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lundi 17 juillet 2023

Flower Power — HAIR au Deutsches Theater de Munich : sexe, drogues et rock and roll sur fond de guerre


Le DEUTSCHES THEATER de Munich présente du 14 au 30 juillet une version non censurée de la comédie musicale Hair.  Comme aucune autre comédie musicale, Hair est un plaidoyer contre la guerre qui traduit l'esprit du temps de la jeune génération des années 60 et  du mouvement hippie d'autrefois comme des Fridays for Future aujourd'hui. Cette comédie musicale rock sur la nostalgie d'un avenir meilleur et plus pacifique n'a rien perdu de sa force jusqu'à aujourd'hui. Bien au contraire. Dans le cadre du "Flower Power Festival" la mise en scène du Salzburger Landestheater du metteur en scène Andreas Gergen, qui connut un énorme succès à Salzbourg l'an dernier, est présente pour la première fois à Munich, pour deux semaines.

Un peu d'histoire : HAIR à Broadway en 1968

POURQUOI HAIR A RÉVOLUTIONNÉ BROADWAY EN 1968 ...

Lorsque les acteurs au chômage Gerome Ragni et James Rado ont commencé à écrire un texte théâtral lyrique sur une machine à écrire empruntée, le mot hippie n'existait pas encore. Ils ne se doutaient pas non plus qu'en 1968 ce sujet allait radicalement révolutionner le monde du théâtre. Ces deux hommes d'une vingtaine d'années voulaient exprimer de manière artistique ce qui se passait autour d'eux. Ils ont formulé les inquiétudes de la jeune génération, marquée par la guerre du Vietnam.

LA PROTESTATION OBTIENT UNE SCÈNE

Des thèmes critiques pour la société tels que le racisme, la destruction de l'environnement, la pauvreté, le sexisme et la répression sexuelle, la violence au sein de la famille, l'aliénation par les nouvelles technologies et la corruption politique ont été abordés pour la première fois dans un théâtre grâce à Hair. Si les protestataires étaient intimidants dans la rue, ils semblaient proches et amicaux sur scène. Hair devint un sujet d'émerveillement pour les gens d'âge moyen. Ils disaient : '" Oh, maintenant je comprends pourquoi mon fils est comme ça '", racontait le directeur du Shakespeare Public Theatre Joseph Papp, après que Hair y eut été joué pour la première fois le 17 octobre 1967.

UNE DIFFÉRENCE INATTENDUE

Michael Buteler, celui qu'on appelait le millionnaire hippie, fut le bailleur de fonds qui soutint la comédie musicale à Broadway. Après une révision par Tom O'Horgan, au cours de laquelle une scène de nu a notamment été raccourcie, elle a pu être jouée pour la première fois le 29 avril 1968 au Biltmore Theater. Il y eut ensuite 1 800 représentations.

Hair a surpris les spectateurs new-yorkais. Avant cette production, Broadway était un lieu de tradition où l'on chantait des chansons aux paroles claires et où l'on exécutait des claquettes et des ballets. Ce qu'on désignait alors comme musique rock, c'étaient les chansons d'Elvis, mais pas ce que jouaient Hair et plus tard des pièces comme Rock of Ages et Jesus Christ Superstar. Pour la première fois, la musique rock et le théâtre musical étaient réunis.

Mais tous les invités de la première ne furent pas convaincus par ce spectacle hors du commun. Le compositeur Leonard Bernstein trouva la comédie musicale si mauvaise qu'il quitta la salle. Il n'était pas le seul. Les astronautes d'Apollo 13 James A. Lovell Jr. et John L. Swigert Jr. sont également partis, car ils n'ont pas voulu tolérer l'utilisation irrespectueuse du drapeau américain, qu'un acteur enroule autour de ses épaules au premier acte.

HAIR FAIT LE TOUR DU MONDE

Lorsque Hair a fait sa tournée dans le pays, la guerre du Vietnam était toujours en cours, malgré les critiques de la population, et avec elle le service militaire obligatoire. L'armée n'appréciait pas que ce spectacle anti-guerre soit si populaire et renforce les gens dans leur protestation. À deux reprises, la Cour suprême des Etats-Unis a tenté, sans succès, de faire cesser la production. Mais Hair a crevé le plafond et fut bientôt présenté dans onze autres pays, dont le Brésil, l'Italie et le Japon.

Le 27 septembre 1968, le Lord Chamberlains Stage Censorship a mis fin à la censure scénique qui sévissait en Grande-Bretagne depuis plus de 200 ans. Quelques heures plus tard, un groupe d'acteurs et d'actrices aux cheveux longs, dont un tiers avait des racines afro-américaines, jouait au Shaftesbury Theatre dans le West End et montrait dans Hair, sans censure, la consommation de drogues, la nudité et les protestations contre la guerre.

CENSURÉ À MUNICH

En Allemagne, la première de Hair a eu lieu le 24 octobre 1986 au Theater an der Brienner Straße à Munich. La chanteuse Donna Summer a quitté l'Amérique pour Munich spécialement pour la pièce et y est restée huit ans. Mais les autorités bavaroises se sont également opposées à cette pièce rebelle et l'ont classée dans la catégorie des revues, ce qui aurait nécessité une autorisation administrative. Les producteurs ne se sont pas laissés décourager et ont défini un nouveau genre pour Hair : le théâtre musical pop critique envers son époque. La pièce a été jouée malgré plusieurs avis d'amende de la ville de Munich et des menaces de fermeture du théâtre. La scène de nu de 20 secondes s'est toutefois déroulée sous une couverture portant l'inscription "censuré ".

LA BANDE-SON DANS LES CHARTS

Si la comédie musicale a connu un tel succès jusqu'à aujourd'hui, elle le doit non seulement à l'attention des médias, mais aussi aux chansons de Galt McDermot, qui de formation était en fait musicien d'église de formation. Il a écrit 40 chansons, dont 20 ont été reprises dans la comédie musicale. L'album de la distribution de Broadway a figuré pendant 13 semaines dans le top 10 du Billboard. Certaines chansons ont été reprises par des stars de la pop comme The Fifth Dimension et Nina Simone, ce qui leur a permis de gagner encore en notoriété. En 1967, la chanson Good Morning Starshine a même été chantée dans Sesame Street.

Source : traduction du texte de présentation du Deutsches Theater

La production du Salzburger Landestheater

La crise de société qu'a traversée le monde occidental dans les années 1960/1970 peut être mise en parallèle avec celle qui agite le monde contemporain. En 1954, la ségrégation raciale qui frappait les écoles publiques américaines avait été abolie par la Cour suprême des États-Unis, en 1958 Charles David Keeling alertait pour la première le monde de la contribution anthropogénique à l'effet de serre et au réchauffement climatique, en 1962 la crise de Cuba faisait craindre une guerre atomique, en 1965 les États-Unis intervenaient massivement au Viêt Nam, en 1969 les émeutes de Stonewall  à New York ont constitué un jalon décisif dans la lutte des personnes LGBT contre l'oppression, en 1975 la guerre du Viêt Nam prit fin, on dénombra 1.300.000 victimes rien que du côté vietnamien. Soixante années plus tard, en 2014, le mouvement Black Lives Matter organise ses premières protestations et la Russie annexe la Crimée au mépris des conventions internationales, en 2015 l'Europe connaît une énorme crise de réfugiés, avec près du double de personnes réfugiées au regard de l'année précédente, en 2020 on estime les émissions de CO2 dus à l'activité humaine à 100 millions de tonnes par jour, cette même année des millions de personnes participent à des Christopher Street days (Gay prides) dans le monde, enfin en 2022 la Russie commence son invasion guerrière de l'Ukraine et le président Poutine menace le monde d'une guerre nucléaire. 


Ces parallèles ont été inclus dans la mise en scène de Hair du Salzburger Landestheater qui, tout en respectant l'atmosphère, le texte et les chansons de la fin des années 1960, introduit des allusions à  l'actualité du 21ème siècle. Ainsi un des comédiens d'origine africaine évoque-t-il sa périlleuse odyssée de boat people en mer Méditerranée et de jeunes manifestants de la génération climat brandissent des pancartes qui rappellent les slogans des Fridays for future. 

Le décor simple et efficace de Stefanie Seitz est surtout constitué des quatre lettres du mot LOVE, placées en front d'échafaudages de plusieurs mètres de haut et illuminées de lampes. Les lettres L et E sont placées en oblique de part et d'autre de la scène, les lettres O et V comportent des plateformes qui permettent aux acteurs de venir s'y positionner. Les costumes flamboyants très flashy d'Aleksandra Kica contribuent pour beaucoup à  recréer l'ambiance de la fin des années 1960. Michael Lieb dirige une Love-Rock-Band très acclamée dans son accompagnement des chansons de Galt MacDermot. Dans les rôles principaux, Daniel Eckert, — un comédien chanteur qui a des yeux à damner une nonne, — donne une interprétation très convaincante du personnage de Claude Bukowsky qui gagne en intensité dramatique tout au long de la soirée. La même nonne se damnerait à coup sûr pour le corps athlétique entièrement tatoué pour les besoins du spectacle de Denis Riffel qui campe un Berger dont le sex-appeal attire l'attention tout autant que ses prouesses athlétiques et sa souplesse de sportif de haut niveau (spécialité Taekwondo), capable d'évoluer tant sur ses mains (handstand walk) que sur ses pieds. La fascinante Judith Lefernes (Dionne) est dotée d'un timbre impressionnant, elle ouvre la soirée avec la chanson culte Aquarius qu'elle rend de sa voix puissante et chaude dotée de belles profondeurs, très soul ou gospel. Chacune de ses interprétations est ovationnée. Tout autant acclamée, Julia-Elena Heinrich chante la féministe polyamoureuse Sheila qui voudrait conquérir tant Claude que Berger. Aaron Röll remporte lui aussi un énorme succès pour son interprétation exaltée et complètement déjantée du rôle de Woof. Enfin, last but not least, Savio Byrczak, campe un très solide Hud. Musicien dans l'âme, il joue également du hautbois et du piano, et milite au privé comme à la scène contre le racisme et l'homophobie, ce qui correspond parfaitement à l'esprit de Hair, une merveilleuse comédie musicale qui en 55 ans d'existence n'a pas pris une ride !

À voir jusqu'au 30 juillet au Deutsches Theater de Munich 
Renseignements et réservations : Deutsches Theater 

Crédit des photos © Susanne Brill / Deutsches Theater München

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