L'Impératrice d'Autriche à Arcachon
Sa Majesté Elisabeth-Marie-Eugénie, Impératrice d'Autriche, reine de Hongrie et de Bohême, est arrivée vendredi à Arcachon par le train de quatre heures du soir. Dès le matin, M. Gasturé se rendait dans notre ville pour arrêter les appartements au Grand-Hôtel.
Sa Majesté qui voyage dans le plus strict incognito, s'est fait inscrire sous le nom de Madame de Tolna. Quatorze ou quinze personnes forment la suite de l'Impératrice. Nous citerons : MM. le baron Faiferlik, aide de camp, Napera, chambellan, Gastewine, Rousso, Rhoupapoulos et plusieurs dames d'honneurUne heure après son arrivée, S. M. accompagnée d'un aide de camp et d'une dame d'honneur a fait, à pied, une promenade sur le boulevard de la Plage.On nous assure que l'aspect général de la ville a produit une agréable impression à l'auguste visiteuse.La population est reconnaissante à S. M. d'avoir bien voulu venir passer quelques jours dans notre station et nous sommes heureux de lui exprimer ici, au nom de cette même population l'expression respectueuse de notre gratitude.Nous rappelons à ce sujet que ce n'est pas la première fois qu'Arcachon reçoit la visite d'un des membres de la famille impériale d'Autriche.En 1879, l'Archiduchesse Elisabeth vint avec sa fille, aujourd'hui reine régente d'Espagne, habiter notre ville pendant plusieurs semaines.On se souvient que les princesses s'installèrent à la villa "Bellegarde" dans la Ville d'Hiver, et que c'est dans ce chalet qu'eu lieu la première entrevue d'Alphonse XII avec celle qui devait un jour partager avec lui le trône d'Espagne.Une plaque commémorative fixée sur les murs de la villa rappelle ce premier entretien royal.On nous dit que Sa Majesté l'Impératrice d'Autriche habitera Arcachon huit jours au moins.
7 septembre 1890
La Journée de l'Impératrice d'Autriche à Arcachon – Après un séjour d'une semaine dans notre ville, S. M. l'Impératrice d'Autriche est partie jeudi dernier par le train de 2 heures se rendant à Bordeaux pour prendre place à bord de son yacht Le Chalazie , et continuer un voyage qui dure depuis près d'un mois.
Tout en observant la plus grande réserve commandée par l'incognito sévère que l'Impératrice désirait garder, notre population et la colonie étrangère actuellement dans nos murs n'en étaient pas moins intriguées et la plus vive curiosité était excitée.
Cette curiosité se manifestait particulièrement aux heures où l'Impératrice avait l'habitude de sortir de ses appartements pour se promener en ville. La foule s'amassait alors sur le boulevard, derrière la grille du Grand-Hôtel, attendant le passage de l'auguste voyageuse.De tout temps il en a été ainsi. Le vulgaire a toujours désiré savoir ce qui se passe dans l'intérieur des somptueuses demeures occupées par les grands de la terre.Possesseur de l'anneau de Gygès, nous pouvons donner quelques détails sur la façon dont l'Impératrice employait sa journée à Arcachon.Elle habitait le vaste appartement du 1er étage du Grand-Hôtel, appartement qui a été précédemment occupé par : M. Thiers ; Le Maréchal de Mac-Mahon ; Le Grand Duc Serge ; La Princesse Mathilde ; La Princesse de Tour-et-Taxis.L'Impératrice se levait tous les jours à 4 heures et demie. A cinq heures, elle entrait dans son bain d'eau de mer chaude et quelques instants après, alors qu'elle était encore dans son bain, elle se faisait servir un litre de lait chaud qui venait d'être trait. Au sortir du bain elle se recouchait jusqu'à 7 heures, heure à laquelle elle se rendait à la chapelle Notre-Dame pour entendre ma messe. Au retour, vers 8 h. ½ elle se mettait à table. Son déjeuner se composait toujours de pièces froides, bœuf, mouton, gibier, fruits et gâteaux. Les viandes blanches sont proscrites de sa table et son unique boisson est du café préparé par une de ses femmes de chambre dans un appareil en argent. Parmi son personnel se trouve un pâtissier qui suit l'Impératrice dans tous ses voyages ; mais après avoir goûté les excellents produits de Foulon, le pâtissier-glacier arcachonnais bien connu, l'Impératrice n'a plus utilisé, pendant son séjour à Arcachon, les services de son pâtissier. Elle faisait elle-même tous les jours sa commande de gâteaux et de glaces chez Foulon.Vers onze heures ou midi, elle sortait et faisait une promenade en ville quelquefois seule, le plus souvent accompagnée d'une dame d'honneur ou d'un aide de camp. Plusieurs magasins ont été visités par elle. Citons la librairie Delamare où elle a fait plusieurs achats, notamment celui de deux ou trois albums contenant des vues de la Ville et du Guide-d'Arcachon édité en 1888 par M. Talon propriétaire de l'Imprimerie Nouvelle.Sa promenade durait généralement jusqu'au moment du dîner qui avait lieu à trois heures et demie. Le menu était le même que celui de son déjeuner. Au sortir de table où elle mangeait toujours seule, elle quittait de nouveau ses appartements pour se promener à pied, et ne rentrait que vers sept heures, pour se coucher à neuf.Nous savons de bonne source que S. M. a été très satisfaite de son séjour à Arcachon ; elle a fait adresser ses éloges au concessionnaire de l'hôtel, M. Lubcké pour la parfaite organisation du service, et le Vatel de l'Établissement n'a pas été oublié. En partant, elle a fait espérer pour l'année prochaine une nouvelle visite qui sera probablement plus longue, l'itinéraire qu'elle s'est tracée ne lui ayant pas permis, en ce moment, de prolonger un séjour qui lui a été fort agréable.
25 septembre 1898
Maintes fois l'a-t-on vue se promener sur la plage, ou dans le parc du Casino ; la figure dissimulée sous une ombrelle, ou derrière un éventail ; suivie d'une seule dame de compagnie ; comme voilée dans un incognito, ennemi de tout apparat, uniquement empreint de grandeur et de tristesse.
On se souvient qu'en 1890 l'Impératrice d'Autriche, atteinte déjà de la maladie de tristesse qui devait l'emporter, descendit au Grand Hôtel d'Arcachon avec une seule dame de compagnie. Elle voulait vivre dans le plus strict incognito. Sa promenade favorite était le matin dans le parc du Casino de la forêt Elle savait merveilleusement jouer de l'ombrelle pour se soustraire de près ou de loin au regard indiscret d'un promeneur, d'un photographe ou d'un journaliste. Au bout de quelques semaines de cette existence esseulée, elle retourna en Italie, le cœur chargé de son inguérissable chagrin.
L'impératrice d'Autriche, qui a quitté Paris avant-hier, est à Bordeaux où elle est descendue à l'hôtel de France. À Paris on sait qu'elle se faisait appeler Mme Nicholson, à Bordeaux elle s'est fait, inscrire sous le nom de miss Simpson! Son aide de camp a aussi changé son état civil, il se fait appeler le baron Faiferick ! ! L'impératrice Elisabeth Nicholson-Simpson va, parait-il, à Arcachon. Espérons qu'elle prendra un troisième nom d'emprunt.
Ce fut le cas...
Grand merci au Dr Philippe Dieu de Bordeaux qui nous a mis sur la piste arcachonnaise.
* Le Grand-Hôtel brûla en 1906 et ne fut pas reconstruit à l'identique. Son emplacement actuel répond aux adresses suivantes : 2, 7 place Carnot , 219-221 boulevard de la Plage , 42-44 boulevard Gounouilhou
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