[FR] L'impératrice et l'artiste. [Traduit de l'allemand]
Une intéressante réminiscence de l'impératrice Elisabeth est racontée dans le "Berliner Local-Anzeiger" par le sculpteur Antonio Chiattone, auteur, comme on le sait, du monument que l'impératrice avait fait ériger à son fils décédé dans son magnifique château de l'Achilleion. Lors de son séjour à Lugano en 1894, l'impératrice avait vu, lors d'une exposition d'art dans le Paradiso voisin, une statue de Chiattone, une figure féminine grandeur nature représentant la douleur, et en avait immédiatement pris possession. Quelques jours plus tard, l'artiste fut chargé de réaliser le monument au prince héritier. En collaboration avec son frère, il présenta trois esquisses, dont l'une fut approuvée par l'impératrice. Après plusieurs mois, l'œuvre était terminée et Chiattone partit pour Corfou afin d'assister lui-même à l'installation du monument. L'impératrice séjourna alors 50 jours à l'Achilleion. Elle avait exprimé le souhait de ne voir le monument qu'une fois achevé, et elle pressa l'artiste d'achever le travail au plus vite, car son départ était imminent. Enfin, tout fut terminé et Chiattone fixa le dévoilement au 22 avril, à une heure et demie de l'après-midi. Mais l'impératrice ne put apparaître que vers quatre heures. Ce fut une scène émouvante, et Chiattone dit qu'il n'a jamais approché la douleur d'une mère plus intimement que ce jour-là. L'impératrice arriva d'un pas rapide et léger, dans une grande toilette, entièrement vêtue de noir ; elle portait autour du cou une magnifique parure de diamants. Une fois le manteau tombé du monument, elle resta environ dix minutes devant celui-ci, immobile comme une statue, absorbée par la contemplation. Chiattone dit qu'il ne peut pas décrire ce qu'il a ressenti pendant ce laps de temps. Il scrutait anxieusement le visage de l'impératrice à la recherche d'un signe de reconnaissance. Il vit peu à peu se refléter tout le passé tragique dans les yeux de l'impératrice. Lentement, ses yeux se remplirent de larmes et, silencieuse et immobile, la grande dame laissa libre cours à sa douleur - une Niobé telle qu'aucun des maîtres immortels n'aurait pu la reproduire. Enfin, l'impératrice se reprit et dit lentement : " Chiattone, j'ai eu beaucoup de chance — celle d'avoir trouvé un artiste qui a su réaliser cette œuvre comme je le souhaitais ". Puis elle offrit sa main à l'artiste pour qu'il l'embrasse. Chiattone, qui ignorait totalement cette coutume, prit la main de l'impératrice dans ses deux mains et la serra en exprimant par ce geste le sentiment de bonheur débordant qui le dominait. L'impératrice poursuivit ensuite la conversation et invita finalement l'artiste, lorsqu'il aurait terminé des travaux, à lui envoyer directement à la Hofburg de Vienne des photogrammes de ses travaux, en évitant toute étiquette de cour inutile. L'artiste n'a plus jamais revu l'impératrice.
Source : entre autres Neue Freie Presse, 10 octobre 1898, Agramer Zeitung, 11 octobre 1898, Kärtner Zeitung, 16 octobre 1898.
[DE] Kaiserin und Künstler.
Eine interessante Reminiscenz an Kaiserin Elisabeth erzählt
im „Berliner Local-Anzeiger" der Bildhauer
Antonio Chiattone, bekanntlich der Schöpfer des
Denkmals, welches die Kaiserin ihrem todten
Sohne in ihrem wunderbaren Schlosse Achilleion
hatte errichten lassen. Die Kaiserin hatte, als sie
im Jahre 1894 in Lugano weilte, auf einer
Kunstausstellung in dem benachbarten Paradiso
eine von Chiattone ausgestellte Statue, eine
weibliche Figur in Lebensgröße, den Schmerz
darstellend, gesehen und sofort in ihren Besitz
gebracht. Wenige Tage später schon erhielt der
Künstler den Auftrag, das Denkmal für den
Kronprinzen zu schaffen. In Gemeinschaft mit
seinem Bruder legte er drei Skizzen vor, deren
eine den Beifall der Kaiserin fand. Nach mehreren
Monaten war das Werk fertig und Chiattone
ging nach Korfu, um bei der Aufstellung des
Denkmals selbst anwesend zu sein. Die Kaiserin
verweilte damals 50 Tage im Achilleion. Sie
hatte den Wunsch geäußert, das Denkmal erst
in seiner Vollendung zu sehen, und sie drängte
den Künstler, die Arbeit möglichst rasch zu
vollenden, da ihre Abreise bevorstand. Endlich
war alles fertig, und Chiattone bestimmte die
Enthüllung für den 22. April, halb 2 Uhr
mittags. Die Kaiserin konnte aber erst gegen
4 Uhr erscheinen. Es war eine ergreifende Scene,
und Chiattone sagt, er habe niemals den Schmerz
einer Mutter inniger verstanden, als an jenem
Tage. Die Kaiserin kam schnellen und leichten
Schrittes in großer Toilette, vollkommen schwarz
gekleidet; um den Hals trug sie einen wunder
vollen Diamantschmuck. Als die Hülle vom
Denkmal gefallen war, blieb sie etwa 10 Minuten,
unbeweglich wie eine Statue, im Anschauen versunken, vor dem Denkmal stehen. Chiattone sagt,
er könne nicht beschreiben, was er während
dieser Spanne Zeit empfand. Ängstlich spähte
er im Antlitz der Kaiserin nach einem Zeichen
der Anerkennung. In den Augen der Kaiserin
sah er nach und nach die ganze tragische Vergangenheit sich widerspiegeln. Langsam füllten
sich die Augen mit Thränen, und lautlos und
unbeweglich ließ die hohe Frau ihrem Schmerze
freien Lauf— eine Niobe, wie sie keiner der
unsterblichen Meister nachzubilden imstande
gewesen wäre. Endlich erholte sich die Kaiserin
und sagte langsam: „Chiattone, Mir ist großes
Glück geworden— das, einen Künstler gefunden
zu haben, der es verstand, dieses Werk auszuführen, wie Ich es Mir wünschte." Dann bot
sie dem Künstler die Hand zum Kuße. Chiattone,
dieser Sitte völlig unkundig, nahm die Hand
der Kaiserin in seine beiden Hände und drückte sie in dem überströmenden Glücksgefühle, das ihn beherrschte. Die Kaiserin setzte dann das Gespräch fort und lud schließlich den Künstler
ein, wenn er Arbeiten fertig habe, ihr Photo
graphien derselben mit Umgehung aller unnützen
Hof-Etikette direct in die Wiener Hofburg zu
senden. Der Künstler hat die Kaiserin nie mehr
wiedergesehen.
