La Vénérable Ayya Khema en 1993. Une photo de Nyana Ponika
S'exercer, s'exercer, s'exercer
Nous faisons des voyages lointainsPour être émerveilléspar les sommets des montagnes,par les vagues gigantesques des océans,par l'étendue des océans etpar le mouvement circulaire des étoiles.Mais nous passons à côté d'eux-mêmes,Sans nous émerveiller.
Saint Augustin
Nous allons aujourd'hui examiner pourquoi la méditation devrait constituer une partie tellement importante de notre vie.
Il est improbable que nous nous impliquions dans une activité dont nous ne pouvons pas comprendre pourquoi nous devrions la pratiquer. Il est par ailleurs impossible de méditer avec succès dès les premières tentatives, et il nous faut par conséquent nous exercer à la patience, et toujours recommencer. Il n'est bien entendu pas à supposer que nous nous exercions à ce qui ne nous apparaîtrait pas comme une évidente nécessité.
Nous pouvons remplir nos vies avec bien d'autres choses. En premier lieu, nous pouvons commencer à nous rendre compte comment, dans la vie quotidienne, nous nous intéressons sans cesse à notre corps, nous pensons à lui, nous lui dispensons les soins que nous estimons nécessaires de lui donner et qui sont supposés nous rendre la vie plus agréable. Peut-être pouvons-nous tirer quelques clés de compréhension au départ de ce constat.
Plusieurs fois par jour, avec une très grande régularité, nous ravitaillons notre corps avec la meilleure, la plus saine et la plus savoureuse des nourritures que nous puissions trouver. Mais, outre l'ingestion des aliments, encore nous faut-il les digérer et partiellement les éliminer ou les incorporer à la circulation sanguine afin de préserver les forces du corps.
De plus, chaque nuit, nous devons coucher ce corps dans un lit. Si nous ne le faisons pas, après deux ou trois jours nous sommes dans un tel état que nous ne sommes plus capables de fonctionner. Le corps a tout simplement besoin de repos.
Nous devons aussi laver le corps au moins une fois par jour. Ce qui est ainsi nettoyé, c'est la peau et éventuellement aussi les cheveux. Que nous ne soyons pas seulement constitués de peau et de cheveux est évident pour chacun d'entre nous, et cependant c'est aussi tout ce que nous pouvons atteindre avec de l'eau et du savon.
Nous donnons certainement aussi la possibilité au corps de se mettre quelque peu en mouvement, de marcher, de pratiquer un sport ou d'exercer une quelconque activité. Si le corps n'est pas mobilisé, il en arrive vite à un tel point qu'il ne peut plus bouger du tout.
Nous avons une maison avec un toit au-dessus de la tête, dont nous pouvons fermer les portes. Personne ne peut y entrer que nous ne désirions avoir auprès de nous, et nous sommes aussi protégés des intempéries. La pluie, la neige, la grêle ou encore le soleil n'ont pas de prise sur nous.
Tout ceci est absolument OK ; mais voilà l'esprit, qui habite notre corps et qui est le maître dans la maison, ne reçoit pas sa part de cette sollicitude. Il doit penser toute la journée et rêver toute la nuit, sans cesse, sans faire de pause. Depuis que nous avons commencé à penser, il n'a pas une seule fois eu l'occasion de prendre une seconde de repos. De cette manière il n'a évidemment pas non plus toute son énergie ni toutes ses capacités. Il voit le monde à travers un brouillard de projections et d'incertitude.
C'est dans ce brouillard mental que se manifestent nos désirs, ce que nous voulons et ce que nous refusons. Nous faisons naturellement l'expérience du fait que nous ne pouvons jamais avoir tout ce que nous voulons et que, très souvent aussi, nous recevons ce que nous ne voulons pas, et, par conséquent, nous éprouvons un changement continuel de joie et de souffrance.
Ce manque d'énergie est comparable à un outil indispensable dont personne ne prend soin. Il est abandonné dehors sous la pluie et il se rouille. S'il nous arrivait de traiter un outil précieux de la sorte, il serait depuis longtemps abîmé, mais il nous resterait cependant la possibilité d'en acheter un neuf.
Mais cela n'est hélas pas possible avec notre esprit, nous ne pouvons pas nous en procurer un nouveau. Nous devons nous satisfaire du même du début jusqu'à la fin de notre vie . Cela veut aussi dire que nous devons être attentifs à ce qu'il ne se rouille pas, nous devons le huiler et l'aiguiser et aussi le mettre à l'abri de telle sorte qu'il ne soit pas exposé aux variations climatologiques ou aux intempéries. Avant toute autre chose, il faut qu'il reçoive un peu de repos, pour qu'il puisse se rétablir. Notre esprit, cet outil incomparable, le plus précieux de l'univers, que nous avons tous reçu en partage, doit enfin se voir prodiguer les soins et l'attention qui lui sont dus.
Une erreur typiquement humaine est de croire que notre esprit peut continuer à travailler de manière efficace sans poste de secours et, de croire en outre que ce que nous pensons est juste. Quand nous commençons à méditer, nous remarquons déjà après quelques minutes à peine, que nous ne pouvons faire confiance à notre esprit. Dès que nous avons compris cela, notre monde change. Jusqu'à ce moment, nous avons cru que notre esprit nous communiquait des données éprouvées. Naturellement, nous retombons toujours dans cette même erreur. Mais par la méditation nous remarquons clairement que l'esprit pense, simplement parce qu'il n'a jamais appris à être au repos. Un résultat de la méditation est de procurer à l'esprit le calme, un état qui consiste à ne pas penser, mais aussi à ne pas s'endormir et à ne pas éprouver non plus un vide inintelligible. Quand l'esprit a appris à ne pas penser, même momentanément, nous avons alors, en lieu et place de cela, un résultat.
Nous sommes incapables d'inventer notre vie, bien que nous essayions inlassablement de le faire. Nous réfléchissons au futur, à la manière dont il devrait se dérouler, à ce que nous voudrions posséder ou à ce dont nous voulons nous défaire. Nous portons notre réflexion sur d'autres personnes, nous examinons leurs qualités et leur défauts et réfléchissons à la manière dont nous pourrions les critiquer et les condamner. Le processus mental se déroule de manière ininterrompue et ce processus ne s'intéresse pas au présent, mais bien à ce qui pourrait peut-être bien avoir lieu un jour, ou bien à ce qui s'est passé. La réalité se trouve cependant tout ailleurs. Vivre réellement signifie que nous sommes présents à chaque moment, sans imaginer quoi que ce soit, mais seulement dans le but d'éprouver le réel. Cela, nous pouvons l'apprendre dans la méditation. Sans la méditation, il n'est guère pensable de parvenir à ce résultat.
En général, quand nous commençons à méditer, nous remarquons que toutes les pensées qui viennent nous déranger concernent soit le futur, soit le passé. Ainsi, nous pouvons offrir la possibilité à l'esprit de se reposer de ce travail incessant, ce qui aura pour corollaire de faire disparaître pour un court moment le plan de la dualité, sur lequel nous vivons. Sans cela, nous sommes presque toujours occupés avec "moi et toi", "bon et mauvais", "obtenir et repousser", "hier et demain". C'est aussi ce qui apparaît en premier lieu quand nous méditons. Auparavant nous avons cru qu'en tant qu'êtres intelligents, nous pensions de manière raisonnable. Cela, nous ne le faisons seulement que tant qu'il s'agit de notre survie. Cela ne suffit cependant pas, car nous ne parvenons en tout cas pas tous à survivre. Il est dommage de passer notre vie à cela, car nous montons la garde à une place perdue d'avance. Il est bien plus profitable d'approcher la vérité.
Lorsque nous avons donné la possibilité à l'esprit de se reposer du travail de la pensée, il reçoit alors tout naturellement un nouveau ravitaillement en énergie, et il lui est possible de se régénérer. Exactement de la même manière que le corps se repose la nuit pour se sentir de nouveau plus fort le lendemain matin, ainsi l'esprit peut-il acquérir de nouvelles forces. Cette régénération de l'esprit nous donne la possibilité d'y voir plus clair, ce qui nous aide à être moins la victime de nos émotions. Tel est le premier gain provenant de la pratique la méditation, à savoir une nouvelle énergie pour l'esprit, acquise par la tranquillité et par une moindre pression émotionnelle.
En second lieu, l'esprit est entraîné, et, dès lors, souple et docile. En fair, nous ne nous sommes jamais concentrés correctement sur quoi que ce soit, bien que nous ayons déjà tant appris par coeur et que nous l'ayons conservé en mémoire. Quand nous commençons à méditer, nous remarquons d'abord qu'il ne s'agit pas de la même chose. Mais quand nous engageons l'esprit à s'habituer à la concentration de manière répétitive, il se voit par cet exercice attribuer des forces, que notre corps reçoit par l'exercice corporel. A présent, l'esprit se fait enfin des "muscles" avec lesquels il peut faire face aux exigences de la vie tout en restant imperturbable.
Nous vivons dans une vérité relative, dans laquelle il n'y a pas d'absolu. A cause de cela, nous avons aussi le sentiment d'une insatisfaction intérieure, que nous essayons toujours de combler de l'extérieur. Informations, plaisirs, voyages, repas, sports, nous cherchons quelque chose en dehors de nous-mêmes; souvent aussi, nous espérons qu'une autre personne le fera à notre place. Mais cette insatisfaction est ancrée en nous, elle ne peut être comblée de l'extérieur.
Précisément, il ne peut y avoir de plénitude absolue dans une réalité relative. Mais parce que nous sommes incapables de reconnaître cela, nous ne savons pas vers où nous diriger. C'est pour cela que le monde est tel que nous le connaissons et c'est aussi cela que les journaux rapportent en permanence. Aussi devrions-nous toujours nous rappeler que notre esprit est la plus grande richesse que nous puissions posséder ; dans tout l'univers, il n'y a rien qui ait plus de valeur. Si nous nous attardons un moment sur cette idée, nous serons à même de voir que l'esprit est le maître, et le corps, le serviteur. Mais nous nous affairons à grande peine autour du serviteur et oublions complètement que le maître a lui aussi besoin d'attentions.
Si nous pensons que nous lavons notre corps tous les jours et que nous entretenons sa propreté, alors il va aussi de soi que l'esprit a besoin de soins similaires avec une nécessité au moins aussi importante. Sa propreté doit elle aussi être entretenue. Chacun d'entre nous connaît bien ses propres souillures et nous n'avons pas besoin de nous blâmer à cause d'elles. Mais il est absolument nécessaire de les reconnaître. Si nous portons un vêtement souillé, et que nous ne savons pas qu'il y a là des taches, alors nous continuerons à le porter jusqu'à ce que quelqu'un nous interpelle : " Tu es tout sali, ton vêtement est plein de taches ". Quant à notre esprit, il est rare de rencontrer quelqu'un d'assez honnête pour nous dire: " Ecoute donc un peu, tes pensées sont crasseuses, tu ferais bien de les nettoyer ". La seule chose qui se passe est que les gens se détournent de nous ou encore que nous nous rendons nous-mêmes malheureux.
Il nous faut donc reconnaître nous-mêmes nos souillures. Le procédé de nettoyage est le procédé de purification dans l'esprit, et c'est cela la vie spirituelle. Quels que soient les noms que nous souhaitions lui donner, que nous voulions la confondre avec une religion ou l'identifier à une organisation ou encore la faire dépendre d'un maître spirituel, cela n'a aucune espèce d'importance. Il s'agit seulement d'"une" voie, celle de la purification de notre propre esprit. Si un seul esprit est purifié, alors le monde a changé. La purification de l'esprit a automatiquement lieu dans la méditation, lorsque nous nous concentrons. Une minute de concentration est une minute de purification, car il nous est impossible d'avoir à la fois deux choses présentes à l'esprit. Nous ne pouvons à la fois penser négativement et nous concentrer en même temps. Nous pouvons comparer ceci avec une machine à laver automatique. Mais cela ne suffit pas. Nous devons introduire ce procédé de purification dans notre vie quotidienne, procédé au sein duquel nous protégeons nos pensées des impuretés et les purifions toujours à nouveau.
Par la méditation, nous avons donc d'abord la possibilité de régénérer l'esprit, de telle manière qu'il puisse se créer de nouvelles forces, après que nous l'ayons pendant des années laissé "traîner sous la pluie", sans l'avoir ni huilé ni aiguisé. A présent, nous le transportons vers l'intérieur, là où, à l'abri et sans danger, il peut pratiquer la contemplation intérieure, de telle sorte que nous accédions à une vue claire.
Ajoutons à cela que par l'exercice de la concentration, nous procurons des " muscles " à l'esprit, qui lui permettent de pénétrer plus avant dans la profondeur. Le nettoyage, que nous pratiquons quotidiennement sur le corps avec de l'eau et du savon, nous l'offrons à présent à l'esprit par la méditation. il vaudrait mieux avoir un corps sale que des pensées impures, avec toute la négativité que cela comprend. Chaque impureté creuse des sillons dans notre esprit qui nous incitent à nous rappeler des choses négatives, lesquelles à leur tour bloquent en nous l'accès à la nouveauté.
Dans la méditation, nous approvisionnons aussi l'esprit avec une bonne nourriture. Lorsque, par exemple, nous contemplons des vérités universelles, nous apprenons à nous sentir là chez nous, et non pas comme à l'habitude dans le matériel, dans le quotidien, que nous connaissons fort bien, mais qui ne conduit jamais à un état d'esprit élevé.
Le point suivant, très important dans la méditation, est le fait que nous n'avons plus besoin d'envisager le plan de conscience sur lequel nous nous trouvons comme le seul possible. Nous ne croyons plus qu'il n'y ait pour l'esprit humain rien d'autre à faire qu'acheter, s'acquitter de tâches, remplir des devoirs, vérifier des comptes en banque, téléphoner, lire des journaux, écrire des lettres, converser ou mettre le téléviseur en marche. Toutes ces occupations ne conduisent à rien, car la vie de tous les jours tourne en rond à jamais et pour toujours.
Cela commence par se lever tôt le matin et se laver, prendre le petit déjeuner et aller au travail ou nettoyer la maison, manger à nouveau, rentrer à la maison, se déshabiller, se laver, manger, ouvrir le téléviseur et aller dormir. Et le matin suivant à nouveau la même chose. Se lever, prendre le petit déjeuner, et ainsi de suite. Jour après jour; parfois lire un livre, appeler quelqu'un au téléphone ou partir en vacances. Cela ne nous satisfait en aucun cas, et, parce que nous le savons, nous cherchons en permanence quelque chose de nouveau. Mais cette nouveauté s'avère ne pas être celle qui convient, aussi cherchons-nous à nouveau quelque chose d'autre. Et le monde est rempli de tant de possibilités que nous avons besoin de toute notre vie, jusqu'à sa fin, ou de plus longtemps encore, pour reconnaître que toute cette diversité ne nous a pas apporté la paix. Ou bien nous prenons un jour de la distance par rapport à tout cela et nous disons: "Il doit y avoir autre chose".
C'est juste! Et nous allons être à même de le reconnaître nous-mêmes. Jusqu'ici, nous avons cherché quelque chose d'extérieur, au moyen de nos sens : la vue, l'ouïe, le goût, l'odorat, le toucher et la pensée. Mais du dehors, nous ne pouvons être comblés intérieurement. Le fait de changer notre plan de conscience du quotidien habituel par un plan plus élevé nous donne une harmonie intérieure comme nous n'en avons jamais connue auparavant. Lorsque nous devenons en notre esprit porteurs des vérités universelles, alors notre vie intérieure se remplit avec quelque chose de tout à fait différent du quotidien que nous connaissons. Le changement de notre plan de conscience est une partie de la méditation, une possibilité qui nous est donnée, si, patients et empressés, nous nous exerçons quotidiennement avec conviction.
Notre niveau de conscience habituel est celui de la dualité. Il y a des choses que nous aimons et d'autres que nous n'aimons pas, cet objet m'appartient ou il appartient à quelqu'un d'autre, nous voulons posséder un objet ou nous en débarrasser, nous croyons ou doutons et voulons utiliser notre intelligence pour chercher à comprendre le fond des choses.
Avec l'intelligence, il n'est cependant pas possible de découvrir la vérité la plus profonde. Bien que l'intelligence soit employée pour reconnaître ce qui nous arrive, elle ne peut se substituer à ce qui nous arrive. Les expériences nous sont communiqués par l'intermédiaire de nos sens. Cela aussi, nous l'apprenons dans la méditation, à savoir que ce que nous éprouvons, nous l'éprouvons par nos sens, et non pas par l'intelligence. L'intelligence est ensuite nécessaire pour nous expliquer ce que nous avons éprouvé. Là où cependant aucune sensation ne se présente, il ne peut y en avoir non plus de reconnaissance.
Un des plans de conscience, auquel nous pouvons avoir accès, nous est partiellement connu. Nous avons certainement déjà expérimenté un autre type de conscience, par exemple si nous avons très fort aimé un autre être humain. Dans le sentiment de cet amour puissant s'est ouvert un autre plan de conscience qui n'était pas basé sur la dualité. Mais naturellement, cela a été passager et cela n'a pas continué. Parce que nous l'avons ressenti comme un événement très désirable, nous avons voulu le répéter. A chaque fois nous pouvions constater que cela était passager. Nous pouvons aussi parfois éprouver cela dans une vieille église très belle, ou dans une cathédrale, imprégnée de recueillement, et où nous pouvons nous abandonner à ce sentiment de dévotion. Contempler un magnifique coucher de soleil sur l'océan et s'abandonner complètement au sentiment qui est né de cette contemplation peut aussi nous donner accès à un monde intérieur élevé. En général, nous croyons alors que cette sensation est née grâce au coucher de soleil, à l'église ou à l'amour. Il ne s'agissait cependant de rien de pareil. Il s'agissait de renoncer à trois caractéristiques de l'intelligence: la critique, le jugement et la condamnation. Mais parce que ceci ne nous est pas évident, nous nous mettons à la recherche d'un nouveau coucher de soleil, d'un nouvel amour ou d'une nouvelle église.
Mais ce n'est que par la méditation que nous serons à même de faire naître systématiquement ce changement de plan de conscience et le conserver tel quel. Par ce moyen, nous ne prendrons plus tellement au sérieux l'habituel plan de conscience de la vie de tous les jours. Bien sûr, nous devons continuer à nous acquitter de nos obligations, aller faire les courses, éplucher les pommes de terre et payer les factures, mais cela ne nous affecte plus avec une telle force, parce qu'à présent nous connaissons un autre plan de conscience.
Ceci est l'instant où l'esprit a trouvé sa maison. Ce dont le corps disposait déjà tout le temps, c'est-à-dire un toit au-dessus de la tête, une maison dont nous pouvons fermer les portes quand il neige, grêle, pleut ou quand le soleil tape fort, un toit sous lequel il se sent protégé de toutes les intempéries, voilà qu'à présent, l'esprit l'a trouvé lui aussi. C'est dans le plan de conscience élevé que se trouve la maison de l'esprit, une maison où il se sent protégé des tempêtes émotionnelles et des malveillances telles que la haine, la peur, l'angoisse, la colère, l'envie ou la jalousie.
Quoique pendant la journée, nous devions évidemment laisser l'esprit à ses diverses tâches, nous pouvons cependant nous retirer à chaque moment libre dans notre maison spirituelle et reprendre des forces. Exactement de la même manière que nous savons que nous n'avons pas besoin de laisser le corps dans la rue toute la nuit, car nous avons une clé pour la porte de notre maison, nous savons aussi à présent que l'esprit peut être protégé, car nous avons trouvé la clé.
Ce sentiment nous donne une tout autre sécurité dans la vie. Nous avons nous-même expérimenté que nous portons en nous le plus beau des bijoux, la plus grande des richesses. Nous avons la possibilité de sortir de la problématique de la réalité pour atteindre à une pureté où ce que nous expérimentons est basé sur le seul esprit purifié. Savoir que ceci est possible et que nous pouvons revenir à cet endroit à chaque instant constitue les résultats d'une méditation, qui changent notre vie intérieure en profondeur. Ils ne sont pas le but ultime de la méditation, mais des expériences qui l'accompagnent en chemin.
Le but de la méditation est autre, à savoir une vision claire ou un regard intérieur qui s'épanouissent peu à peu. C'est par le fait que notre plan de conscience s'est déjà éloigné de ce qui nous touchait d'ordinaire et que nous tenions autrefois pour si important, que naissent d'autres intérêts.
Nous commençons à voir les choses sous un autre oeil que jusqu'à présent. Un arbre est toujours un arbre, il ne va pas devenir quelque chose d'autre, mais, par la méditation, nous nous rappelons de l'impermanence et voyons l'arbre comme un phénomène qui est apparu, demeure un certain temps et disparaît à nouveau. Nous savons que le dépérissement est la vérité de tout ce qui existe, et aussi, avant tout autre chose, la nôtre.
C'est là une des considérations qui apparaissent à présent comme importantes; non pas que tout doive rester comme il est, mais bien que chaque chose et que chaque être vivant sont soumis à un changement permanent. A l'intérieur de ce changement, qui concerne l'univers entier, il n'est possible de trouver aucun accomplissement parfait, ni d'ailleurs aucune substance fondamentale.
La plupart des gens sont intéressés par le chemin de la méditation, et non par son but. Il peut aisément en être ainsi, car le chemin conduit de toutes façons au but, que nous en soyons conscients ou non. Car l'esprit humain est pareil chez chacun d'entre nous. Bien que nous croyions que certaines personnes soient intelligentes et que d'autres sont stupides, certaines sympathiques et d'autres non, certaines encore pleines de compréhension, cela ne vaut seulement qu'à un niveau superficiel. Aux couches plus profondes de la connaissance, cela n'est plus exact.
Chaque esprit humain renferme en lui le germe de l'illumination. L'illumination parfaite est connaissance limpide et absolue, intelligence suprême. Chaque esprit humain porte en soi la capacité du plan de conscience le plus élevé. Chacun peut y accéder, s'il a la ferme volonté d'utiliser à cette fin son esprit et son énergie, d'exercer sa patience et de faire régner la force de la résolution. Plus facilement nous nous abandonnerons au nouveau, plus rapide en sera la marche.
En principe, nous dépendons totalement de nous-mêmes dans cette aventure. Le Bouddha nous a donné une carte routière, sur laquelle figurent assez d'indicateurs du chemin. Mais nous savons cependant que la meilleure des cartes routières est inutile, si nous ne nous asseyons dans une voiture et démarrons, et si bien entendu nous n'avons au préalable fait le plein. L'essence est l'énergie qui rend le voyage possible. La conduite de la voiture est notre disposition à entreprendre un voyage de découverte à l'intérieur. La carte avec les panneaux routiers nous montre la direction et le but. Les indications routières du Bouddha sont extrêmement claires et précises, et les mêmes pour tous, mais elles ne présentent d'intérêt que si nous nous en approchons. De loin le plus beau des panneaux routiers est illisible.
Les directives du Bouddha montrent clairement que tout esprit humain parcourt les mêmes degrés de conscience. Quand il nous sera devenu clair qu'il y a plus dans la vie que des événements particuliers, qui ont peut-être constitué des points d'orgue pour nous, et que nous n'avons pas besoin d'être dépendants de circonstances extérieures, mais que nous dépendons seulement de notre vie intérieure, alors nous commencerons certainement à mettre de l'ordre dans notre vie intérieure. L'ordre et la propreté, que nous aimons tous voir régner dans nos maisons ou nos appartements, conviennent de la même manière à notre cœur et à notre esprit. Lorsque nous les y avons mis en place, alors nous pouvons nous reconnaître nous-mêmes avec une plus grande clarté, et la méditation a créé un terrain de culture sur lequel ils pourront prospérer.
Copyright: tous les droits d'édition appartiennent à JHNANA-Verlag, Uttenbühl, Allemagne, 1990. Du temps où j'eus la chance d'être un des élèves d'Ayya Khema, elle m'a encouragé à traduire ses textes en français et à les diffuser, gratuitement, cela va sans dire.
Traduction: Luc Roger
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