Le jeune Hugo Wolf au temps du conservatoire de Vienne |
C’est au conservatoire, où il étudie en même temps que Gustav Mahler, que le jeune Hugo Wolf découvrira la musique de Richard Wagner, une révélation pour lui capitale et qui l'amènera à rencontrer Wagner dans l'espoir de lui présenter quelques-uns de ses premiers essais musicaux. Voici deux coupures de presse qui évoquent cette rencontre.
Wagner et Wolf
in Revue musicale de Lyon du 1er mars 1908
« Enfin, écrit-il, Wagner parut, en compagnie de Cosima et de Goldmark. Je saluai Cosima très respectueusement, mais elle ne me jugea pas, digne sans doute de la peine de m'honorer seulement d'un regard. Wagner était allé dans sa chambre sans faire attention à moi, quand la femme de chambre lui dit, sur un ton de prière :
— Ah ! Monsieur Wagner, un jeune artiste, qui depuis si longtemps déjà vous attendait, désire vous parler.
Il sortit de chez lui, me regarda, et dit :
— Je vous ai.déjà vu une fois, je crois. Vous êtes...
Vraisemblablement, il voulait dire : « Vous êtes fou. »
Il passa devant moi, et m'ouvrit la porte du salon de réception, où règne un luxe vraiment royal. Au milieu est un lit de repos, tout de velours et de soie. Wagner lui-même était enveloppé dans un long manteau de velours, bordé de fourrure.
Quand j'entrais, il me demanda ce que je désirais.
Je lui dis :
— Hautement vénéré maître ! Depuis longtemps, je formais le désir d'entendre un jugement sur mes compositions, et il me serait...
Ici, le maître m'interrompit et dit :
— Mon cher enfant, je ne puis rendre aucun jugement sur vos compositions : j'ai maintenant trop peu de temps, et je ne puis même pas écrire mes lettres. Je ne comprends rien à la musique.
Je demandai au maître de me dire si je pouvais arriver à quelque chose ; il me dit :
— Lorsque j'étais aussi jeune que vous, et que je composais, on ne pouvait pas dire si j'arriverais à grand'chose en musique. Vous pourriez tout au plus me jouer vos compositions au piano; mais je n'ai pas le temps. Quand vous serez plus mûr, et quand vous aurez composé de plus grandes œuvres, si je reviens par hasard à Vienne, vous me montrerez ce que vous aurez fait. Mais maintenant, cela ne va pas, je ne puis rendre aucun jugement.
Comme je dis au maître que je prenais les classiques pour modèles, il me dit:
— Bon ! bon ! on ne peut pas tout de suite être original.
Là-dessus, il rit. À la fin, il dit :
— Je vous souhaite, cher ami, beaucoup de bonheur dans votre carrière. Continuez avec application, et, si je reviens à Vienne, montrez-moi vos compositions.
Là-dessus, je me séparai du maître, profondément ému et saisi. »
Hugo Wolf
par Pierre Autry in Le Peuple du 5 février 1936
[...] De toutes les influences que Hugo Wolf ressentit, ce fut, avec Berlioz, celle de Wagner qui le marqua le plus. En 1875, de passage a Vienne, celui-ci vit venir à lui un garçonnet de quinze ans qui avait surmonté d'énormes obstacles pour approcher le maître afin de lui soumettre quelques-unes de ses compositions. On doit reprocher au géant de n'avoir pas prêté attention au gamin. S'il l'eût fait, peut-être Hugo Wolf, aidé enfin, encouragé, conseillé dans sa solitude et dans son bel effort, n'eût pas usé prématurément sa santé. Wagner eût dû se rappeler à ce moment que lui-même, longtemps, chercha désespérément un appui. S'il oublia aussitôt l'écolier, celui-ci ne cessa, par contre, de lutter pour l'art wagnérien. [...]
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