Dessin au crayon de Charles Greyve (1851)
À HENRI HEINE *
Tu passais ici-bas brûlé par mainte fièvre,
Des larmes dans les yeux, le sarcasme à la lèvre,
Poète au cœur malade, amoureux méprisé
Qui chantais pour chasser des images funèbres
Comme un enfant peureux perdu dans les ténèbres,
Et parfois tu disais, par la lutte brisé :
« Frères, voici le soir, j’ai sommeil, je succombe ;
Bientôt une fleur d’or germera sur mes os,
Un rossignol viendra se poser sur ma tombe,
Et son hymne d’amour bercera mon repos. »
Maintenant, sous la terre où frémit l’herbe verte,
Tu fais, loin du soleil, le grand songe inconnu,
Et l’oiseau chante auprès de la fleur entr’ouverte ;
Tu reposes, poète, et l’amour est venu...
Même aux plus chers matins de ta saison charmante
Tu ne rêvais jamais une pareille amante :
Sur sa tête inclinée une couronne luit ;
Elle a l’air noble et doux des reines de légende ;
Quand on la voit passer, il semble qu’on entende
Une chanson lointaine et triste qui la suit ;
Elle tombe à genoux en regardant ta pierre.
O pauvre mort, écoute et rouvre la paupière,
Réponds à son appel, tends vers elle les bras...
Mais tu dors et plus rien désormais ne te touche,
Toi qui, jadis, le cœur plein d’angoisse, imploras,
Comme un damné de l’eau pour y tremper sa bouche,
Un décevant bonheur que tu n’atteignis pas.
C’est le sort du poète ; on ne l’écoute guère
Et, tant qu’il est vivant, chacun lui fait la guerre ;
Quand sous l’herbe il sommeille en paix, saignant et las,
Une reine aux beaux yeux vient, dans la nuit qui tombe,
Apporter tristement des palmes sur sa tombe.
Légendes et Chansons
* Chaque fois que l’impératrice d’Autriche est venue à Paris, elle a porté au cimetière Montmartre une couronne sur la tombe de Henri Heine.
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