PETITE CHRONIQUE DE LA CHANDELEUR
Un texte extrait du Bulletin paroissial de Quiberon (1917)
Bien que les ans l’eussent accablé de maux et que la vieillesse eût courbé son corps et rendu pénible sa marche, ce jour-là, le quarantième jour après la naissance de Jésus-Christ, 2 février, Siméon, toutes affaires cessantes, se hâtait vers le Temple.
Siméon, homme juste et craignant Dieu, avait reçu l’avertissement certain qu’il ne mourrait point avant d’avoir vu l’enfant Jésus.
Or, dans le même temps, Joseph et Marie s’acheminaient vers le saint lieu avec l’enfant. Ils emportaient avec eux deux colombes qui devaient servir, selon la loi de Moïse, à racheter le premier-né et à purifier la sainte Vierge.
Siméon, déjà parvenu au Temple, attendait anxieux près de l’entrée. Lorsqu’il eut reconnu Joseph et Marie, il s’approcha d’eux et tout tremblant, il tendit ses mains. Jésus fut mis entre ses bras et le bon vieillard, bénissant Dieu, dit : « C’est maintenant, Seigneur, que vous laisserez mourir en paix votre serviteur, selon votre parole ; puisque mes yeux ont vu le Sauveur que vous nous donnez, et que vous destinez pour être exposé à la vue de tous les peuples, comme la lumière qui éclairera les nations et la gloire de votre peuple d’Israël ».
Et Joseph et Marie étaient dans l’admiration des choses que Siméon disait de Jésus.
Depuis lors, ce jour-là, comme symbole de la vraie lumière dont le Christ est venu éclairer les nations, chaque Adèle apporte à l’église un cierge pour qu’il soit bénit par le prêtre. Jadis, quel que fût le temps, par le gel ou sous la neige, clergé et peuple processionnaient soit autour des temples, soit par les routes et les chemins, avec des cierges allumés. C’était la Chandeleur.
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Les proverbes ne manquent pas sur cette fête religieuse, qui était en même temps, dans beaucoup de pays, une fête agricole.
J’ouy le paresseux hiverLequel disait au laboureur :Je ne manquerai pas d'arriverAu plus tard à la Chandeleur.
Quand, à la Chandeleur, le soleil luiserne,L'ours rentre dans sa caverne.
Quand ta Chandeleur est claire,L’hiver est par derrière.Quand il pleut sur la chandelle,Il pleut sur la javelle.La Chandeleur noire,L'hiver fait son devoirC’est à ta ChandeleurQue toutes bêtes sont en horreur.Autant l'alouette chanteAvant Chandeleur,Autant se tait après.
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À la fête des chandelles se joint celle des crêpes. C’est, en France, une coutume consacrée. Il n’est guère de maisons où, le 2 février, on ne retourne les crêpes.
Napoléon, à la Malmaison, en 1812, en fît sauter. En Corse superstitieux comme il était, il croyait aux présages des crêpes. C’est qu’en Corse, comme en Italie, on demande aux crêpes, comme en d’autres pays aux cartes, la réponse à ce qu'on désire. La crêpe, il est vrai, répond d'autant plus favorablement qu’on est plus adroit.
Or, Napoléon tenta le sort. Une, deux, trois crêpes furent envoyées en l’air, se retournèrent et, bien d’aplomb, reprirent leur place dans la poêle. N’était ce pas une, deux, trois batailles gagnées dans cette campagne de Russie qu’il achevait de préparer ? La victoire continuait à lui sourire. Hélas ! la quatrième retomba dans les cendres du foyer. Napoléon arrêta là l’expérience et peut-être, en face de l’incendie de Moscou, sa souvint-il de la crêpe souillée de cendre de la Chandeleur.
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C’est à la façon parfaite dont il réussissait les crêpes qu’un gentilhomme normand, émigré en 1795, dans une petite principauté allemande, dut de pouvoir attendre, sans risquer de mourir de faim, le moment de rentrer en France.
Comme il était occupé à confectionner, dans la cuisine de l’auberge où il logeait, son repas du soir, qui consistait uniquement, ce jour-là, en quelques crêpes, un voyageur auprès de lui, fort affamé sans doute, ne cessait de pester contre l’hôtelier qui lui faisait attendre son repas.
De temps à autre, le voyageur jetait un regard d’envie sur les crêpes de son voisin. Elles étaient si tentantes avec leur aspect doré, et le cuisinier d’occasion mettait tant de grâce à les faire sauter en l’air que, la faim aidant, il sollicita de notre gentilhomme la faveur d’y goûter. Le mets fut trouvé si succulent que les crêpes furent bientôt toutes dévorées. Mine désappointée de l’émigré, qui vit ainsi son dîner lui passer sous le nez, et qui n’osa pas avouer que c’était là la seule nourriture sur laquelle il devait compter ce jour-là. Le voyageur, se doutant de quelque mystère, prit à part l’hôtelier, qui ne lui dissimula pas la triste position du gentilhomme. Lorsque le repas fut enfin servi, notre Français ne put refuser d’y prendre part. Au dessert, un accord fut conclu : — Si vous voulez bien indiquer à mon maître d’hôtel, dit le voyageur, qui est un riche banquier, votre recette pour réussir aussi merveilleusement les crêpes, je serai enchanté que vous acceptiez auprès de moi une place de secrétaire jusqu’à ce que les portes de votre malheureuse patrie vous soient enfin rouvertes. »
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On répète encore à la veillée, en Provence, une bien jolie légende : c’est celle des fiançailles des oiseaux à la Chandeleur. Tout le jour, malgré la pluie ou même si la neige tombe à flocons, la campagne est toute sonore de piaillements d’allégresse. A leur manière, les oiseaux célèbrent peut-être l’approche de la fin de l’hiver.
En Bretagne, dans le pays Trégorrois, lorsque la tempête fait rage et que le marin n’est point rentré au port, ou qu’encore l’Islandais ou le Terreneuve tardent à regagner les côtes de France, la femme se hâte de rallumer avec dévotion le modeste bout de chandelle qu’elle a, le 2 février, offert à la Vierge et depuis précieusement conservé. Si, malgré le vent qui, par les interstices de la porte ou les volets mal clos, pénètre dans sa maison, le cierge ne s’éteint pas, Dieu soit loué, il y a encore de l’espoir et cette petite flamme vacillante suffit à la pieuse Bretonne pour lui donner du courage et arrêter ses larmes.
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Le célèbre Newton avait coutume de se découvrir avec respect quand il entendait prononcer le nom vénéré de Dieu.
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La vie serait souvent bien sombre, disait le bon abbé Perreyve, si elle ne recevait du ciel une échappée de lumière qui aide nos âmes à la soutenir.
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