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jeudi 13 octobre 2011

La Fiancée vendue appuye sur le champignon au Theater-am-Gärtnerplatz

   
Datei:Milchpilz DSCN9459.JPG
Pilzkiosk
Kiosque en forme de champignon
Photo Giacomo1970

Non vous n'hallucinez pas! Cela champignonne sous toutes les formes en ce début de saison au Theater-am-Gärtnerplatz, avec la Fiancée vendue de Smetana mise en scène par le talentueux Peter Baumgardt.

Baumgardt place l'action au début des années 50, alors que le Plan Marshall essaye de relever l'Allemagne de ses cendres. On soutient l'esprit de (petite) entreprise, et c'est sous cet angle que Baumgardt représente la famille de la jeune Marie. Ses parents lui ont offert un Michpilz, un de ces kiosques en forme de champignon (Pilz en allemand) où l'on vendait alors des produits laitiers (Milch). Aujourd'hui ces kiosques vente de produits laitiers locaux existent encore dans des pays du tiers monde comme à Bamako,  au Mali par exemple. C'est bien imaginé de la part de Baumgardt: alors comme aujourd'hui, c'est ainsi qu'on a modestement favorisé la petite entreprise et qu'on a voulu et veut encore réanimer l'économie locale.

Marie entre en scène en solex, elle appuye sur le champignon de sa nouvelle mobylette que des parents aux ambitions modestes lui ont offert en même temps que le champignon lactifère.


Die verkaufte Braut, Kinder      © Hermann Posch

Mais voilà, les généreux parents n'ont pas le sou, et l'argent vient d'un contrat de mariage négocié par un marieur, mariage qui doit unir Marie à Wenzel, le fils d'un riche fermier des environs, qui supportera l'ensemble des frais. Tout cela serait fort bien, si Marie n'en aimait un autre, le bel Hans qui l'aide dans l'installation de son kiosque.

Le scénario du livret de Karel Sabina est réglé comme du papier à musique, et Peter Baumgardt en a admirablement saisi le mouvement dans une mise en scène magnifiquement choréographiée: Wenzel, un jeune homme complexé et bégayant étouffé par une mère possessive, comprend que Marie n'est pas pour lui et s'en va sur la mobylette pour  tomber amoureux d' une artiste de cirque, une danseuse tout à fait croquignolette. Le marieur se fait berner par Hans qui lui soutire de l'argent pour renconcer à la main de Marie, il vend sa fiancée et signe un contrat par lequel il accepte que Marie épouse le fils du riche paysan Micha. Mais voila, Micha a deux fils, Wenzel et ...Hans, qui était parti faire sa vie ailleurs et que ses parents n'avaient plus vu depuis longtemps. Tout se termine pour le mieux dans le meilleur des mondes: Wenzel épousera sa danseuse, Hans épousera Marie et se réconciliera avec ses parents, et le marieur, qui en est pour ses frais, devra faire contre mauvaise fortune bon coeur. Comme aurait pu le dire Lafontaine, cette leçon vaut bien...un champignon...sans doute.

Die verkaufte Braut - Derrick Ballard, Ann-Katrin Naidu, Gary Martin
© Hermann Posch

Stephan Rinke (décors et costumes) et Peter Baumgardt ont imaginé un décor de palissades très réussi qui campe la silhouette découpée d'un village ou d'une petite ville provinciale. Au centre, la place du village figurée par un plateau tournant incliné qui supporte le kiosque à lait. Les excellents choristes représentent le bon peuple qui vient envahir le plateau tournant dans des mouvements d'ensemble rythmés des plus réussis. Le parti pris est de situer l'action en Bavière. Le fond populaire et folklorique tchèque de la musique de Smetana est transposé dans un village de l'Allgaü par Baumgardt: le Milchpilz en est originaire, des enfants vêtus de Tracht et de Dirndl viennent effectuer de gentilles petites danses sur la place du village, les garçons esquissant quelques pas typiques de la danse des Schuhplattler. La bohème tchèque et la Bavière ont la bière en commun, ces régions sont limitrophes...la glissade était facile comme la descente d'un Mass (chope d'un litre de bière munichoise).

La mise en scène est animée par les très belles atmosphères lumineuses de Rolf Essers et des projections videos de Rafael Kurig.  Tout au long de la journée pendant laquelle Baumgardt psychologise une action qu'il focalise sur les émois de Marie, les ciels changent au gré des humeurs de la belle laitière. Au début du deuxième acte, Baumgardt introduit un spectacle de break dance rapée interprété par les superbes danseurs de la troupe du Gärtnerplatztheater, un ajout musical qui nous transpose un moment à la fin du siècle, par un choix audacieux mais réussi et cohérent dans l'optique théâtrale de la régie, dans la choréographie précise de Fiona Copley. Kurig transforme alors le ciel en chapiteau de cirque, magique, comme son feu d'artifice final.

Comme c'est l'habitude au Theater- am- Gärtnerplatz, c'est l'esprit d'équipe qui domine, comme au temps de la troupe de Molière. Deux castings se partagent les représentations. Dans le second, on a bien aimé le soprano léger et l'interprétation très vivante de la Marie de Stefanie Kunscke et l'excellent travail de bégaiement ainsi que le jeu scénique du Wenzel de Mario Podrečnik. Rita Kampfhamer incorpore avec sa belle voix et son grand sens des planches le rôle de la mère de Marie, Ludmila. Derrick Ballard en marieur récolte un beau succès d'applaudimètre. Le Hans de Harrie van der Plas laisse franchement à désirer en début de spectacle, mais gagne en confiance et en justesse au fur et à mesure que l'action progresse au point de réussir à faire oublier les faiblesses initiales.

Un excellent spectacle en ouverture de saison, qui insiste davantage sur la relecture théâtrale et bavaroise de l'oeuvre de Smetana que sur la fidélité de son exécution musicale.

Rendez-vous au Théâtre

les  15, 23 et 26 Octobre 2011
Les 3, 12 et  20 Novembre 2011
Les 2 et 19 Décembre 2011
Les  7 et 26  Janvier 2012
Et le  8 Février 2012

Billets de 4 à 61 euros
Réservations au  089/21 85 19 60 ou http://www.gaertnerplatztheater.de/
Cliquer ici puis sur Karten bestellen

Commentaires des lecteurs

Paco: sauf à imaginer que l'essentiel de la salle est âgé de 70 ans et plus, ce qui serait inquiétant pour le renouveau du public munichois, j'ai du mal à croire que la majorité des spectateurs ait compris le parallèle avec un épisode aussi précis et quotidien de l'économie ouest-allemenade du début des années 50...

C'est un peu comme si en France on "actualisait" un livret en le situant dans des anecdotes économiques ultra-précises de l'immédiate après-guerre

Ca ne retire rien au professionnalisme du spectacle qui a l'air fort bien mené, à en juger par ton C(ompte-)R(endu), mais il y a des fois où je me demande franchement ce que ce type "d'actualisation" apporte à la compréhension d'une oeuvre...

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