Ursula Pfitzner (Gräfin Mariza) - © Barbara Pálffy/Volksoper Wien |
Gräfin Mariza (Comtesse Maritza) est une opérette en trois actes du compositeur hongrois Emmerich Kálmán, sur un livret de Julius Brammer et Alfred Grünwald, d’après Le roman d’un jeune homme pauvre d’Octave Feuillet. Cette opérette à la partition dotée de belles couleurs instrumentales constitue, avec Die Csardasfürstin, le plus grand succès qu´ait connu le compositeur Kálmán. C'est aussi une des plus belles opérettes du répertoire austro-hongrois avec le Baron Tsigane de Strauss, une opérette à laquelle la comtesse fait par ailleurs référence lorsque elle lui emprunte le nom de son supposé fiancé, le baron Koloman Zsupan. Sa première représentation eut lieu à Vienne au Theater an der Wien, le 28 février 1924. L´histoire tragi-comique de l´opérette, beaucoup plus comique et amusante que tragique, met en scène des personnages très différenciés et est émaillée de beaux duos romantiques, de nombreux numéros comiques et de mélodies désormais célèbres, dont, pour ne citer qu´eux, le duo "Komm mit nach Varasdin", "Grüss mir die reizenden Frauen" ou encore le grand air de Tassilo, "Komm Zigany". L'oeuvre de Kálmán a rencontré un succès tel qu´elle a été quatre fois portée au cinéma (en 1925, 1932, 1958 et 1954).
L'oeuvre figure en bonne place au répertoire de l'Opéra populaire de Vienne (le Volksoper Wien), la seconde salle d'opéras de Vienne, qui attire un large public d'habitués amateurs d'opérettes et de comédies musicales, un public qui revient volontiers voir une opérette, comme c'est le cas pour l'actuelle reprise de Comtesse Maritza. Le metteur en scène Thomas Enzinger, passionné par l'oeuvre d'Emmerich Kálmán, a plusieurs fois sur le métier remis son ouvrage avec la Gräfin Mariza, qu'il a déjà mise trois fois en scène avec un art consommé du grand spectacle.
L'actualité tragique d'un monde à nouveau touché par la guerre et une crise économique de très grande ampleur n'est pas sans rappeler celle de cette opérette bientôt centenaire : l'empire avait disparu, le monde de 1924 vivait lui aussi une grave crise économique et sociale, avec des différences de classe encore plus marquées, une partie de la noblesse, ruinée, n'avait plus que ses titres et s'était mise au travail, mais le goût des grandes fêtes était resté. L'opérette traitée comme une grande revue avec ses innombrables musiques entraînantes, ses danses, l'alcool qui coule à flot, ses interprètes de qualité qui sont tout à la fois chanteurs, acteurs et danseurs, permet pour quelques heures d'oublier la sinistre réalité du monde. Et pour la mettre en oeuvre il faut une troupe de qualité avec des interprètes de premier ordre qui privilégient l'esprit du travail d'équipe. C'est précisément ce que nous offre le Volksoper de Vienne.
Wiener Staatsballett - © Barbara Pálffy/Volksoper Wien |
L´oeuvre, empreinte de romantisme et de passion, comporte également une bonne part d´amusement, avec une série de personnages qui cachent leur véritable jeu et s´enfoncent toujours plus avant dans leurs mensonges, ce qui conduit à toute série de malentendus et de quiproquos mais se termine pour tous et toutes par un happy end. La mise en scène de Thomas Enzinger est opulente, on trouve un spectacle qui utilise la panoplie du comique de situations, accentue les traits saillants des personnages jusqu'à la caricature, en renforçant l´accent hongrois de certains des protagonistes et en privilégiant comme il se doit le folklore hongrois, tant par les costumes que par les danses folkloriques exécutées par les magnifiques danseurs du Wiener Staatsballett entraînés par le chorégraphe Bohdana Szivacz. La diversité des costumes de Toto, qui est aussi le scénographe, correspond à la variété des musiques et des danses du vaste pot-pourri musical de l'oeuvre : on y voit les tsiganes qui dansent le csárdás avec ses pas latéraux à gauche et à droite, les valseurs en habits et robes mousseuses ou les danseurs de charleston. Le plateau tournant est utilisé à bon escient pour des changements rapides de décor : les alles de réception succèdent aux jardins du château de la comtesse, il faut passer du château au Tabarin, un grand cabaret mondain à revue où l'on dépense sans compter et où l'argent et l'alcool coulent à flots.
Le public du Volksoper participe à la fête. À la fin du spectacle, après un intermède théâtral et l'intervention d'un deus ex machina qui prend l'apparence d'une tante richissime qui résout tous les énormes problèmes financiers de son neveu, l'amour triomphe, des couples heureux se sont formés, et le public se met à battre des mains la cadence de la musique.
Dernière représentation de la saison ce 29 avril au Volksoper. Places restantes.
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