre de Bavière se laisse lui aussi emporter par  la vision de Constantin Carydis: le mouvement des cordes et des flûtes qui symbolise le flux et le reflux des vagues est tout simplement magnifique, les violoncelles chantent le retour de la bonce et le son de la flûte s'élève comme l'envol d'un oiseau marin, le théâtre national a disparu, l'orchestre et son chef nous font partager leur croisière. Et l'émotion des passagers que nous sommes devenus de se traduire dans des bravi et des trépignements d'allégresse et de reconnaisance lyrique.

Le Pelléas et Mélisande qui ouvrira le Festival d'été de l'opéra bavarois (Münchner Opernfestspiele) est confié aux meilleures mains, des mains qui, "vers le ciel plein de lacs de lumière, s'envolent quelquefois telles des oiseaux blancs", les mains de Carydis qui dirigent l'orchestre sans baguette et convient les âmes à des océans de musique.

En radio, BR-Klassik diffuse ce soir le concert du Bayerisches Staatsorchester en direct du Théâtre national de Munich à partir de 20 H. Le concert est ensuite disponible à l'écoute pendant sept jours sur le site internet de la radio bavaroise. L'occasion de découvrir le travail et la vision d'un grand chef. www.br-klassik.de

Constantin Carydis dirigera ce mois-ci les représentations du Don Giovanni de Mozart, et le Pelléas et Mélisande lors du Festival d'été.



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