En 1939, le quotidien parisien Ce Soir publiait en feuilleton le roman que consacra Suzanne Normand à l'impératrice Elisabeth d'Autriche sous le titre Une impératrice maudite. La vie errante d'Elisabeth d'Autriche. Le texte était illustré par Lalande. Il semble que le roman ne fut jamais publié en format livre.
Le roman commence par le voyage de la jeune fiancée sur le Danube. Voici cette entame :
Le beau Danube bleu
On était en 1854.
Le soir tombait, un soir précoce d'avril, lorsque le bateau aborda à Nussdorf, près de Vienne, sur le Danube.
C'était la dernière étape d'un voyage qui durait depuis deux jours. Depuis deux jours. Elisabeth de Wittelsbach, fille de Max-Joseph, duc en Bavière, avait abandonné sa maison natale de Possenhofen : elle venait, dans la plus brillante capitale d'Europe, épouser son cousin, François- Joseph, de Habsbourg, empereur d'Autriche-Hongrie.
L'aventure ressemblait à un conte, à un rêve, à tout ce que l'on voulait, sauf à la vie. Et, pour escorter cette petite fille inconnue qui quittait son pays, il n'y avait pas assez d'acclamations, pas assez d'amour.
Mais la petite fille se sentait le cœur déchiré.
Tout l'imprévu du voyage, tout son éclat, n'effaceraient pas de son souvenir les images familières : celle d'un jardin plein de roses, celle d'un lac aux eaux fraîches, brillant dans son dur anneau de montagnes.
Adieu, pièces silencieuses ! Adieu. vieux château,Et vous, premiers rêves d'amour.Reposez en paix au fond du lac.
Ainsi Elisabeth, hier, exprimait pour elle — pour elle seule —son chagrin.
Les gens se poussaient pour la voir, l'acclamaient. Ils criaient leur adieu à une duchesse enfant en costume de voyage, debout dans la berline à six chevaux, et dont ils voyaient couler les larmes, sous la petite capote de voyage.
Adieu, arbres chauves, Et vous, buissons et fourrés.
De Possenhofen à Straubing, à travers des campagnes pavoisées, les paysans en habits de fête ne cessaient d'arrêter les voitures jetant des fleurs, bénissant la princesse.
De Straubing à Linz, le vapeur glissa entre des rives sonores de vivats, claquantes d'étendards.
Tandis que, toujours meurtrie de son départ, de ses adieux a la maison, au lac. aux jeux de là-bas, l'enfant étonnée, gênée peut-être, écoutait monter autour d'elle cette joie intarissable.
A Linz, ce matin, ce fut le changement de bateau. Le conte de fées commençait : le yacht sur lequel Sisi embarque, sur lequel elle doit arriver aux portes de sa capitale, François-Joseph, avant de le lui envoyer, l'a accablé de tous les velours de Vienne, de toutes les roses de Schœnbrunn.
Tout le jour, sous le vent acide d'avril, des roses s'effeuillèrent dans les tourbillons jaunes du Danube. Sur le pont, ayant retrouvé son insouciance, Sisi courait, comme à l'école buissonnière.
Maintenant, essoufflée, les bras pleins de fleurs, elle regarde venir à elle, étincelante de lumières, d'uniformes, retentissante d'acclamations, cette ville, dont demain elle sera la souveraine. [...]
L'accueil à Vienne — Dessin de Lalande
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire