Les corneilles
Le plumage lustré de satins et de moires,
Les corneilles, oiseaux placides et dolents,
Parmi les champs d'hiver, que la neige a fait blancs,
Apparaissent ainsi que des floraisons noires.
L'une marque les longs rameaux d'un chêne ami ;
Elle est penchée au bout d'une branche tordue,
Et, fleur d'encre, prolonge une plainte entendue
Par le tranquille écho d'un village endormi.
Une autre est là, plus loin, pleurarde et solitaire,
Sur un tertre maussade et bas comme un tombeau,
Et longuement se rêve en ce coin rongé d'eau,
Fleur tombale d'un mort qui dormirait sous terre.
Une autre encor, les yeux fixes et vigilants,
Hiératiquement, sur un pignon placée,
Reste à l'écart et meurt, vieille et paralysée,
Plante hiéroglyphique en fleur depuis mille ans.
Le plumage lustré de satins et de moires,
Les corneilles, oiseaux placides et dolents,
Parmi les champs d'hiver, que la neige a faits blancs,
Apparaissent ainsi que des floraisons noires.
in Les bords de la route, Mercure de France, 1895
Le poème parut aussi la même année dans la revue d'art et de littérature La Jeune Belgique
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