Une lettre de Wagner à Franz von Lenbach. — Dans cette lettre, Wagner s'occupe d'un portrait du philosophe Schopenhauer, peint par Lenbach. En voici la traduction, d'après le texte allemand publié par le Berliner Tageblatt :
Bayreuth, 13 janvier 1875.
Cher Lenbach,
Je trouve que vous autres peintres, vous êtes des hommes heureux. Si, à l'époque présente, il est question d'art, c'est — dans le sens strict du mot, — toujours et, à proprement parler, seulement de la peinture qu'il s'agit. Les poètes... on les appelle simplement des poètes. Les musiciens... ce sont des fabricants de musique. Mais les artistes, ce sont toujours et seulement des peintres. Cela m'a souvent mis en rage. À la fin pourtant il faut bien que j'admette que l'on a peut-être raison. Considérons maintenant cet être remarquable, cette pure insaisissabilité le vieux Schopenhauer. L'idée d'un Schopenhauer est dans ce portrait pleinement réalisée. Ce portrait est la source de pensées profondes et pénétrantes ; nous avons devant nous l'homme en propre personne. Je n'ai qu'une espérance pour la culture du génie allemand, c'est qu'un temps viendra dans lequel Schopenhauer fera loi pour ce qui a rapport à notre manière de penser et d'approfondir. Ce temps, vous nous le montrez en ce sens que vous avez dessiné pour nous la tête dans laquelle cette loi a trouvé sa noble harmonie. Elle nous regarde, austère et triste. Ainsi, ceux qui la voient semblent-ils attendre d'elle ce sourire que, poussé par vos pressentiments, vous avez imprimé d'avance sur ses traits.
Source du texte : Le Ménestrel, mai 1904
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