Le Bayerische Staatsoper reprend pour deux soirées printanières L'Enlèvement au sérail de Mozart (die Entführung aus dem Serail) dans la mise en scène de Martin Duncan en collaboration avec Ultz pour la régie et les décors.
Duncan et Ultz optent pour la réécriture du Singspiel d'origine: les dialogues parlés des protagonistes sont remplacés par le récit d'une conteuse, interprété pour cette production par l'actrice Demet Gül, qui raconte les circonstances et les différents épisodes de l'action et présente les différents numéros de chant, comme le ferait la présentatrice d'un show télévisé. Il en résulte essentiellement une soirée en forme de récital: les chanteurs, le plus souvent confortablement installés sur des sofas volants, enfilent, avec compétence mais sans éclat, en alternance avec les quelques parties du choeur, les 21 numéros musicaux de l'Enlèvement.
Le parti choisi de cette mise en scène peut se défendre: la conteuse fait une prestation très didactique, le tableau noir étant remplacé par l'écran constitué par le fond de scène sur lequel vient s'imprimer le plan géant du palais de Topkapi. Les endroits stratégiques de l'action s'y verront entourés d'un cercle, et le plan sera fléché au gré de l'évolution des protagonistes. Simple et efficace comme une présentation Power Point. La conteuse est accompagnée d'une assistante technique installée avec ses trois écrans d'ordinateur à gauche de la scène, qui organise la projection.
L'idée est sans doute bonne de présenter l'Enlèvement comme une comédie ironique. Les clichés plutôt composites de la turquerie sont mis en place: femmes voilées en longues robes noires, danseuses colorées et court vêtues, drapeaux turcs et espagnols contemporains dont se drapent des supporters de leur pays, comme lors d'un match de foot ou une eurovision de la chanson. Quelques trouvailles comiques plutôt réussies: les eunuques se dénudent sur scène pour se retrouver ceints d'une serviette de bain, comme dans un hamman, à la place du sexe une énorme croix en forme de X, des tables nappées chargées d'une abondance de fruits et recouvertes de longues nappes se déplacent au gré de la composition des tableaux portées par des figurants dont on ne voit que les jambes, ou encore l'organisation d'un défilé de mode présentant une collection de foulards colorés . Enfin et surtout: des sofas volants multicolores soutenus par des filins suspendus à des rails viennent coulisser sur la scène en y emportant figurants et chanteurs selon les besoins de l'action. L'idée est excellente, mais on l'a vite assimilée, et elle finit par relever du procédé, même si elle est un peu développée au troisième acte, pour un tableau très réussi où le navire sur lequel les fugitifs doivent prendre place est figué par un sofa volant sous lequel on a accroché de grands poissons. Tout cela donne une soirée très chromatique, avec une mise en scène dont on se demande si elle ne s'est pas trompée de salle de spectacle. On la verrait mieux, un peu plus superlative encore, dans une salle plus populaire, dans un théâtre d'opérette ou à l'Opéra comique.
La direction musicale a été confiée à Johannes Debus, un familier de l'Enlèvement au sérail puisqu'il avait fait ses débuts lyriques en 1996 à l'Opéra de Minden en dirigeant cette oeuvre de Mozart. La familiarité avec l'oeuvre ne lui a pas fait gagner en intensité et on sort un peu déçu par la sagesse atone de l'interprétation, là où on aimerait davantage de vigueur on trouve des couleurs plus soft dignes d'un grand prix européen de la chanson.
Bien sûr tous les chanteurs sont d'excellents professionnels, mais ils ne remportent qu'un succès d'estime et des applaudissements polis. La Constance de Rachel Harnisch séduit sans passionner, on est davantage emporté par le lyrisme d'Alek Shrader en Belmonte.
Il est rare à Munich, comme ce fut le cas hier soir de voir le parterre se trouer comme un Emmenthal après l'entracte. Cet Enlèvement n'a visiblement pas ravi.
Prochaines représentations:
Le 7 mai 2011
et avec des changements dans la distribution:
Le 11 juillet 2011 (dans le cadre des Opernfestspiele)
Les 14, 18 et 21 janvier 2012
Pour réserver, cliquer ici, puis sur la date désirée et suivre la procédure
Crédit photographique: Wilfried Hösl
Crédit photographique: Wilfried Hösl
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