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mardi 10 juin 2014

L'Opéra de Bavière a fêté les 150 ans de Richard Strauss

Franz Welser-Möst dirige l'Orchestre d'Etat de bavière

Le Bayerische Staatsoper a fêté hier le 150ème anniversaire de la naissance d'un des dieux de la maison, Richard Strauss. Hausgott (dieu lare), un titre prestigieux décerné à trois compositeurs et dont Strauss a été honoré à l'instar de Mozart et de Wagner. Protectrices de la grande maison d'opéra munichoise, leurs trois têtes sculptées accueillent le public dans le second hall d'entrée.

Il était prévu que Kirill Petrenko, le Directeur général de la musique du BSO, soit au pupitre de cette soirée. C'était sans compter avec les implications de la préparation des Soldaten de Zimmermann qui a sollicité la présence du Maestro bien au-delà de ce qui était prévu, avec le magnifique résultat que l'on connaît. De nombreux spectateurs ont comme on pouvait s'y attendre regretté son désistement. Mais quand on saura qu'il a été remplacé par un chef issu du panthéon de la direction musicale d'opéra, rien moins que le Directeur général de la musique de l'Opéra de Vienne, Franz Welser-Möst, on comprendra que le public a tôt fait de ravaler sa déception pour se mettre à l'écoute d'une des plus belles soirées straussiennes que Munich ait jamais connues! Faire l'expérience de la direction d'orchestre de Welser-Möst, qui, on le sait, dirige aussi le prestigieux Cleveland Orchestra, c'était une opportunité rare dont les quelques pauvrets qui ont à la hâte tenté de revendre leurs billets sous le parvis du Théâtre national n'ont sans doute pas saisi la portée. C'était la première fois qu'on avait l'occasion de le découvrir à Munich! Et quelle découverte, rien que du bonheur!

Une soirée vraiment exceptionnelle avec l'Orchestre d'Etat de Bavière et ses merveilleux musiciens qui ont répondu avec un art consommé aux indications d'une précision minutieuse d'un Maestro rompu tant à la fougue  qu'aux nuances et aux subtilités du langage straussien. 

La soirée commence avec les seules cordes par la triste musique de ce long adagio parfois tourmenté que sont les Métamorphoses, une oeuvre du dernier Strauss, qui lui aurait été inspirée par la destruction de Munich à la fin de la deuxième guerre, et notamment par celle du Théâtre national en 1943. Welser-Möst et les 23 instrumentistes à cordes sont parvenus par leurs harmonies exquises à rendre toute la délicatesse de cette oeuvre si poignante. 

Soile Isokoski chante les 4 derniers Lieder de Richard Strauss

L'Orchestre au grand complet accompagne ensuite la soprano finnoise Soile Isokoski qui chante une seconde oeuvre crépusculaire de Strauss, les Vier letzte Lieder. Une pure merveille que le Maestro autrichien  a dirigé avec un doigté ineffable  avec une parfaite connaissance de cette musique straussienne qui passe des majestueux mouvements d'ensemble de l'orchestre à un traitement similaire à celui d'un orchestre de chambre, dans lequel des instruments isolés se répondent çà et là, et qui laisse la pureté du chant s'élever dans l'allegretto printanier. Printanier comme l'est Soile Isokoski qui nous gratifie d'une robe noire aux larges fleurs rouges imprimées avec une étole de gaze verte sur les épaules, et surtout de la ligne si pure d'un  chant qui semble onduler au-desuus d'un champ de coquelicots. Dans le deuxième Lied, sa voix semble suivre l'âme libérée et l'accompagner en lévitant dans les airs, Isokoski donne de telles nuances qu'on peut presque suivre le chemin coloré et psychédélique de ses sonorités aux ailes fluides et dorées (Und die Seele unbewacht will in freien Flügen schweben...). Enfin, dans Im Abendrot, elle parvient à rendre quelque peu moins tragique le Ist dies etwa der Tod? en laissant planer comme un parfum d'espérance dans le sérieux de l'évocation crépusculaire de la mort. Voilà une chanteuse débordante de gentillesse souriante et d' amour et qui accompagne son chant d'un coeur sur la main! Cette attitude de simplicité et de don, ce service de l'art lyrique, cette modestie à l'heure du succès et de la maturité sont assez rares pour mériter d'être soulignés. Le nom de Soile Isokoski signifie lumière du nord, et quelle lumière cette aurore boréale nous apporte-t-elle dans la richesse colorée de ses inflexions et de ses intonations musicales! Merci, Madame!



Après l'entracte, place à la fête de l'amour. Au Strauss sérieux et grave de la maturité succède le Strauss plus léger, plus primesautier  et plus brillant de la jeunesse avec son Don Juan:  son premier mouvement si joyeux et ce tendre dialogue amoureux entre un hautbois et une clarinette dans le deuxième mouvement, deux instruments délicatement détachés par Franz Welser-Möst et superbement interprétés. Le Maestro rend parfaitement le silence du dernier mouvement avec un bel arrêt du geste pour rendre le silence de la mort du séducteur, que le public attentif a bien perçu en retenant lui aussi son souffle, avant le crépitement des applaudissements.

Golda SchultzEnfin, en apothéose, le somptueux tercet final du Rosenkavalier, interprété par Soile Isokoski en Maréchale, Golda Schultz (photo) en Sophie von Faninal et  la mezzo Michelle Breedt en Octavian. Soile Isokoski  qui est une des grandes Maréchales de ce début de siècle a déjà chanté le rôle en mars, on la réentendra en juillet lors des Münchner Opernfestspiele. La sud-africaine Golda Schultz donne une délicieuse et ravissante Sophie, avec une voix chaude, riche et nuancée, on la retrouvera aussi avec plaisir  en juillet au festival d'été. Munich la connaît depuis ses débuts dans la maison en Comtesse en 2012. Elle a fait ses débuts en Sophieau Théâtre de  Klagenfurt,  où elle fait partie de la troupe. Michelle Breedt donne un bon Octavian dont elle arbore le costume masculin avec une rose rouge à la boutonnière. On s'amuse beaucoup pendant ce final!

Un véritable ballet de fleurs clôture cette représentation festive: après que les protagonistes ont été dûment fleuris, Soile Isokolski remet son bouquet au premier violon, Welser-Möst à la deuxième violoniste avec un geste à l'orchestre, pendant que Michelle Breeedt détache une rose de son bouquet pour la déposer sur le pupitre du chef qui s'en saisit pour la donner à la soprano finnoise. Des gestes élégants  à l'image d'une soirée fabuleuse et de son inspirateur, le plus grand des compositeurs munichois, Richard Strauss!

Crédit photographique des photos de la soirée: Wilfried Hösl /Bayerische Staatsoper


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