Le 17 novembre 1860, Sissi s'embarque à Anvers sur l'Osborne, le yacht que Victoria, la reine d'Angleterre, lui a prêté pour faire le voyage de Madère. Elle fit le voyage de Vienne à Anvers dans le train impérial. La revue L'Abeille impériale (messager des familles : revue du grand monde, des modes et de l'industrie - 1er décembre 1860) nous relate l'arrivée du train impérial à la gare d'Anvers :
S. M. l'Impératrice, qui atteindra sa vingt-troisième année le mois prochain, fut prise, après son troisième accouchement, d'une toux sèche à laquelle on prêta peu d'attention dans le commencement. Mais comme il s'y joignit dans les derniers temps un très-grand amaigrissement, l'archiduchesse Sophie provoqua une consultation, et l'avis des médecins fut qu'il était indispensable que Sa Majesté passât l'hiver dans un climat plus doux. Sa Majesté s'est donc décidé à se rendre à Madère. — Voici quelques détails sur son passage à Anvers.
L'express-train qui a amené l'Impératrice à Anvers est entré dans la gare à sept heures et quelques minutes.
Sa Majesté était accompagnée des personnes de sa Cour : la princesse de Windischgraetz, grande-maîtresse; la princesse Hélène de la Tour et Taxis, dame d'honneur; la comtesse de Hunyadi, dame d'honneur; le général comte Nobili, grand maréchal; le révérend docteur Hœsel, chapelain de Sa Majesté; le docteur Scaturin, médecin de Sa Majesté ; le général comte Mitrowsky, le colonel comte de Ilunyadi, aides de camp de l'Empereur.
Le comte Van der Straten-Ponthoz, grand maréchal du roi des Belges, envoyé à Verviers pour complimenter S. M. l'Impératrice, l'a également accompagnée jusqu'à Anvers.
Les autorités civiles et militaires résidant à Anvers étaient également à la station, ainsi qu'un bataillon et la musique du 8e régiment de ligne.
A l'arrivée du convoi, la musique du 8e fit entendre l'air national autrichien. Aussitôt le train arrêté, l'Impératrice sortit de la berline royale et fut reçue par ses augustes parents. On a remarqué que, pour se conformer sans doute au cérémonial allemand, la duchesse de Brabant et le comte de Flandre ont mis le genou en terre pour baiser la main de l'Impératrice Elisabeth.
L'Impératrice est une femme de taille fort élancée ; elle a une riche chevelure noire, des yeux noirs, les traits fortement accentués et très-distingués. Elle portait un chapeau de velours noir avec des ornements en jais, une voilette noire très-fine devant la figure ; robe noire, manteau de velours de même couleur avec fourrures très-riches.
Sa Majesté paraissait peu souffrante; elle portait la tête haute et droite et saluait avec beaucoup de grâce les personnes groupées autour de la berline impériale.
*
* *
À lire l'article de l'Abeille impériale, il ne s'est rien passé d'extraordinaire lors du passage de Sissi à Anvers. Mais en fait, cette courte réception fit scandale en Belgique, comme le prouve un article paru 28 ans plus tard dans le Gil Blas du 22 septembre 1888, dont je reproduis un extrait :
Question d'étiquette. — La duchesse de Brabant et l'impératrice Elisabeth.
[...]
Les Belges sont très à cheval sur [les] questions d'étiquette. On se rappelle le tapage qui se fit en 1860, alors que le roi Léopold II, qui n'était encore que duc de Brabant fut envoyé avec la duchesse sa femme pour saluer l'impératrice Elisabeth d'Autriche à son passage par Anvers.
La duchesse de Brabant, en s'approchant de l'impératrice, sa parente, avait, suivant le cérémonial autrichien, fléchi le genou et baisé la main de l'auguste voyageuse. Ce fut une énergique protestation d'un bout du pays à l'autre. M. le comte Vilain XIV, un ancien ministre des affaires étrangères, porta la question à la tribune et exigea du cabinet en exercice des explications qui furent, naturellement, fort embarrassées, les ministres n'ayant eu aucune part à ce « manquement à la dignité nationale ». [...]
J. Flamand.
Et c'est ainsi qu'on apprend qu'en 1860, le futur roi des Belges a mis genou en terre devant l'impératrice d'Autriche... et que ce manquement a été porté à la tribune parlementaire.
Le duc et la duchesse de Brabant montèrent sur le trône pour devenir le roi Léopold II et la reine Marie-Henriette. Leur fille Stéphanie épousa l'archiduc Rodolphe de Habsbourg... Il ne fut plus question de génuflexion, on était en famille.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire