Fin juin 1886, quelques jours après la mort du roi Louis II, certains journaux français ont cru bon d'évoquer les raisons de la virginité supposée du roi Louis II de Bavière. La Nation, un quotidien républicain radical, publie un article repris par Le petit colon algérien, Le Midi, La Charente ou Le Républicain de Constantine expliquant cette prétendue virginité : à l'époque de ses fiançailles, le roi aurait surpris sa fiancée en train d'embrasser un prêtre et se serait promis de ne jamais se marier. La Nation, journal laïque et anti-clérical, revendiquait notamment la suppression du budget des cultes et la séparation de l'église et de l'état. Un article de la presse à sensation qui n'a aucune valeur historique mais a comme tant d'autres contribué à créer la légende du roi.
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Phot d'époque J. Albert |
Le roi vierge
" Amours royales. Toujours le roi de Bavière qu’on a souvent appelé le Roi vierge ! Les racontars les plus divers ont circulé au sujet de cette virginité. Un rédacteur de la Nation donne la version suivante qu’il a recueillie, dit-il, de la bouche d’une personne très haut placée et à qui son rang a permis d’être témoin de plusieurs drames parmi les nobles familles du droit divin : C’était avant l’année terrible. Le jeune roi Louis II était éperdument épris d’une charmante princesse de Bavière, sœur cadette de l'impératrice d’Autriche, sœur également de la princesse de Tour-et-Taxis et de l’ex-reine de Naples. Les deux jeunes gens étaient fiancés, et l’on peut encore retrouver aujourd'hui à Munich la photographie qui les représente ensemble, à l’époque où eut lieu cette histoire. « Chaque jour, le roi se rendait auprès de sa belle, qui habitait un superbe château aux alentours, et la passion du jeune monarque était si violente qu’elle absorba bientôt tous ses instants, et toutes ses facultés.
Or, il advint qu’un matin, ayant pénétré dans le logis sans sc faire annoncer, sans être même signalé, il ne trouva point sa fiancée dans le salon où d’habitude, elle l’attendait. Un peu dépité, il posa sur un guéridon le bouquet qu’il lui apportait et s’approcha de la fenêtre pour guetter son retour, » Caché derrière le rideau, il demeurait là, anxieux et rêveur, l’œil errant sur les belles pelouses vertes d’où il s’attendait à voir sortir la gracieuse silhouette de sa fiancée. « Tout à coup il pâlit affreusement et, s’appuyant au dossier d’un fauteuil, il porta la main à sa poitrine en étouffant un cri. comme si un coup mortel l’eût frappé ; là-bas, au détour d’une allée, il venait d’apercevoir sa fiancée en compagnie d’un prêtre, le propre chapelain du château ! Cela pouvait n’avoir rien d’anormal au premier abord, mais leurs regards, la vivacité de leurs paroles, tout enfin dans leur maintien inspira au roi la plus mortelle jalousie. Et vivement il se blottit derrière un paravent, au moment où les deux promeneurs entraient au salon.
— Tiens ! s'écria lu princesse a la vue du bouquet, mon fiancé est venu !
Puis, voyant le salon désert :
— Quel bonheur que cet ennuyeux personnage soit parti ! continua-t elle.
Et, se tournant alors vers le prêtre, qu’elle enlaça de ses bras :
— Donne-moi tes lèvres, murmura-t-elle, viens, que j’oublie dans ton amour l’ennui profond que j’éprouve à l’idée d’épouser un jour ce roi !
À peine achevait-elle ces mots que le paravent se renversait et Louis II, fou de rage, s’élançait vers les deux amants. Le chapelain s’enfuit, la princesse s’affaissa. tandis que le roi, hurlant de douleur, l’accablait d’invectives et la quittait enfin la maudissant.
C’est alors que le roi aurait fait le serment de renoncer à jamais au mariage et à l’amour. Il a tenu parole! "
in La Nation, etc., juin 1886
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