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lundi 17 novembre 2014

Un nouveau départ pour le Münchner Symphoniker

Le Münchner Symphoniker fait son début de saison sous les meilleures auspices: un nouveau chef, un divan jaune et la violoniste Hyeyoon Park en artiste virtuose invitée.

Kevin John Edusei
Avec son Divan jaune, le  Münchner Symphoniker mise sur la communication

Kevin John Edusei vient de prendre ses fonctions comme nouveau Directeur musical de l'Orchestre symphonique de Munich. Homme de contact et de relation, il entreprend son public avec de nouvelles initiatives qu'il met en place de concert avec Annette Josef, l'Intendante de l'Orchestre. Ensemble ils conçoivent les programmes et déterminent la politique musicale de la maison, et c'est ensemble qu'ils ont décidé de faire précéder les concerts de ce qu'ils ont dénommé le Divan jaune (Gelbe Coach): un moment convivial avec le public pour présenter le concert qui va suivre. Sur la scène, un divan jaune, la couleur de marque de l'orchestre, où ils viennent s'installer pour un dialogue en toute décontraction sur les oeuvres qu'ils ont choisi de nous présenter, et pour inviter le public à collaborer au choix des programmes. A l'entracte et après la représentation, il pourra donner son avis sur des bulletins mis à sa disposition. L'atmosphère de ce premier divan jaune est bon enfant, souriante et relâchée, la conversation enjouée, intéressante sans devenir trop technique, et parsemée de saillies humoristiques. 

C'est ensuite un bonheur de voir Kevin John Edusei à l'oeuvre. Ce jeune chef allie charisme, finesse et élégance. Elancé,  vêtu d'une redingote ajustée qui souligne sa félinité athlétique, il entreprend son orchestre tant par sa gestuelle que par l'expressivité de son visage qui indique clairement les émotions musicales qu'il souhaite voir exprimée par son orchestre.

Des variations de Braunfels  et le concerto pour violon de Korngold

Le programme de la  première partie de la soirée est davantage axé sur la découverte d'oeuvres superbes mais moins connues du plus grand nombre, sans doute parce que ces deux compositeurs ont créé ces oeuvres en décalage avec l'esprit de leur temps.

Les Variations symphoniques sur une vieille chanson enfantine française (1909) de Braunfels (1882-1954) font partie des premières succès de ce compositeur originaire de Francfort. L'oeuvre se construit au départ des rythmes d'une chanson enfantine amusante, En passant dans un petit bois (Coucou), et, sans en avoir l'ampleur,  n'est pas éloignée de l'esprit des variations de Reger sur des thèmes de Beethoven ou de Mozart, un compositeur dont l'influence est ici patente. Kevin John Edusei mène le Münchner Symphoniker au meilleur de lui-même dans une interprétation aboutie de cette oeuvre aux opposition subtiles qui porte en elle la nostalgie du romantisme musical. La complicité de l'orchestre et de son nouveau chef est déjà manifeste dans l'exécution de cette oeuvre, et laisse présager un bel avenir au fil d'une collaboration que l'on espère complice et stimulante. A l'écoute de leur performance, on aimerait les entendre dans les Apparitions fantastiques du même compositeur, une oeuvre à l'instrumentation encore plus aboutie.

Hyeyoon Park
Korngold ensuite avec son concerto pour violon en ré majeur, opus 35 (1937–1945).  Korngold avait esquissé ce concerto dès 1937, mais ne l'avait achevé qu'en 1945. Il y effectue des emprunts intéressants à sa musique de films composée à Hollywood. Korngold disait de ce concerto qu'il l'avait composé « pour un Caruso du violon, plutôt que pour un Paganini ». Sans doute le public munichois a-t-il pu vivre la rare expérience d'entendre et Caruso et Paganini dans l'interprétation magistrale et perlée qu'en a donné la violoniste sud-coréenne Hyeyoon Park, une jeune violoniste âgée de 22 ans. Munich se souvient encore de cette musicienne  exceptionnelle qui avait remporté avec cette même oeuvre le Premier Prix du Concours de musique international ARD en 2009, ce qui en avait fait la plus jeune lauréate de l'histoire du Concours.

L'entrée en scène de la violoniste est un ravissement: une jeune femme élancée s'avance dans une somptueuse robe bustier sirène noire et beige, une robe moulante qui souligne la cambrure de sa taille, la lourde chevelure noire retombe sur le cou en en soulignant la délicatesse, le bas de la robe en embout de trompette vient souligner la souplesse et l'élancement du corps qui s'en élève. La star du violon s'avance avec gentillesse et modestie, mais, dès la fin des applaudissements d'accueil,  le jeu de la séduction va  laisser place à la musique, et, dès les premières attaques du violon, la douceur de l'apparition quasi angélique de la jeune femme va s'estomper pour donner à voir et surtout à écouter une artiste extrêmement concentrée à la puissance inspirée, avec des moments tsiganes. Le corps tendre vibre et se tend comme un liane. Le jeu de la violoniste transcende l'oeuvre de Korngold et aspire l'orchestre qui dialogue avec le violon dans une parfaite unisson. Le concerto connaît un développement magique, avec un chef attentif à donner vie à une osmose rare. Lors de la création de l'oeuvre, un critique new yorkais avait fait un jeu de mots cruel sur le nom du compositeur en disant que que ce concerto était  « more corn than gold » ("plus de maïs que d'or"). L'artiste sud-coréenne, que ce concerto a contribué à révéler,  révèle à son tour, en l'habitant d'une manière adamantine, la beauté lumineuse de la musique de Korngold.

Aimez-vous Brahms?

Pour la deuxième partie du concert, Kevin John Edusei et Annette Josef ont choisi de faire jouer la quatrième symphonie de Brahms. Si Braunfels et Korngold sont quasi contemporains, le choix de présenter une symphonie romantique dans une même soirée tient davantage d'une intuition et d'un rapprochement thématiques. La musique de Braunfels comporte de nombreux éléments d'un romantisme tardif, et le dernier mouvement de la symphonie n°4 est composé sur le mode des variations. Ainsi la fin du concert rejoint-elle son entame.

L'oeuvre est d'une interprétation épineuse, avec des rapports de tempos qu'il faut ménager avec rigueur et cohérence, et des changements abrupts dont il faut savoir dégager l'expressivité. Kevin John Edusei mène ici l'orchestre avec subtilité dans les jeux de la tension/détente brahmsienne.

Après une première partie plus solaire, ces variations de Braunfels enlevées avec brio et l'apothéose du Korngold, il y avait de l'audace à emmener l'orchestre sur le parcours périlleux de la quatrième de Brahms. On perçoit en tout cas nettement que le Münchner Symphoniker a pris sous sa nouvelle direction un nouvel élan, dont on suivra avec intérêt le développement.

Plus d'infos et programme du Münchner Symphoniker: cliquer ici.

Prochain concert: le Requiem de Verdi ce jeudi 20 novembre au Gasteig.


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