Rechercher dans ce blog

vendredi 24 juin 2022

Sissi évoque la musique de Richard Wagner

Wagner photographié en  1862 par L.Angerer à Vienne

L'impératrice Elisabeth avait assisté à un concert de Wagner à Vienne organisé par le Musikverein (Gesellschaft der Musikfreunde in Wien) le 26 décembre 1862 dans l'Altes Musikvereinsgebäude in der TuchlaubenWagner y avait dirigé quelques extraits de son futur Ring. En 1863, elle assista à trois concerts de Wagner dans sa capitale et ne ménagea pas son enthousiasme puisqu'elle se leva dans sa loge pour l'applaudir, un geste que sa belle-mère l'archiduchesse Sophie trouva inconvenant. 

Les propos qui suivent ont été recueillis bien plus tard par le lecteur grec de l'impératrice, Constantin  Christomanos, et rapportés dans son livre Élisabeth de Bavière, impératrice d'Autriche: Pages de journal : impressions, conversations, souvenirs, ici dans la traduction de Gabriel Syveton.

    [...] Nous parlions, aujourd’hui, des Nibelungen, de Richard Wagner. 
   — Je tiens Wagner pour un rédempteur, dit l’impératrice. Il n’est pas autre chose que l’incarnation musicale d’une connaissance de nos secrets intérieurs, venue, inconsciemment, en nous, à maturité. Le mot Tondichter (Poète de sons) n’exprime, à mon avis, que la forme extérieure et sensible de sa révélation, mais non ce qu’il était lui-même. Il était justement, et uniquement, les mystères mêmes de notre existence qui sont devenus science libératrice. 
    Puis elle dit, (peut-être, sans s’en rendre compte et sans le vouloir, transformant harmonieusement en sons fluides les mouvements de sa pensée) : 
    — Nous devons accueillir en nous la musique de toute chose et la fondre en nous en une unité. Nous devons nous pencher sur le cœur de la terre, et prêter l’oreille à ses battements. Là, confluent, comme en une conque mystique, les grandes harmonies : tous les rayons de soleil qui jamais ne s’éteignent, et les rêves qui ne sont pas encore nés, et les joies des fleurs, et les mélancolies des automnes, les langueurs des rivières vers le lointain, et les silences des nuées. Nous devons, ajouta-t-elle, retourner là d’où nous sommes venus, au primordial bruissement du Rhin, d’où naquit le chant du Rheingold. De cette manière, vainqueurs, nous remporterons la victoire sur nous-mêmes. Ce que nous ne pouvons parfaire qu’avec l’aide de la mort, nous devrions l’accomplir seuls et encore vivants. 
    Ainsi elle créait elle-même, devant mes yeux, par les fugitifs gestes délicats et si magnifiques de son âme, l’image idéale et véritable de son être.
   Toujours je la vois devant moi, cherchant à mettre le chant de sa vie intérieure en unisson avec la grande mélopée du monde, qui résonne en un intérieur silence éternel ; je la vois prêter l’oreille aux vagues et aux vents, qui se taisent, sonores, aux constellations qui chantent silencieuses, aux douces fleurs qui exhalent leurs âmes en harmonies, et quand sur la grève tragique et sans âge, elle voit les flots s’épanouir en toujours nouvelles blanches floraisons, les fleurs frissonner en vagues sur les collines assoupies, la clarté des étoiles et le souille des vents autour de sa tête mollement fluctuer, alors aussi, de fonde de sa tristesse, elle puise de virginales corolles inconnues, et s’en couronne comme Ophélie. [...]

En 1888, l'impératrice se rendit à Bayreuth en compagnie de sa fille Marie-Valérie pour y assister à une représentation de Parsifal. Voir à ce sujet les deux posts que j'y ai consacré : 1. http://munichandco.blogspot.com/2020/09/limperatrice-elisabeth-dautriche.html 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire