| Chollet en Zampa © BNF/Gallica |
CHOR DES BAYERISCHEN RUNDFUNKS
Erik Nielsen direction
Zampa Julien Henric
Camille Hélène Carpentier
Alphonse Cyrille Dubois
Rita Héloïse Mas
Daniel François Rougier
Dandolo Pierre Derhet
Un Corsaire Lukas Mayr
Éditions Lemoine (révisions par le Palazzetto Bru Zane)
Enregistrement pour la collection « Opéra français » – Bru Zane Label
| Deuxième acte de Zampa © BNF / Gallica |
| Mme Boulanger en Ritta © BNF/Gallica |
L'introduction commence par un chœur dont le rythme rappelle celui des Deux Nuits : La belle nuit, la belle fête ; les repos, la cadence de ces mots Dans ces présents, quelle magnificence, ont appelé une même distribution de notes ; au reste, ce que j'en dis n'est qu'un petite chicane et n'enleva rien au mérite du morceau. L'air de Camille est bien ; en y remarque vers le milieu un trait d'orchestre plein d'élégance et de délicatesse. Cet air, encadré dans l'introduction, commence en la bémol pour finir en la naturel, je le crois du moins, peut-être me suis-je trompé. La tonalité du début ne m'avait laissé qu'une impression fugitive, lorsque je me suis avisé d'eu faire l'observation vers la fin. Cependant je persiste a penser que M. Hérold. a pris encore cette licence. Mme Casimir a dit cet air avec beaucoup de charme et l'a terminé par des traits exécutés hardiment, et dont la réussite a été complète. Un de ces traits, celui qui monte jusqu'à 1'ut en notes détachées tient de l'ancien style, et n'en a pas eu moins de succès devant le public de l'Opéra-Comique. À la bouillotte [jeu de cartes français basé sur le brelan], ou gagne souvent le coup par la fausse carte qui devait le faire perdre. Le chœur qui précède l'entrée d'Alphonse est d'un rythme original d'un joli dessin, mais les couplets que chante ce personnage sont faibles.
La ballade est un morceau qui devait captiver l'attention du spectateur, il fallait que la musique en lut agréable et variée dans ses formes ; c'est le récit des infortunes d'Alice Manfredi dont la statue agit d'une manière si importante dans la pièce. M. Herold a rempli ces conditions essentielles, sa ballade a fait fortune au théâtre, et sera bientôt chantée dans tous les salons. La partie historique est déclamée avec justesse et clarté sur un orchestre de la plus grande simplicité ; la physionomie du morceau change tout à fait sur la dernière phrase qui est une prière et le jeu d'instrumens à vent qui l'accompagne est d'une délicieuse suavité. Il est inutile de faire observer que le troisième couplet est soutenu par un accompagnement en rapport avec le dénouement de cette aventure tragique, et dans lequel les cors poussent d'harmonieux gémissements. Le trio Parlez bas est bien en scène ; c'est de la déclamation posée sur un orchestre agité ; la ritournelle finale est d'une piquante originalité de modulation et de dessin. Cette ritournelle s'éteint peu à peu, et le dialogue parlé recommence avant qu'elle ne soit finie. Pendant ce trio les personnages parlent pour ne rien dire et ne rien conclure ; la musique fait pardonner cette invraisemblance.
Le quatuor en canon est coupe à la manière des Italiens, c'est un des morceaux les plus remarquables de l'ouvrage. Je signalerai aux amateurs un dessein de violoncelle qui vient animer le motif à sa reprise, un agitato très dramatique, une superbe cadence finale. Le finale présentait de grandes difficultés pour le compositeur, et des objets de comparaison qui devaient l'effrayer. Dans le Comte Ory, dans les deux Nuits, MM. Rossini et Boieldieu avaient traité de scènes de buveurs de manière à laisser peu d'espoir aux musiciens qui seraient obligés de suivre leurs traces.M. Herold a triomphé de ces obstacles, et nous a donné un chœur de buveurs plein de vigueur et de folie, sans imiter en rien ses devanciers. Les chœurs de cette espèce, ceux des conspirateurs, ont un caractère si prononcé, leurs moyens d'exécution agissent si fortement sur le public, qu'un homme de talent a toujours beaucoup de chances de succès en écrivant un morceau de ce genre. La chanson de Zampa est une sicilienne c'est un fruit du pays, c'est sur ce rythme national que doit chanter un pirate sicilien, au pied de L'Etna. Cette chanson a de la rondeur et de la franchise, et le refrain dit à l'unisson par tous les choristes, ajoute encore à la vérité de ce chant, et le distingue du discours musical destine à suivre l'action dramatique.
Je dois signaler le trait que l'orchestre exécute lorsque Daniel reconnaît la statue d'Alice ; la marche de basse en est excellente, les triolets admirablement détachés par les violons sur l'entrée de Dandono ; la mélodie de la flûte, qui est toujours gaie bien que l'orchestre devienne sombre et agitée ; les contrastes enfin de la joie affectée de Zampa et de la terreur de ses compagnons. Ce finale est fort beau, il dure quinze minutes, on l'écoute avec intérêt, avec plaisir, d'un bout à l'autre, et cependant il y a peu de mouvement parmi les personnages. Le chœur religieux qui ouvre le second acte manque d'originalité, mais il est bien exécuté, quoique les chanteurs soient placés dans la chapelle et complètement séparés de l'orchestre. La cavatine de Zampa est très longue ; on écrit pour Chollet des airs interminables comme ceux que l'on faisait autrefois pour Martin. Je sais bien que le public se plaît a entendre ce chanteur, à l'entendre longtemps, cependant je crois que la cavatine de Zampa marcherait plus librement si l'on supprimait une de ses trois reprises. La cassette d'Harpagon était de la couleur des cassettes, la cavatine de Zampa ressemble un peu à toutes les cavatines. Le duo syllabique, chanté par Feréol et Mme Boulanger devient trio a l'arrivée de Dandono ; j'ai déjà fait l'éloge de ce morceau. Son exécution donnerait de bien meilleurs résultats, si l'un des deux comiques avait une voix de basse ; les voix de ténor ne conviennent point au débit rapide, elles fournissent trop peu de son, et ce son faible n'est pas convenablement placé pour l'effet. Dans le duo agité, chanté par Moreau et Mme Casimir, je signalerai d'abord un dessin d'orchestre bien suivi, un andante dans lequel les voix exécutent un joli trait en tierces sur un pizzicato d'un très bon effet, si l'on excepte pourtant quelques tierces ascendantes dont le mouvement ne s'accorde pas bien avec celui de l'accompagnement, et chagrine l'oreille dans un moment où l'auteur s'est proposé de le charmer. La strette marche bien ; la cabalette est noble et gracieuse, mais elle n'est pas sans rapports avec celle du duo du 2ème acte de Guillaume Tell.
Le chœur de la noce est fait avec adresse, voilà tout ; la barcarolle est charmante; l'air de danse est d'un bon effet, surtout quand il passe en mineur après l'apparition de la statue. La sombre vapeur qui se répand sur la scène éteint la lumière du jour et porte son voile sur les sons ; l'influence du spectre glisse un bémol sous les doigts des exécutants et donne ainsi une teinte de mélancolie à l'air de ballet. L'andante du second finale est bien fait et bien exécuté ; Mme Casimir, dont la voix s'est élevée jusqu'au ré descend au sol du contralto, ce qui marque une étendue de plus de deux octaves et demie. La strette est en mi naturel ; M. Herold pose sur cette tonique une modulation en fa naturel dont le résultat est plein de charme ; cette seconde est si bien préparée qu'elle perd toute sa dureté, le ton de fa s'empare tellement de l'oreille qu'il faut écouter avec beaucoup d'attention pour se convaincre que le mi sonne toujours à la basse.
Un troisième acte, à l'Opéra-Comique, est toujours peu garni de musique, on devrait adopter enfin la coupe italienne en deux actes, dont la disposition est bien plus heureuse pour un opéra. Rien n'est plus facile que d'établir cet usage, il suffit d'accorder aux auteurs le même droit pour deux que pour trois actes. Ils ne s'efforceront plus alors d'alonger leur partition pour nous donner un dénouement séparé du reste de la pièce par un entracte. La chanson d'Alphonse, déguisé en batelier, module comme la chanson du batelier d'Otello, et son refrain rappelle la romance du Crociato, giovinetto cavaliere [du Crociato in Egitto de Meyerbeer (1824)]. Le chœur de la sérénade est joli et très bien dit comme tous les chœurs de Zampa. Le dernier duo pourquoi trembler renferme une bette phrase que Chollet exécute avec autaut de charme que d'expresssion : cet acteur et Mme Casimir ont mis beaucoup de chaleur et d'entraînement dans la péroraison de ce duo.
J'ai fait connaître le fort et le faible de la partition de Zampa, la part de l'éloge l'emporte sur celle de la critique. Je le répète, ce nouvel opéra fait beaucoup d'honneur a M. Herold, ce compositeur n'avait pas encore atteint l'élévation de style que l'on applaudit dans Zampa ; c'est un opéra écrit en conscience, chose très rare de nos jours. Chollet est en possession des rôles de voleur et de pirate. Il a bien saisi le caractère de Zampa, son entrée, ses principales scènes ont produit tout l'effet qu'on devait en attendre. Il a joué son rôle en comédien et l'a bien chanté. Mme Casimir mérite les mêmes éloges, et la dernière scène du troisième acte a montré que les grands mouvements dramatiques n'étaient pas trop au-dessus de ses forces. Mme Boulanger a toujours beaucoup d'aplomb, et Féréol est assez plaisant dans le rôle de l'autre Sganarelle. Juillet est chargé de représenter le sonneur Dandono ; cet acteur n'a pas de grave dans la voix, ce rôle convenait à Henri, qui chante la basse et certes il n'eût pas été moins comique. Zampa éclipse son heureux rival. La partie d'Alphonse est peu importante et se compose seulement de deux chansons, d'un duo que Moreau chante avec Mme Casimir, et que l'on a applaudi.
Les costumes sont élégants et riches, les décors de M. Gué ont été remarqués, la chambre gothique surtout. La mise en scène que l'on doit à M. Solomé offre du mouvement et de la variété dans les groupes. La salle était pleine à la 3ème représentation de Zampa et le succès de cet opéra s'accroît de jour en jour. X. X.X.
Sources : Le Journal des Débats se trouve en lecture sur le site Gallica de la BNF. À noter que le même site propose les Indications générales et observations pour la mise en scène de Zampa, un texte extrêmement précis et détaillé rédigé par M. Solomé, le directeur de la scène du Théâtre Royal de l'Opéra-Comique.
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