Quelle : u.a. Neue Freie Presse, 10. Oktober 1898, Agramer Zeitung, 11. Oktober 1898, Kärtner Zeitung, 16. Oktober 1898
[EN] Empress and artist. (Translated from the original article in german]
An interesting reminiscence of Empress Elisabeth is told in the "Berliner Local-Anzeiger" by the sculptor Antonio Chiattone, who, as is well known, was the creator of the monument that the Empress had erected to her dead son in her wonderful Achilleion Palace. When she was in Lugano in 1894, the Empress had seen a statue by Chiattone at an art exhibition in the neighbouring Paradiso, a life-size female figure depicting pain, and immediately took possession of it. A few days later, the artist was already commissioned to create the monument to the crown prince. In collaboration with his brother, he submitted three sketches, one of which met with the Empress' approval. After several months, the work was finished and Chiattone went to Corfu to be present at the erection of the monument itself. The Empress stayed in the Achilleion for 50 days at that time. She had expressed the wish to see the monument first in its completion, and she urged the artist to finish the work as quickly as possible, as her departure was imminent. Finally everything was ready, and Chiattone scheduled the unveiling for 22 April, half past two at noon. The Empress, however, could not appear until about 4 o'clock. It was a moving scene, and Chiattone says he never understood the pain of a mother more intimately than on that day. The Empress came quickly and lightly, in a large toilette, dressed completely in black; around her neck she wore a wonderfully full diamond jewel. When the cover had fallen off the monument, she remained standing in front of it for about 10 minutes, immobile like a statue, absorbed in gazing. Chiattone says he cannot describe what he felt during that span of time. He anxiously looked at the empress's face for a sign of recognition. In the eyes of the Empress, he gradually saw the whole tragic past reflected. Slowly her eyes filled with tears, and silently and motionless the high woman gave free rein to her pain - a Niobe such as none of the immortal masters would have been able to reproduce. At last the Empress recovered and said slowly: "Chiattone, I have been very fortunate - to have found an artist who knew how to execute this work as I wished. Then she offered her hand for a kiss. Chiattone, completely ignorant of this custom, took the empress's hand in both of his and squeezed it in the overflowing happiness that dominated him. The Empress then continued the conversation and finally invited the artist, when he had finished his work, to send her photographs of it directly to the Vienna Hofburg, bypassing all useless court etiquette. The artist never saw the empress again.
Source: Neue Freie Presse, 10 October 1898, Agramer Zeitung, 11 October 1898, Kärtner Zeitung, 16 October 1898, among others.
Rodolphe. Les textes de Mayerling
Les diverses versions du drame de Mayerling sont présentées dans le recueil Rodolphe. Les textes de Mayerling (BoD, 2020).
Suicide, meurtre ou complot ? Depuis plus de 130 années, le drame de Mayerling fascine et enflamme les imaginations, et a fait couler beaucoup d'encre. C'est un peu de cette encre que nous avons orpaillée ici dans les fleuves de la mémoire : des textes pour la plupart oubliés qui présentent différentes interprétations d'une tragédie sur laquelle, malgré les annonces répétées d'une vérité historique définitive, continue de planer le doute.
Comment s'est constituée la légende de Mayerling? Les points de vue et les arguments s'affrontent dans ces récits qui relèvent de différents genres littéraires : souvenirs de princesses appartenant au premier cercle impérial, dialogue politique, roman historique, roman d'espionnage, articles de presse, tous ces textes ont contribué à la constitution d'une des grandes énigmes de l'histoire.
Le recueil réunit des récits publiés entre 1889 et 1932 sur le drame de Mayerling, dont voici les dates et les auteurs :
1889 Les articles du Figaro
1899 Princesse Odescalchi
1900 Arthur Savaète
1902 Adolphe Aderer
1905 Henri de Weindel
1910 Jean de Bonnefon
1916 Augustin Marguillier
1917 Henry Ferrare
1921 Princesse Louise de Belgique
1922 Dr Augustin Cabanès
1930 Gabriel Bernard
1932 Princesse Nora Fugger
Le dernier récit, celui de la princesse Fugger, amie de la soeur de Mary Vetsera, est pour la première fois publié en traduction française. Il n'était jusqu'ici accessible qu'en allemand et en traduction anglaise.
Luc-Henri Roger, Rodolphe. Les textes de Mayerling, BoD, 2020. En version papier ou ebook.
Commande en ligne chez l'éditeur, sur des sites comme la Fnac, le Furet du nord, Decitre, Amazon, Hugendubel, etc. ou via votre libraire (ISBN 978-2-322-24137-8).
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