L'exposition annuelle du Land de Bavière est cette année organisée au Musée diocésain de Freising. Elle nous entraîne à la découverte de la Bavière du début du moyen âge, à l'époque où de saints hommes venus d'Irlande ou de France parcourent le pays pour l'évangéliser. L'exposition nous ramène au temps de l'implantation de la foi chrétienne en Bavière, des débuts de l'église bavaroise au temps de la gloire de la dynastie des Agilolfing. Elle présente des œuvres d'art d'une valeur inestimable qui comptent parmi les plus importants témoignages de l'histoire de la Bavière.
Corbinien s'appela d'abord Waldkiso comme son père. Il est probablement né à Châtres, à environ 40 kilomètres de Paris. Il prit ensuite le nom de sa mère, Corbinia, lorsqu'elle fut devenue veuve. Fervent chrétien devenu écclésiastique, il se rendit quelques années plus tard à Rome où il avait eu l'intention de se faire ermite dans l'une ou l'autre des catacombes, près du tombeau des martyrs. Si le pape Grégoire II le reçut comme un personnage important, il refusa qu'il se fît moine ermite, mais lui conféra l'épiscopat et le chargea d'entreprendre la conversion de la Bavière dont quelques habitants seulement étaient alors chrétiens. Le duc régnant en Bavière l'accueillit et le soutint. Corbinien eut préféré être un évêque voyageur et ne vint pas à Freising tout à fait de son plein gré : c'est Grimoald, le fils du duc d'Agilolfing, qui le força à résider sur le Domberg, la colline qui domine Freising.
Corbinien vécut alors à Freising qui était aussi la ville de la résidence ducale. Il obtint de Grimoald qu'il se séparât de sa femme Pilitrude, car leur situation matrimoniale n'était pas conforme aux canons de l'Eglise. Corbinien dut alors quitter Freising de peur d'être assassiné par les fidèles de l'ancienne duchesse. Il revint à Freising lorsque Pilitrude fut emmenée comme otage par les Francs. Il y mourut au moment où Charles Martel achevait la conquête de la Bavière.
La légende veut que Corbinien apprivoisa un ours qui l'avait attaqué lors de son deuxième voyage à travers les Alpes vers Rome, en 710. Celui-ci a ensuite porté les bagages du saint jusqu'à Rome. Aujourd'hui encore, l'ours est toujours présent sur les représentations de saint Corbinien. On raconte aussi que ses méthodes de conversion pouvaient être brutales : ainsi un tableau le montre-t-il en train de fouetter une sorcière, symbole de sa lutte contre le paganisme.
La Bavière de 724
La Bavière du 8ème siècle occupait un territoire bien plus vaste que le Land de Bavière actuel : le duché de Bavière s'étendait jusqu'au Tyrol du Sud, à la Carinthie et à la Slovénie, à la Haute-Autriche, au Haut-Palatinat et à la Souabe via le Lech. Ses principaux axes de communication étaient les anciennes voies romaines, l'Inn et surtout le Danube avec le siège ducal de Ratisbonne. Les paysans Bavarois vivaient surtout de l'agriculture, les familles nobles et leur suite soutenaient le clan des souverains. Les ducs agilolfings faisaient partie de la plus haute noblesse européenne et étaient apparentés aux rois depuis le 6ème siècle. Le roi lombard Agilulf en Italie accéda au trône de Bavière en épousant Théodolinde (570-627), princesse de Bavière.
La religion dans la Bavière du 8ème siècle
À l'époque romaine, le christianisme s'était établi dans ce qui allait devenir la région bavaroise. Les grandes invasions allaient ébranler cette tradition à partir du 4e siècle. Les Germains qui se sont installés dans le pays entre les Alpes et le Danube étaient en partie païens, en partie chrétiens ariens ou déjà catholiques. Même les objets funéraires ne permettent pas de savoir avec certitude à quelle religion appartenaient les défunts. C'est sous l'incitation des ducs agilolfingiens que des missionnaires se mirent à parcourir le pays et prêcher la foi catholique.
En 716, le duc Théodo obtint du pape l'autorisation de fonder des évêchés à Salzbourg, Ratisbonne, Freising et Passau et ces fondations constituèrent une étape importante vers l'autonomie bavaroise. Théodo appela des ecclésiastiques du royaume franc en Bavière : Erhard et Emmeram travaillèrent à Ratisbonne, Corbinien à Freising et Rupert à Salzbourg. Les missionnaires risquèrent beaucoup pour leurs idéaux chrétiens, Emmeram mourut en martyr de manière cruelle. Ces saints fondateurs sont toujours vénérés aujourd'hui dans les évêchés bavarois, grâce au soutien des ducs: Sous le règne de Théodo, les restes d'Emmeram furent solennellement transférés à Ratisbonne, et plus tard, sous le règne du duc Tassilo, ceux de Corbinian furent transférés à Freising.
En 739, Winfried-Bonifatius (Saint Boniface) paracheva la division de la Bavière en quatre évêchés, qui perdura pendant plus d'un millénaire. Les bases avaient certes déjà été posées par le duc Theodo en 716, mais Boniface, un génie de l'autopromotion surnommé "le plus célèbre des missionnaires" ou "l'apôtre des Allemands" réussit à associer durablement ce succès - et bien d'autres - à son nom.
Le duc Odilo, l'"avant-dernier" des Agilolfings et père de Tassilio III, fut le véritable créateur de la Bavière du début du Moyen Âge. C'est à lui que l'on doit le paysage monastique de la Bavière et c'est avec Boniface qu'il a mis en place l'organisation des évêchés.
Tassilo III
La domination agilolfingienne connut son apogée sous le duc Tassilo III. Durant son règne de 748 à 788, il fonda d'importants monastères comme Kremsmünster et Frauenchiemsee. Il présida des assemblées de l'Église bavaroise et promulgua des lois, ce que seuls les rois faisaient habituellement. Son autonomie par rapport au royaume des Francs s'exprima également sur le plan artistique. La pièce la plus remarquable de l'exposition, visible seulement jusqu'au 16 juin, est le calice de Tassilon-Liutpirc de Kremsmünster. C'est une œuvre d'art de réputation mondiale, le plus beau et le plus grand artefact de son genre et de son époque. Ce calice somptueux était probablement destiné à la nouvelle cathédrale de Salzbourg, consacrée en 774, qui aurait pu devenir l'église du couronnement et du tombeau des Agilolfing. D'autres fascinants travaux d'orfèvrerie, d'enluminure ou de sculpture sont représentés dans la salle des trésors de l'exposition nationale.
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